A270. Les deux voies de l'Eglise primitive (13)

Par David A. Anderson. L'original peut être consulté en anglais à l'adresse suivante :

http://www.en.com/users/anders/chapter2.html

Reproduction de la traduction française autorisée, pourvu qu’elle soit intégrale, et que les sources soient indiquées. Publié originellement en anglais en 1997, revu et corrigé en 1999. Adresse de l'auteur : David A. Anderson, 924 Richmond Road, Lyndhurst, OHIO 44124 (USA). E-mail : anders@en.com

Nous publions ici, sous forme d'une série d'articles, et avec l'accord de l'auteur, un livre écrit par David Anderson. Ce livre nous semble éclairer particulièrement bien le conflit qui existait au sein de l'Eglise primitive entre la loi et la grâce, les partisans de la loi étant conduits par Jacques, le frère du Seigneur, et ceux de la grâce par l'apôtre Paul. Ce livre est parfaitement d'actualité, car le même conflit peut toujours être observé dans l'Eglise aujourd'hui. Il continue d'opposer ceux qui marchent selon la chair et ceux qui marchent selon l'esprit. La publication complète de cet ouvrage s'étalera sur plusieurs semaines, d'autres articles pouvant aussi être publiés en même temps.

Chapitre 12 : Et l'Eglise poursuit sa marche.

"Or, à celui qui peut faire, par la puissance qui agit en nous, infiniment au delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui soit la gloire dans l'Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles ! Amen !" (Ephésiens 3 :20-21).

Près de deux mille ans se sont écoulés depuis le début de l'ère nouvelle. Tenter de se tracer une juste représentation de l'Eglise primitive, à une telle distance, serait une tâche impossible si nous n'avions pas le Livre des Actes pour nous guider. Les historiens peuvent seulement nous rappeler que nous ne savons pas grand-chose sur cette période de trente ans du Livre des Actes. Cela ne peut que mettre en valeur l'importance cruciale d'un tel récit.

Certains théologiens prétendent qu'il est impossible que Luc ait pu écrire les Actes avant la destruction du Temple de Jérusalem. Ils disent que Luc ne pouvait pas savoir à l'avance que le Temple serait détruit. Ils ne font que nier le fait que Jésus avait prophétisé cette destruction, quarante ans auparavant. Il semble pourtant clair, quand on considère la fin du Livre des Actes, que Luc a terminé sa rédaction alors que Paul était encore emprisonné à Rome, deux ans après son arrivée dans cette ville.

Le Livre des Actes peut être facilement confirmé par les récits historiques de cette époque. Nous savons que Félix fut gouverneur de la Judée de l'an 52 à l'an 59. Paul fut emprisonné à Césarée au cours des deux dernières années du mandat de Félix. Actes 27 :12 nous montre que Paul, au printemps de 59, n'était pas encore arrivé à Rome. Les deux années qu'il passa emprisonné dans la maison qu'il avait louée à Rome étaient donc les années 60 et 61. On suppose que Paul fut libéré en 62. Je ne peux pas imaginer qu'un ange soit apparu à Paul simplement pour lui dire qu'il devait comparaître devant César (Actes 27 :24), si Paul avait dû être condamné suite à cette comparution. Paul a donc été relâché en 62, à peu près au moment où Jacques était assassiné à Jérusalem. Festus était mort en fonctions en 62, et Jacques avait été assassiné avant l'arrivée du nouveau gouverneur, Albinus.

Nous disposons d'autres informations postérieures à l'an 62. Car Paul écrivit les deux épîtres à Timothée, ainsi que l'épître à Tite, après cette date. Comme l'a écrit un commentateur, "les événements, les noms et les lieux mentionnés dans ces trois épîtres pastorales ne peuvent pas être replacés dans le récit des Actes. C'est donc une bonne raison pour confirmer que Paul a continué à vivre après la fin du Livre des Actes". Certains prétendent que Paul comparut une nouvelle fois devant Néron en 68, et qu'il fut alors exécuté. D'autres affirment que la tradition chrétienne unanime certifie que Pierre et Paul ont tous deux été mis à mort à Rome, sous Néron. Mais le témoignage de cette "tradition chrétienne" n'est intervenu que bien longtemps après cette période. Comme beaucoup de "traditions" ont été reconnues comme fausses, on ne peut que considérer avec suspicion cette tradition-là également.

Paul a écrit à Timothée : "Car pour moi, je sers déjà de libation, et le moment de mon départ approche" (2 Tim. 4 :6). Cela ne signifie pas nécessairement que Paul s'attendait à être martyrisé. Paul savait simplement que son œuvre était terminée, et qu'il allait bientôt mourir. Il ajouta : "J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi". Quand Paul nous dit qu'il a achevé sa course, cela nous permet de croire que ce ne sont pas ses ennemis qui l'ont arrêté dans sa course !

Quelle que soit la valeur que certaines églises attribuent au martyre, le Livre des Actes nous montre que Paul a bien souvent été délivré de la mort par la puissance miraculeuse de Dieu. Il m'est difficile de penser que Jésus-Christ ait pu finir par envoyer Paul au martyre, alors que Paul lui-même ne s'était nullement épargné pendant 35 ou 40 ans.

Il me semble donc tout à fait probable que Paul soit mort tranquillement dans son lit, satisfait d'avoir pu exercer pleinement son ministère, et d'avoir vu la puissance de Jésus-Christ se manifester dans sa vie, d'une manière que bien peu de Chrétiens ont pu eux-mêmes expérimenter par la suite. Quand Paul écrivait à Timothée, il devait avoir un peu plus de 60 ans. Ce n'était pas un âge très tendre, pour quelqu'un qui avait vécu autant de choses ! Tant d'épreuves, de naufrages, de flagellations, de lapidations, de périls, de jeûnes et d'emprisonnements ont certainement dû avoir des conséquences sur la constitution de Paul. Pourtant, Paul avait été délivré de toutes ces épreuves. Il dit, à la fin de la deuxième épître à Timothée : "Le Seigneur me délivrera de toute œuvre mauvaise, et il me sauvera pour me faire entrer dans son royaume céleste. A lui soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen !" (2 Tim. 4 :18). Il est donc certain qu'aucune "œuvre mauvaise" n'a fait succomber Paul à la fin de sa vie. J'aimerais plutôt croire qu'il a été enlevé, comme Enoch, que de croire qu'une "œuvre mauvaise" l'a fait succomber. Il nous suffit de nous en tenir à ce que disent les Ecritures.

Au cours de son emprisonnement à Rome, en 60-61, Paul écrivit les épîtres aux Ephésiens, aux Philippiens et aux Colossiens, ainsi que l'épître à Philémon. Quand nous étudions ces épîtres à la lumière du Livre des Actes, nous bénéficions d'un contexte qui éclaire ces épîtres d'une manière extraordinaire. Quand nous comprenons à quels extrêmes Paul a accepté d'aller pour tenter de se réconcilier avec l'Eglise de Jérusalem, jusqu'à son dernier voyage à Jérusalem, nous pouvons comprendre ces trois épîtres d'une manière unique. Quand nous savons en outre que l'épître aux Galates a été écrite peu après le concile de Jérusalem, en 49, cela met glorieusement en valeur les épîtres aux Ephésiens, aux Philippiens et aux Colossiens. Il en est de même quand nous réalisons que l'épître aux Romains a été écrite environ trois ans avant le dernier voyage de Paul à Jérusalem. Cela met particulièrement en valeur ces trois épîtres. Elles constituent réellement la "règle de conduite et de foi" de l'Eglise de tous les temps.

Si ces trois épîtres aux Ephésiens, aux Philippiens et aux Colossiens étaient méditées et comprises dans l'esprit, pour être concrètement mises en pratique, il est impossible d'imaginer ce que la puissance et la grâce de Dieu pourraient accomplir comme changements dans le monde ! D'autant plus que ces épîtres sont courtes, cinq à six pages chacune. Ces épîtres sont trop longtemps restées cachées à trop de Chrétiens, pour la simple raison qu'elles sont trop glorieuses pour être crues ! Et le "parti de Jacques" avait trop d'intérêt à les garder cachées ! Mais c'est Jésus-Christ qui est le Chef de l'Eglise, ce ne sont pas les membres du "parti de Jacques" ! C'est le berger qui a la responsabilité de chercher et de retrouver les brebis perdues. De même, c'est Jésus-Christ qui continue à nous garder et à nous rappeler à Lui, pour nous empêcher de nous égarer.

Quand nous réalisons que les dizaines de milliers de Juifs convertis à Jérusalem, avant le dernier voyage de Paul à Jérusalem, avaient accès aux épîtres aux Galates, aux Thessaloniciens, aux Corinthiens, aux Romains, et, sans doute aussi, aux Hébreux, cela nous prouve à quel point leur cœur était endurci, et combien ils étaient spirituellement éloignés de Paul ! Cela nous permet de comprendre pourquoi ils voulaient tellement garder les Gentils sous leur autorité ! Il est évident qu'ils ne pouvaient pas réfuter ces épîtres. Ils ont donc voulu supprimer leur auteur. Mais Jésus-Christ a délivré Paul de leurs mains. Luc a consacré le dernier tiers de son Livre des Actes à cette délivrance, et à montrer que Paul avait fini par comprendre qu'il ne pouvait y avoir aucune réconciliation entre les enfants de l'esclave et les enfants de la femme libre. Ce seul fait montre que l'objectif de Luc n'était pas seulement de décrire l'expansion du Christianisme pendant les trente premières années de l'Eglise. Il est évident qu'il a voulu décrire les conflits qui existaient entre la loi et la grâce au sein de l'Eglise primitive, et mettre l'accent sur cette vérité sans prix : "Ma grâce te suffit !" (2 Corinthiens 12 :9).

L'appel de Paul devant Néron.

J'ai déjà mentionné la possibilité que Luc ait écrit le Livre des Actes pour constituer un dossier destiné à la défense de Paul, lors de son appel devant Néron. Cette possibilité s'accorde parfaitement avec la thèse centrale de mon livre, qui vise à prouver l'existence d'un conflit au sein de l'Eglise primitive. Un court examen de cette possibilité peut stimuler des recherches ultérieures sur ce sujet, tout en me permettant de résumer l'ensemble de mon étude.

Bien souvent, nous constatons, dans la Bible comme dans notre vie, que ceux qui s'efforcent de faire la volonté de Dieu ne se doutent pas vraiment de l'impact futur de leur œuvre. Par exemple, Martin Luther, quand il a publié ses 95 thèses pour les soumettre à l'examen critique des professeurs et des étudiants de théologie, ne se doutait nullement de l'impact révolutionnaire de ce travail, qui allait lancer la Réforme et changer la face du monde au cours des cinquante années qui ont précédé la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb.

De même, Siméon (Luc 2 :25), quand le Saint-Esprit était sur lui et lui avait révélé qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le Seigneur Jésus-Christ, ne pouvait pas savoir à quel point le monde changerait, suite à la venue de Christ. Siméon prit l'enfant Jésus dans ses bras et prophétisa : "Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur s'en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut, salut que tu as préparé devant tous les peuples, lumière pour éclairer les nations, et gloire d'Israël, ton peuple" (Luc 2 :29-32). Siméon ne pouvait pas savoir que ses paroles passeraient à la postérité, et que les Chrétiens du monde entier les liraient, depuis deux mille ans, avec des larmes de joie dans les yeux. Le salut en Jésus-Christ était si grand, la lumière qui illuminait les Gentils était si brillante, la gloire du Seigneur sur Son peuple, Israël, était si magnifique, que Siméon n'a certainement pas pleinement compris la portée des paroles qu'il prononçait. Il a été certainement béni au-delà de toute mesure par ce qu'il avait compris. Mais il n'avait compris qu'une petite partie de tout ce qui allait se produire par la suite !

Nous pourrions donner beaucoup d'autres exemples de la grandeur des plans de Dieu, qui dépassent tout ce que les hommes peuvent concevoir, même dans leurs conceptions les plus élevées et les plus pures ! De même, Luc pouvait avoir un objectif immédiat quand il a entrepris de rédiger le Livre des Actes. Mais il n'a sans doute pas pleinement évalué l'impact que son œuvre allait avoir, pendant les deux mille ans qui ont suivi. Il se peut que Luc ait écrit les Actes pour servir à la défense de Paul devant Néron. En fait, un tel objectif permettrait d'expliquer pourquoi le Livre des Actes se termine abruptement, au moment où Paul se sépare des Juifs qu'il avait convoqués dans la maison qu'il avait louée à Rome, peu avant de comparaître devant Néron.

Beaucoup se sont demandé pourquoi Luc n'a pas continué son récit, pour nous dire comment et quand Paul avait achevé sa vie. Ces questions peuvent trouver une réponse si nous acceptons le fait que Luc ait écrit les Actes pour défendre Paul devant l'Empereur Néron. Si Néron a donc eu l'occasion de lire le Livre des Actes avant le procès de Paul, s'il a pu faire effectuer toutes les enquêtes nécessaires pour vérifier le contenu de ce livre, s'il a pu convoquer des témoins oculaires pour confirmer les événements décrits, nous pouvons imaginer que ce procès ne fut pas une simple affaire de routine, mais qu'il a pu fortement intéresser Néron.

Néron a donc eu le temps d'étudier tout ce dossier, depuis l'arrivée de Paul à Rome (et peut-être même depuis bien plus tôt, au moment où le gouverneur Festus avait été révoqué et remplacé par Félix). Il a disposé de deux années pour étudier et faire vérifier les faits. Nous l'avons déjà vu, le Christianisme était déjà très répandu dans tout l'empire romain. Il se peut très bien que ce problème ait pu être considéré par Néron comme un conflit entre le Judaïsme et le Christianisme, et pas seulement comme un conflit entre Paul et le Souverain Sacrificateur de Jérusalem. Cette hypothèse peut vous sembler excessive, mais les faits nous montrent qu'elle est très plausible.

En l'an 49, l'année même où s'est tenu le concile de Jérusalem, l'Empereur Claude fit expulser les Juifs de Rome (dont faisaient partie Aquilas et Priscille), en raison de troubles causés par un "certain Chrestus". Si ce "Chrestus" historique n'était autre que Christ, et non pas un esclave inconnu, nous constatons que le Christianisme était déjà bien implanté à Rome, mais qu'il était considéré à ce moment-là comme faisant partie du Judaïsme. Ces conflits internes à une communauté de près de 60.000 Juifs établis à Rome finirent par exaspérer Claude. Par ailleurs, le fait que Néron ait rendu les Chrétiens responsables de l'incendie de Rome, en l'an 64, prouve que Chrétiens et Juifs étaient considérés comme deux communautés distinctes à cette époque. Les quinze années qui séparent ces deux événements correspondent à la deuxième moitié du Livre des Actes, et au moment où Paul a comparu devant Néron. Compte tenu de ces faits, il est parfaitement possible que Néron ait pris une décision en faveur de Paul, et qu'il ait aussi décidé de considérer dorénavant le Christianisme comme distinct du Judaïsme, comme le prouve le Livre des Actes.

Si Paul a bien été relâché en l'an 62, nous pouvons rappeler que Jacques a été assassiné cette même année, ce qui semble une coïncidence plus que curieuse. C'est aussi en 62 que le Souverain Sacrificateur fut destitué par le Roi Agrippa II, et que le gouverneur Festus mourut en fonctions d'une cause inconnue. Nous avons déjà vu, en considérant les faits relatés par le Livre des Actes, que Félix a sans doute été remplacé, en 59, en raison des problèmes causés par Paul. Le terrible incendie de Rome, en 64, ainsi que l'interruption des sacrifices offerts à César à Jérusalem, en 66, début de la guerre contre Rome, peuvent mieux s'expliquer si l'on admet que Néron avait décrété que le Christianisme était une religion distincte du Judaïsme, à la suite du procès de Paul. Une telle décision expliquerait beaucoup de choses, et permettrait aussi de comprendre comment l'Eglise Catholique Romaine aurait déjà pu commencer à se former à Rome, en tant qu'Eglise distincte de l'Eglise de Jérusalem.

On ne sait pas si les décisions du concile de Jérusalem, en l'an 49, ont continué à être appliquées après la destruction de l'Eglise de Jérusalem. Certaines données historiques nous prouvent toutefois qu'une église chrétienne composée de Juifs convertis a subsisté, église dirigée par des membres de la famille de Jésus. Hégésippe, un auteur chrétien d'origine Palestinienne, qui vécut autour de l'an 150, raconte que les membres de la famille de Jésus se réunirent, après la mort de Jacques, pour élire son successeur. Car un grand nombre des membres de la famille de Jésus, dans la chair, étaient encore vivants à cette époque. Si cela est vrai, il s'agit, là encore, d'un nouveau cas de népotisme dans l'église de Jérusalem. Certains historiens affirment aussi que "les Juifs ont probablement été les instigateurs des persécutions de Néron contre les Chrétiens". Cela prouverait aussi que les Juifs se sont nettement dissocié des Chrétiens, peu après l'appel de Paul devant Néron.

Néron fut empereur pendant 14 ans, de l'an 55 à l'an 68. Pendant les sept premières années de son règne, de 55 à 61, son empire fut apparemment bien administré, ce qui ne fut pas le cas pendant les sept dernières années. L'an 62 fut celui où Paul comparut devant Néron. Mais ce fut aussi l'année où de nombreux événements capitaux assombrirent le règne de Néron. Cette année-là, Brutus, le chef de la garde prétorienne, homme compétent et honnête, mourut. Sénèque, le conseiller de Néron, fut contraint de se retirer et, peu après, de se suicider. La disgrâce de Sénèque semble d'autant plus significative quand nous considérons le fait que Gallion, le proconsul d'Achaïe, qui ne voulut pas écouter les accusateurs de Paul dans Actes 18, était le frère de Sénèque. Ce même Sénèque avait écrit : "Les coutumes de cette race plus que maudite (les Juifs) se sont tellement répandues qu'elles sont à présent acceptées partout. Ce sont les vaincus qui ont fini par imposer leurs lois à leurs vainqueurs". Cette phrase nous permet de penser qu'en présence d'une confrontation entre Juifs et Chrétiens, Sénèque aurait probablement pris le parti des Chrétiens.

Il est difficile de croire que tous les changements dramatiques qui se sont passés dans l'Empire Romain en l'an 62, au moment même où Paul dut comparaître devant Néron, aient été de simples coïncidences. Les historiens nous apprennent qu'après les disparitions de Brutus et de Sénèque, des personnages avides et manipulateurs prirent de l'ascendant sur Néron, pour le plus grand malheur de l'empire. Compte tenu de l'importance de l'Eglise de Jérusalem, et de la rapide expansion du Christianisme dans tout l'Empire Romain, il n'est pas difficile de réaliser que l'appel de Paul devant Néron était au centre de toutes les intrigues qui se sont passées à Rome en l'an 62.

Le propre témoignage de Paul nous conduit à cette même conclusion. En effet, son emprisonnement à Rome eut un impact majeur dans cette ville. Dans Philippiens 1 :13, Paul écrit : "En effet, dans tout le prétoire et partout ailleurs, nul n'ignore que c'est pour Christ que je suis dans les liens". Si nous nous rappelons qu'aucune accusation sérieuse ne fut retenue par Festus contre Paul (Actes 25 :25-27), ni incluse dans le dossier que le gouverneur transmit à l'empereur, et que le ministère de Paul se poursuivit sans relâche pendant toutes les années où il fut emprisonné à Césarée et à Rome, nous pouvons très bien imaginer à quel point tout l'Empire Romain fut secoué par cette affaire, dans laquelle un citoyen romain avait été injustement accusé et traité.

Paul avait été emprisonné pour la seule raison qu'il prêchait l'Evangile. Il n'avait commis aucun crime (voir aussi Colossiens 4 :3). Au cours de son emprisonnement à Rome, Paul vit certainement s'ouvrir devant lui des portes aussi largement ouvertes qu'à Césarée, où il eut l'occasion de témoigner devant le Roi Agrippa II, qu'il "persuada en peu de temps de devenir Chrétien" ! A cette occasion, il put aussi s'exprimer librement devant le gouverneur romain, ainsi que devant tous les chefs militaires et les principaux citoyens de la ville de Césarée (Actes 26).

Dans Philippiens 4 :22, Paul ajoute : "Tous les saints vous saluent, et principalement ceux de la maison de César". L'épître aux Philippiens a été écrite pendant l'emprisonnement de Paul à Rome. Il est impossible que Paul ait pu exagérer. Il faut donc reconnaître que l'Evangile a été prêché à des personnes qui appartenaient à la propre famille de l'empereur. Paul était très optimiste quant à sa libération (voir Philippiens 1 :24-26 et 2 :23-24). Nous devons penser qu'il avait de bonnes raisons de se montrer optimiste, compte tenu des expériences qu'il avait faites à Rome. Il est certain que si la propre famille de César comptait des Chrétiens enthousiastes, Paul pouvait se montrer optimiste.

Comment Néron aurait pu étudier le Livre des Actes.

Mettons-nous un moment à la place de Néron, assis à son bureau et lisant le rapport rédigé par Luc pour la défense de Paul. Cela nous permettra peut-être de mieux comprendre si l'un des objectifs de Luc, en écrivant le Livre des Actes, était bien d'établir un document qui devrait être présenté à l'empereur lors du procès de Paul.

Nous aurions tout de suite remarqué l'introduction de Luc : "Théophile, j'ai parlé, dans mon premier livre, de tout ce que Jésus a commencé de faire et d'enseigner dès le commencement…" (Actes 1 :1). Nous aurions alors demandé au fonctionnaire de service : "Quel est donc ce "premier livre" ?" Nous aurions demandé que l'on nous fasse un bref résumé de l'Evangile de Luc, puis nous aurions demandé : "Qui est donc ce Théophile ?" A moins que nous ayons immédiatement compris que ce document nous était personnellement adressé, et que "Théophile" ("Aimé de Dieu", en grec) était une expression qui nous concernait directement, nous, l'Empereur Néron. Nous aurions pu alors sourire et penser que "la flatterie ne nous influencera pas", tout en étant satisfait de penser que Dieu pouvait aimer l'Empereur !

Il faut remarquer que, dans l'Evangile de Luc (Luc 1 :3), l'évangéliste s'adresse au même Théophile, en faisant précéder ce nom de l'adjectif "kratistos", qui signifie "très excellent". "Kratistos" concerne toujours un personnage très noble et très puissant. Cet adjectif n'est utilisé que quatre fois dans le Nouveau Testament, uniquement par Luc : au début de son Evangile, comme nous venons de le voir ; "Kratistos Felix" (Très excellent gouverneur Félix), dans la lettre du tribun Claudius Lysias au gouverneur Félix (Actes 23 :26) ; "Kratistos Felix" (Très excellent Félix), lorsque Paul s'adresse au gouverneur dans Actes 24 :3 : "Kratistos Festus" (Très excellent Festus), quand Paul répond à Festus dans Actes 26 :25).

Comme "Théophile" est formé de deux mots grecs, Theos (Dieu) et phileo (aimer), la signification littérale de ce prénom est "aimé de Dieu". Par conséquent, au lieu de dire que Luc a écrit son Evangile et les Actes des Apôtres à un "illustre inconnu", comme le disent la plupart des commentateurs, pourquoi ne pas penser que Luc ait pu adresser ses ouvrages à César lui-même, en tant "qu'aimé de Dieu", et "très excellente personnalité" ? Certes, il est aussi possible que le destinataire de cet ouvrage ait bien été quelque "illustre inconnu", mais il n'est pas déraisonnable de penser que César lui-même ait pu être aussi ce destinataire. Compte tenu du culte dont bénéficiait l'empereur, le fait d'écrire "Kratistos Nero" (Très excellent Néron) n'aurait pas eu le même impact que celui d'écrire "Kratistos Theophilus" (Très excellent bien-aimé de Dieu) ! Nous devons donc considérer sérieusement l'hypothèse que Luc ait pu écrire ses livres à l'intention de l'empereur lui-même.

Poursuivant notre lecture des Actes, nous, Néron, aurions sans doute considéré le premier chapitre comme un simple mythe religieux. Nous aurions pu noter que nous devions faire convoquer l'un des apôtres pour vérifier si Jésus-Christ leur avait bien parlé après Sa résurrection. Nous aurions aussi conclu que ce chapitre s'accordait parfaitement avec les croyances de Paul, croyances jugées ridicules par Festus. Le verset 6 nous aurait montré que près de trente ans s'étaient écoulés depuis cet événement, et que Jésus-Christ n'avait pas représenté une menace sérieuse pour l'empire romain, mais qu'il semblait en représenter une pour cette ennuyeuse nation d'Israël. Le verset 8 nous aurait fait comprendre que ce Jésus-Christ voulait que ses disciples soient des témoins, et non des conquérants militaires ou politiques. Nous aurions vite compris que les apôtres ne constituaient pas une force politique dangereuse à Jérusalem. Cela nous aurait conforté dans notre opinion que Jésus-Christ ne représentait pas une grave menace pour notre empire.

Nous aurions sans doute demandé à un fonctionnaire de faire une enquête approfondie sur les circonstances de la mort de ce Jésus-Christ. Nous aurions noté avec intérêt que des ténèbres s'étaient abattues sur l'empire pendant trois heures, au moment de la mort de cet homme. Actes 2 :20 nous aurait rappelé cet événement. Nous aurions aussi appris que "le voile du Temple s'était déchiré du haut en bas" (Luc 23 :45). Nous aurions pu faire remarquer à notre fonctionnaire que le Souverain Sacrificateur avait dû être dans tous ses états en apprenant que le Lieu Très Saint, déjà vide, était exposé à la vue de tous. Nous aurions aussi remarqué que la préparation de la Pâque avait dû être fortement perturbée par ces ténèbres en plein milieu du jour. Il devait être difficile de mettre à mort les milliers d'animaux et d'agneaux qui devaient être sacrifiés pour la fête.

En lisant que Matthias avait été choisi pour remplacer Judas, nous aurions noté qu'il fallait savoir pourquoi Jacques, le frère de Jésus, n'avait pas été sélectionné. Au chapitre 2, nous aurions remarqué avec intérêt que trois mille personnes s'étaient converties le jour de la Pentecôte. Nous aurions fait faire une enquête pour savoir comment Jérusalem s'était "comportée" depuis l'an 30. Nous aurions même pu faire convoquer Pierre, s'il ne se trouvait pas à Babylone, ou hors d'atteinte, pour qu'il nous confirme lui-même les événements relatés dans Actes 2.

Les chapitres 3 à 7 nous auraient montré que le Souverain Sacrificateur et le Sanhédrin des Juifs avaient des problèmes incessants avec les Chrétiens. Nous aurions probablement pensé, en souriant, que le conflit entre Paul et le Sanhédrin avait des racines lointaines et profondes. La lapidation d'Etienne et le chapitre 8 nous auraient clairement montré que Paul était considéré comme un traître par le Souverain Sacrificateur et ses associés. Nous aurions compris que Paul n'était pas "le premier venu", et que cela ne l'avait pas empêché de se convertir à Jésus-Christ.

Poursuivant notre lecture, nous aurions noté que des "multitudes" se convertissaient, de même qu'une "foule de sacrificateurs". Si Luc avait exagéré, cela aurait discrédité tout son dossier. Nous aurions fait vérifier que ces informations étaient bien exactes, et nous aurions compris à quel point ces Chrétiens pouvaient gêner sérieusement le Souverain Sacrificateur. Les problèmes du Souverain Sacrificateur nous laissaient plutôt indifférent, car nous connaissions les ennuis incessants que nous causaient le peuple Juif, parmi tous les autres peuples de notre empire. En fait, nous commencions même à penser que ces Chrétiens pourraient tenir le Judaïsme en échec, et que cela ne pourrait que profiter à l'Empire Romain. En tant qu'empereur, nous commencerions alors à étudier sérieusement la possibilité de reconnaître le Christianisme comme une religion distincte du Judaïsme. Une telle décision ne pouvait qu'être bonne pour l'Empire Romain.

Le discours d'Etienne devant le Sanhédrin, puis son assassinat, nous auraient conforté dans le sentiment que Luc voulait montrer que le Christianisme était bien distinct du Judaïsme. Nous aurions convoqué un expert, qui nous aurait fait remarquer qu'Etienne citait dans son discours de Pentateuque samaritain, et non le texte massorétique. Nous aurions conclu qu'Etienne était probablement d'origine samaritaine, et qu'il n'était pas un Juif de pure souche.

L'histoire de la nation juive, retracée dans le discours d'Etienne, nous semblerait en faveur de la position des Chrétiens, et en défaveur de celle du Souverain Sacrificateur. Nous aurions relevé le fait que les sept diacres étaient composés de Grecs, dont un prosélyte d'Antioche, et que les disciples furent appelés "Chrétiens" pour la première fois à Antioche. Cela nous aurait conforté dans notre projet de reconnaître le Christianisme comme une religion distincte du Judaïsme. En outre, apprenant que Luc était un médecin d'Antioche, et non un sacrificateur de Jérusalem, cela nous aurait fait considérer son récit comme plus crédible, surtout si Luc était un Gentil et non un Juif (comme la plupart des théologiens l'affirment depuis 150 ans ; si Luc était un Gentil, il possède donc l'unique distinction d'être le seul auteur Gentil, parmi tous ceux qui ont écrit la Bible).

La "grande persécution" subie par l'Eglise de Jérusalem aurait sans doute attiré notre sympathie. Apprenant que Paul avait été un persécuteur avant sa conversion, nous aurions fait enquêter sur ses activités depuis sa conversion, pour savoir s'il représentait une menace pour l'Empire Romain. Constatant qu'il n'avait créé aucune "organisation", qu'il n'avait aucune fortune personnelle, aucun "quartier général", ni aucune "base de pouvoir", choses susceptibles de représenter une menace pour Rome, apprenant en outre qu'il était originaire de Tarse, qu'il avait passé peu de temps à Jérusalem au cours des vingt-cinq dernières années, et qu'il avait pourtant provoqué de grands troubles au milieu des Juifs de Jérusalem et de la diaspora, nous aurions éprouvé pour cet homme une certaine sympathie. Il était clair que cet homme n'avait commis aucun crime. En fait, il apportait même des dons en argent à Jérusalem quand il faillit y être tué.

Nous aurions ensuite remarqué que les enseignements de Paul au milieu des nations n'avaient causé aucun problème à l'Empire Romain. Notre attention aurait été attirée par le fait que le proconsul Sergius Paulus avait été favorable à Paul, que Manahen, qui avait été élevé avec Hérode le Tétrarque, était docteur à Antioche (Actes 13), que les Juifs avaient provoqué des troubles contre Paul à Antioche de Pisidie (Actes 13), ainsi qu'à Icone (Actes 14). Dans Actes 10 et 11, nous aurions noté avec intérêt la conversion du centenier Corneille. Nous aurions sans doute fait enquêter sur sa personne, pour vérifier si sa "conversion" avait eu des conséquences négatives dans sa vie et en ce qui concerne les intérêts de l'Empire Romain, au cours des vingt dernières années. La longueur du récit de Luc consacré à la conversion de Corneille ne nous aurait pas échappée. Après la lecture de ce récit, nous aurions plutôt pris le parti de Corneille et de Pierre, plutôt que celui de Jacques et de l'Eglise de Jérusalem.

Nous aurions aussi remarqué que le Roi Hérode Agrippa I, après avoir fait assassiner l'apôtre Jacques et emprisonner Pierre, était mort rongé par les vers, frappé par un ange. Cela nous aurait mis un peu mal à l'aise et nous aurait fait nous tortiller un peu sur notre fauteuil. En fait, cela nous aurait poussé à relire tout le chapitre 12, juste pour vérifier si Luc n'avait pas voulu insinuer une menace à l'encontre de l'Empereur de Rome. A cette occasion, nous aurions remarqué que Pierre, une fois libéré, avait demandé de prévenir Jacques, le frère de Jésus. Cela nous aurait poussé à ordonner une enquête complète sur ce Jacques, sur ses relations, son influence réelle, et sur son attitude envers Rome. Si nous avions eu l'occasion de lire son épître, nous aurions remarqué qu'il n'était pas très tendre envers les riches, et qu'il avait aussi écrit : "Que le frère de condition humble se glorifie de son élévation. Que le riche, au contraire, se glorifie de son humiliation ; car il passera comme la fleur de l'herbe" (Jacques 1 :9-10). Nous n'aurions pas pu nous empêcher de penser qu'il était un "incitateur au désordre public". Ensuite, en découvrant dans les Actes qu'il était le chef d'un parti de "dizaines de milliers de Juifs qui avaient cru", nous aurions sans doute conclu que c'était un homme dangereux.

Nous aurions sans doute aussi noté avec intérêt, dans Actes 14, que des Juifs d'Antioche de Pisidie et d'Icone étaient venus à Lystre pour lapider Paul et le jeter hors de la ville, le laissant pour mort. Nous aurions fait faire une enquête à Lystre pour demander aux autorités romaines locales si les actions de Paul avaient été préjudiciables à l'empire, ou si elles lui avaient été bénéfiques. En fait, nous aurions ordonné des enquêtes dans tous les lieux où Paul s'était rendu, pour demander aux autorités quelle était leur opinion sur Paul.

Dans Actes 15, nous aurions constaté que l'Eglise de Jérusalem, dirigée par Jacques, avait tenté d'étendre son autorité au-delà des limites de Jérusalem. Nous aurions ordonné d'étudier quelle avait été la croissance du Judaïsme depuis l'an 30, pour voir quelle avait été son influence sur l'Empire Romain. Si cette étude nous avait montré que cette religion s'était considérablement accrue, en nombre de convertis et en richesses, nous en aurions conclu que Jacques et tous ceux qui le suivaient à Jérusalem représentaient une menace très sérieuse pour Paul.

Dans Actes 16, nous aurions remarqué avec intérêt que Paul avait été emprisonné illégalement à Philippes, et qu'il avait convoqué les magistrats de la ville dans la prison pour qu'ils lui présentent des excuses, pour avoir emprisonné un citoyen romain sans motifs. Nous aurions ordonné une enquête pour savoir de quelle manière la conversion du geôlier avait influencé sa vie, et quelle était son attitude actuelle envers l'Empire Romain.

Dans Actes 17, lors du récit du séjour de Paul à Athènes, nous aurions remarqué que le Dieu que Paul prêchait n'était pas le Dieu des Juifs seulement, mais le Dieu de toute l'humanité. Bien que nous pensions que cet enseignement pouvait menacer le culte rendu à César, dans le fond de notre cœur, nous savions bien que nous n'étions pas Dieu. Ce "culte divin" rendu à César n'était qu'une mesure politico-religieuse destinée à fidéliser les peuples à Rome, et non à gagner des convertis à une nouvelle religion meilleure que les autres. Le discours de Paul à Athènes ne nous paraissait pas menacer l'obéissance que les sujets de l'empereur lui devaient.

Dans Actes 18, nous aurions été impressionné de voir que les Juifs de Corinthe s'étaient unanimement soulevés contre Paul, et que le proconsul local, Gallion (sans doute d'accord avec son frère Sénèque), nous aurait probablement conseillé de prendre le parti des Chrétiens, et de nous opposer aux agissements du Souverain Sacrificateur et des autorités de Jérusalem. Nous aurions été curieux d'entendre Paul présenter devant nous sa défense, pour savoir comment un tel homme pouvait susciter une telle haine de la part des Juifs, tout en attirant constamment la sympathie des autorités romaines.

Dans Actes 19, nous n'aurions sans doute pas cru que Paul avait accompli autant de miracles à Ephèse, au cours de son séjour de deux ans et demi dans cette ville. Nous aurions fait enquêter par les autorités romaines pour savoir si les actions de Paul avaient causé du tort à l'empire. Nous aurions aussi pu demander à Luc de nous dire qui étaient ces "Asiarques" (chefs de la province de l'Asie) qui étaient les amis de Paul, pour savoir s'ils s'étaient comportés de manière subversive, ou s'ils étaient restés de fidèles sujets de Rome. Quant aux problèmes causés par Paul à l'orfèvre Démétrius et à ses associés, qui fabriquaient des petits temples en argent pour les dieux d'Ephèse, nous aurions sans doute dit : "Un bon point pour toi, Paul ! Cette Diane des Ephésiens n'est même pas un dieu !"

En arrivant à Actes 20, nous aurions compris que nous étions au cœur du problème. Paul s'était rendu à Jérusalem, et avait failli y être tué. Il aurait été mis à mort, si Claudius Lysias et les soldats romains ne l'avaient pas secouru. Nous aurions remarqué, avec une irritation croissante, qu'il n'y avait toujours aucune accusation sérieuse portée contre Paul, qui avait dû faire appel devant nous à Rome, à cause de la haine que les Juifs lui vouaient. Claudius Lysias n'avait rien trouvé de mal en Paul. Félix n'avait rien trouvé de mal en lui. Et pourtant, les Juifs avaient tout fait pour faire remplacer Félix, parce que ce dernier ne voulait pas leur livrer Paul. Le gouverneur voulait relâcher Paul. Festus non plus n'avait rien trouvé de mal en Paul, qui avait même réussi à persuader le Roi Agrippa de devenir Chrétien. Agrippa pensait que Paul aurait pu être libéré. Nous n'aurions pas manqué de remarquer que la sœur du Roi Agrippa, Drusille, était la femme de Félix, et que Félix et Drusille avaient souvent parlé avec Paul pendant deux ans, avant que Félix soit révoqué. Nous en aurions probablement conclu qu'Agrippa et Drusille, tout comme Félix et Bérénice, avaient souvent parlé du Christianisme avec Paul, et que l'intérêt que manifestait Agrippa pour le discours de Paul n'était certainement pas un intérêt superficiel. Nous aurions fait aussi remarquer à notre fonctionnaire de service qu'Agrippa avait jugé bon de réunir un formidable auditoire de personnalités illustres pour écouter Paul. Nous en aurions conclu que tous les faits étaient en faveur de Paul, de l'avis même de tous les Romains, et que même le Roi Agrippa II, le Roi des Juifs, était du côté de Paul.

En achevant la lecture de ce document de 45 pages soumis par Luc pour la défense de Paul, nous aurions noté avec intérêt que le navire qui transportait Paul à Rome avait subi un naufrage, et qu'un ange de Dieu avait dit à Paul qu'il devait comparaître devant César, et qu'aucun des passagers du bateau ne périrait. En lisant le récit de la rencontre finale de Paul avec les Juifs de Rome, nous aurions probablement dit : "C'est bien, Paul ! Il était temps que tu en finisses avec ces gens !"

Le Livre des Actes a-t-il été écrit à l'intention de César ?

Le petit exercice que nous venons de faire, en imaginant César étudiant le Livre des Actes, n'était pas destiné à nous faire mieux comprendre ni les Actes ni Néron. Je voulais simplement savoir si ma suggestion, consistant à considérer les Actes comme un document destiné à la défense de Paul, pouvait avoir quelque mérite. Pour moi, il est clair que cette suggestion présente un intérêt évident, comme le petit exercice ci-dessus a pu nous le montrer. On pourrait écrire des ouvrages entiers sur ce sujet, sous l'angle de l'Histoire Romaine, dans une perspective Juive, et dans une perspective politique et psychologique. Il est très intéressant de constater que cette hypothèse ne semble pas avoir intéressé beaucoup de monde jusqu'à présent.

Si Luc avait eu un tel objectif en écrivant son livre, cela n'aurait rien enlevé à l'inspiration divine des Actes. Je crois que Dieu aurait très bien pu révéler quand même à Luc ce qu'il devait écrire, et de quelle manière l'écrire. Il s'agit d'un document étonnant, surtout si l'on considère le fait qu'il ne représente qu'un peu plus d'une quarantaine de pages. Le livre que vous êtes en train de lire est nettement plus long, et ne peut certainement pas être comparé au Livre des Actes, quant à son contenu et à son impact ! Des milliers de pages ont été écrites sur le Livre des Actes, comme un tribut à la position unique que ce livre continue d'occuper aujourd'hui encore. Même les livres qui ont été écrits pour discréditer les Actes démontrent à quel point il s'agit d'un document puissant, pour qu'on lui accorde autant d'attention. J'espère que mon livre vous montrera que la richesse du Livre des Actes est loin d'être épuisée, même après deux mille ans. Si mes efforts aboutissent à une relecture sérieuse du Livre des Actes, j'aurai atteint mon but. J'espère avoir contribué à prouver que le Livre des Actes est un ouvrage fondamental pour le Christianisme aujourd'hui.

En outre, si nous nous rappelons que Jacques fut assassiné sur l'ordre du Souverain Sacrificateur à peu près au même moment où Paul comparaissait devant Néron, en l'an 62, nous pouvons imaginer le dilemme auquel se trouvaient confrontés Jacques et les "dizaines de milliers" de Juifs convertis, si Néron avait décrété que la religion chrétienne était à présent considérée comme une religion à part entière, distincte du Judaïsme. C'est ce même dilemme auquel furent confrontés les Juifs, qui déclenchèrent la guerre contre Rome en l'an 66, en faisant cesser le sacrifice quotidien offert en l'honneur de César dans le Temple. C'est ce même dilemme qui a pu provoquer la terrible guerre civile qui a fait rage en Israël, en même temps que la guerre contre Rome. Si Néron avait acquitté Paul en déboutant les Juifs de Jérusalem, il se peut très bien que les actions des Juifs, dans les années qui suivirent cet acquittement, aient été conduites en réaction à cette décision de l'empereur. Même l'incendie de Rome, en 64, aurait très bien pu être une action subversive fomentée par des Juifs de Jérusalem, pour détruire Rome et rendre les Chrétiens responsables de cette destruction.

Certes, il s'agit là de suggestions et de spéculations, qui ne sont pas concluantes. Mais elles peuvent alimenter des recherches ultérieures, et permettre de réexaminer l'interprétation traditionnelle des événements qui ont conduit à la destruction de Jérusalem, et à la disparition d'Israël en tant que nation. Si j'ai pu contribuer à cela, mon travail n'aura pas été inutile.

Notre réaction personnelle devant le Livre des Actes.

Ayant étudié le Livre des Actes en détail, nous devons à présent nous poser cette question : "Quelles sont les conséquences de tout cela pour ma vie présente ?" Ou encore : "De quelle manière ces informations peuvent-elles nous encourager ?" J'espère que cette étude du Livre des Actes nous aura montré que l'Eglise, le Corps de Christ, est bien plus qu'un groupe de gens qui se réunissent le dimanche matin pour chanter des cantiques, entendre un sermon et prier. La vie d'un Chrétien consiste avant tout en une relation personnelle avec Jésus-Christ, avant d'être une relation avec d'autres individus. Notre tâche primordiale est de réconcilier des hommes et des femmes avec Dieu, pas de les attirer dans notre groupe ou dans notre église. Les hommes et les femmes se réconcilieront entre eux, s'ils se réconcilient tout d'abord avec Dieu. Nous perdrons notre temps et nos efforts si nous essayons de réconcilier des hommes entre eux, sans qu'ils soient d'abord réconciliés avec Dieu. L'Evangile social annoncé par diverses églises et groupes chrétiens est dépourvu de toute puissance spirituelle. Ce dont le monde a besoin, c'est d'expérimenter la vraie puissance de Dieu, pas la puissance cérébrale des hommes. Une nouvelle approche des Actes nous donnera une perspective nouvelle, et nous montrera de quelle manière nous devons vivre avec d'autres Chrétiens aujourd'hui. Il est clair que la vie chrétienne est bien plus grande que le fait "d'aller à l'église le dimanche" !

Nous pouvons recevoir le salut en un instant. Quand nous comprenons que notre vie n'a aucune valeur si Jésus-Christ ne la dirige pas, nous ne pouvons que L'accepter comme notre Seigneur, et recevoir une vie nouvelle en Lui. Nous prenons une position de serviteur, sous la Seigneurie de Jésus-Christ, et nous découvrons que cette position est bien supérieure à toutes celles que peuvent occuper les impies, celles qu'ils peuvent obtenir par leurs efforts personnels, ou celles que peuvent leur offrir le monde, dans son goût pour la puissance, le prestige et le succès. Un vrai serviteur de Jésus-Christ n'éprouve plus aucun désir de dominer les autres, d'être reconnu ou d'acquérir les biens dans ce monde. Même la réalisation que nous sommes des enfants de Dieu, et que nous pouvons manifester la puissance de Dieu, n'a de valeur que quand nous comprenons que tout cela nous est donné par grâce, et pas parce que nous aurions la moindre supériorité sur les autres. Dieu nous donne toutes choses pour que nous soyons pleinement équipés pour servir Jésus-Christ notre Seigneur.

Il semble évident qu'un Chrétien qui vient de se convertir ne doit pas avoir de grands problèmes à marcher en serviteur de Jésus-Christ. Il comprend ses limites, et il découvre les trésors de la Parole de Dieu. Comme un petit enfant, il est plein d'énergie, de curiosité, d'enthousiasme et d'ouverture d'esprit. Il pense à Dieu et aux choses de Dieu jour et nuit. Il est entré dans un monde entièrement nouveau. Il comprend que la "méditation" chrétienne n'est pas une œuvre rituelle qu'il doit accomplir sous la contrainte, mais qu'elle lui permet de réfléchir et d'étudier en profondeur la Parole de Dieu. C'est dans la nature d'un "enfant en Christ" de faire ces choses tout le temps. On n'a pas besoin de lui demander de "prier sans cesse", parce qu'il prie tout le temps sans effort. Sa prière n'est pas quelque chose de formaliste. Il n'a pas besoin de se mettre à genoux et de croiser les mains. Sa prière est une demande, une question, une interrogation. Comme un petit enfant, un Chrétien nouvellement converti n'a aucune honte à demander à Dieu : "Qu'est-ce que c'est ?", "Comment ça marche ?", "Est-ce que je peux avoir cela ?". Il n'hésite pas à poser une question que tous les enfants posent sans cesse : "Pourquoi ?"

Mais qu'arrive-t-il à ce Chrétien quand il commence à grandir ? Où en est-il, dix ou vingt ans après sa conversion ? S'est-il "trouvé une place" dans le monde ? A-t-il cessé de demander, d'interroger et de questionner son Père Céleste ? La Parole de Dieu est-elle toujours pour lui une nourriture succulente et fortifiante, une source de vie et de révélation, comme c'était le cas quand il était un "bébé" ? Les soucis du monde ont-ils étouffé son enthousiasme ? S'est-il "installé" sur cette terre ? A-t-il oublié le Ciel ? A-t-il trouvé une "voie de garage" dans quelque église ? A-t-il décidé de "suivre un leader", au lieu d'être lui-même un serviteur actif de Jésus-Christ ? Ou bien a-t-il cessé de fréquenter les églises, pour ne garder de sa vie chrétienne que quelques désirs pris pour des réalités ?

Ce sont des questions gênantes à poser, car la Chrétienté semble surtout se soucier aujourd'hui d'amener des âmes au salut, sans se préoccuper de les conduire à la maturité en Christ. On dépense beaucoup plus de temps, d'efforts et d'argent pour conduire un enfant à sa maturité physique, que pour conduire un nouveau Chrétien à la maturité spirituelle ! Bien souvent, un Chrétien croit avoir atteint la maturité spirituelle, simplement parce qu'il est converti depuis vingt ans, qu'il a fait des études, qu'il a une bonne profession, et qu'il a élevé sa propre famille. Mais les impies de ce monde font la même chose. Ce genre de maturité n'a rien à voir avec la maturité spirituelle. En Amérique, le développement de l'école à la maison nous a permis de mieux élever nos enfants dans le Seigneur, et à les instruire dans Sa Parole (Ephésiens 6 :4). Mais qu'en est-il de quelqu'un qui se convertit à l'âge adulte ? Comment va-t-il recevoir la formation nécessaire pour atteindre la maturité spirituelle ?

Selon Hébreux 5 :14, "la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux dont le jugement est exercé par l'usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal". Le verset précédent dit ceci : "Or, quiconque en est au lait n'a pas l'expérience de la parole de justice ; car il est un enfant". Il est donc évident qu'il y a deux sortes de Chrétiens, les "enfants", et les "hommes faits". Sur le plan physique, les bébés sont merveilleux ! Mais si un bébé qui ne grandit pas et ne mûrit pas pendant vingt ans, c'est une tragédie ! De même, si un enfant grandit normalement pendant vingt ans, pour retomber en enfance par la suite, ce serait également tragique ! Et pourtant, on trouve souvent ce genre de tragédie chez des Chrétiens, qui auraient dû atteindre l'état adulte depuis longtemps ! Paul parle aux Galates de cette "régression spirituelle" : "Mais à présent que vous avez connu Dieu, ou plutôt que vous avez été connus de Dieu, comment retournez-vous à ces faibles et pauvres rudiments, auxquels de nouveau vous voulez vous asservir encore ?" (Galates 4 :9).

Les Chrétiens devraient attacher beaucoup d'importance au fait de prévenir ou d'empêcher une telle évolution. De même que nous désirons que nos enfants grandissent et deviennent des adultes responsables et compétents, nous devons aussi désirer que tout "Chrétien enfant" grandisse et "quitte la maison" pour occuper sa place de Chrétien adulte et mûr, pleinement équipé pour se nourrir de "bonne viande" et pour servir efficacement le Seigneur Jésus-Christ. Comme l'a fait remarquer un auteur, une éducation religieuse ne permet que d'arriver au stade de l'obéissance, mais pas de parvenir à une stature spirituelle suffisante pour juger et agir de manière indépendante. Ce genre d'éducation ne permet pas à un enfant de grandir, mais le maintient à l'état d'enfant.

Je désire sincèrement que cette étude du Livre des Actes permette aux Chrétiens de mieux ressentir le besoin de former des "adultes" en Christ. C'est un élément important dans le contraste que j'ai souligné entre Paul et Jacques. Paul était avant tout un enseignant. Jacques avait tendance à décourager les enseignants (voir Jacques 3 :1). Non seulement Paul était un enseignant, mais il encourageait le ministère d'enseignant aussi souvent qu'il le pouvait. Cela se voit clairement tout au long de ses épîtres, comme dans le Livre des Actes. Paul désirait ardemment que la Parole de Dieu soit enseignée, et qu'elle soit au centre de la vie de tous les Chrétiens. La Bible est réellement notre "manuel de base", notre "carte routière", et notre nourriture vitale.

Le Chrétien ne peut pas se permettre de négliger l'étude de la Parole de Dieu, ni de considérer une telle étude comme un luxe ou un loisir. Il ne peut pas se reposer sur les connaissances brillantes de quelqu'un d'autre. Il ne doit pas non plus se contenter des connaissances bibliques de ceux qui l'entourent. Etudier la Parole de Dieu ne se fait pas dans un esprit de compétition. C'est un besoin vital pour tous les Chrétiens. De même que nous ne sommes pas nourris par ce que nos voisins de table peuvent manger, nous ne serons pas vraiment nourris si nous comptons sur les talents de ceux qui étudient la Parole de Dieu.

En tant que serviteurs de Christ, nos efforts ne doivent pas dépendre des performances de nos frères et de nos amis ! Paul a dit : "Nous n'osons pas nous égaler ou nous comparer à quelques-uns de ceux qui se recommandent eux-mêmes. Mais, en se mesurant à leur propre mesure et en se comparant à eux-mêmes, ils manquent d'intelligence" (2 Cor. 10 :12). Toutefois, notre efficacité, en tant que serviteurs, ne dépend pas uniquement de notre compréhension de la Parole de Dieu. La Parole nous rend "sages à salut" (2 Tim. 3 :15). Elle est notre "épée de l'Esprit" (Ephésiens 6 :17). Elle est "la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit" (Romains 1 :16). Nous ne devons donc pas l'étudier en nous fixant certaines règles arbitraires. Nous devons nous demander si nous nous équipons suffisamment pour être des serviteurs de Jésus-Christ toujours plus efficaces. En apprenant plus, nous pouvons agir plus. En étudiant la Parole de Dieu, nous ne devons pas être motivés par un esprit de condamnation, de culpabilité ou d'inadéquation. Nous devons le faire avec reconnaissance et de tout notre cœur, pour Dieu et non pour les hommes. Quelles que soient nos capacités mentales et physiques, nous devons les utiliser au maximum. Le fait de réaliser que Dieu nous aime nous poussera à étudier la Parole de Dieu, quel que soit notre niveau spirituel dans le plan de Dieu.

L'université de Dieu.

Quelqu'un a comparé l'Eglise organisée à notre système d'enseignement supérieur. Comme pour l'Eglise, l'enseignement supérieur fonctionne à deux niveaux distincts. Le premier niveau est le niveau visible, celui des bâtiments, des programmes, du corps professoral, des conseils de direction, des publications et des conventions nationales et internationales. Le second niveau est celui de la recherche et des idées nouvelles. C'est un niveau informel qui ne dépend pas du premier niveau.

De même, à un premier niveau, l'Eglise visible fonctionne avec ses bâtiments, sa hiérarchie, ses programmes et ses événements divers. Cet auteur a aussi fait remarquer que l'Eglise fonctionne également à un deuxième niveau, invisible, et indépendant de l'Eglise visible organisée. A ce niveau informel, il n'est nullement besoin de bâtiments, de programmes et de hiérarchie. C'est le domaine des idées, des découvertes nouvelles, et celui de la vérité. A ce niveau, il n'est souvent besoin que d'un enseignant et d'un étudiant, bien que la même personne puisse remplir ces deux fonctions à des moments différents.

Parfois, l'Eglise visible est menacée par l'Eglise invisible, quand une nouvelle découverte, une remise en question des vieux axiomes, ou un nouveau concept révolutionnaire menacent l'ordre établi ou embarrassent une "autorité reconnue". Contrairement aux gens du commun, qui considèrent souvent un expert comme un homme ordinaire en "mission spéciale", ceux qui appartiennent au corps de l'enseignement supérieur accordent souvent une grande importance aux compétences académiques et à la position dans l'organisation visible. Il en est de même pour l'Eglise visible organisée. C'est une manière pour elle de faire savoir ce qu'elle entend par "expertise".

Il est clair que tout le monde préfère quelqu'un de bien formé pour occuper un poste, plutôt que quelqu'un de moins bien formé. Toutefois, quand il s'agit d'enseigner la Parole de Dieu, une "bonne formation" ne se mesure pas à la qualité des diplômes obtenus. Il est moins facile de mesurer cette compétence que dans le cas d'un scientifique ou d'un linguiste. Cette compétence pour enseigner la Parole s'acquiert dans une vraie communion avec Dieu. Elle exige une formation du cœur et de la tête. Il est possible d'acquérir une telle formation dans une école ou un institut biblique, Mais elle peut très bien être acquise sans passer par ces établissements.

Une formation réellement spirituelle n'est certainement pas la prérogative exclusive des écoles et des instituts bibliques. Après tout, ces écoles n'enseigneront que ce qui est considéré comme acceptable par l'organisation établie. Mais aucune dénomination ni aucune église ne peuvent annexer le Christianisme à leur profit, pas plus que le Christianisme judaïsant n'a pu "annexer" les Gentils qui se sont convertis au Seigneur. Les différents groupes chrétiens doivent reconnaître qu'ils ne sont qu'une petite partie de l'Eglise, et que leurs règles et principes propres ne suffisent pas à définir l'ensemble de la Chrétienté. Quand nous vivons une vie de serviteur, nous comprendrons que c'est Jésus-Christ Lui-même qui définit ce que doit être notre vie chrétienne. Un serviteur qui veut contrôler et commander d'autres serviteurs ne peut pas être ce que Jésus voudrait qu'il soit.

Le principe même des écoles bibliques n'est certainement pas mauvais en soi. Leur seul danger réside dans leur tendance à devenir exclusives. Par exemple, les séminaires théologiques Luthériens n'admettent pas que l'on publie des critiques contre eux sans manifester leur opposition, tout comme l'Eglise Catholique a fini par expulser Luther de ses rangs quand il eut publié ses "95 thèses". La conséquence, c'est que Luther a fini par créer l'Eglise Luthérienne, qui s'est en grande partie organisée sur le modèle de l'Eglise Catholique. Ces deux églises n'ont manifestement pas fait que du mal dans le monde, tout comme beaucoup d'autres. Toutefois, elles sont entrées en conflit l'une contre l'autre à maintes reprises, à propos de questions de doctrine. Les membres de chaque groupe défendent leur organisation, au lieu de rechercher dans la Parole de Dieu les solutions de leurs conflits. Cela entretient la haine et l'animosité entre Chrétiens. La racine de ces problèmes me semble être de la même nature que celle du conflit qui opposait Paul et Jacques, et qui se résumait à un problème d'autorité spirituelle.

Quand nous savons que nous n'avons qu'un seul Jésus-Christ, qu'une seule Parole de Dieu, et qu'un seul Esprit, ceux qui veulent vivre comme des fils de Dieu et des serviteurs de Jésus-Christ ne cherchent pas à défendre leurs positions à coups de "lois" et de "doctrines". Cela ne représente pas la réalité du Christianisme. Seule l'Eglise visible et organisée possède des biens à défendre ! Les Chrétiens doivent tout faire pour vivre dans la vérité. Je vais à présent suggérer quelque chose qui devrait nous permettre de relever ce défi.

Enseignants et élèves, temps et argent.

Voici ce que Paul enseignait aux Galates : "Que celui à qui l'on enseigne la parole fasse part de tous ses biens à celui qui l'enseigne" (Galates 6 :6). En fait, le texte original dit : "Que celui à qui l'on enseigne la parole fasse une part de ses biens à celui qui l'enseigne". Il est clair que Paul ne parle pas dans ce verset du contexte formel d'une école biblique, telle que nous la concevons aujourd'hui. Il veut parler du cadre général de l'église locale, qui regroupe tous les membres de l'église.

Rappelons-nous que cette courte lettre aux Galates a été écrite peu après le concile de Jérusalem. L'importance de ce verset ne doit pas nous échapper. Paul ne nous demande pas de "donner une partie de nos biens à l'église locale". Il ne nous demande pas non plus de "donner aux pauvres". Il demande expressément à ceux qui sont enseignés de donner une part de leurs biens à ceux qui les enseignent, de soutenir financièrement et matériellement ceux qui leur enseignent la Parole de Dieu. Ce verset semble aussi concerner la seule fonction spécifique que nous devons remplir, en matière de soutien financier. Partout ailleurs, Paul nous demande de donner à nos frères qui sont pauvres, aux membres de nos familles qui sont dans le besoin, aux veuves, ou aux anciens en mission. Il parle aussi des dons qui lui ont été accordés personnellement (1 Timothée 6 :17-20, Philippiens 4 :14, Hébreux 13 :16, 2 Cor. 9 :5-8). Mais ce verset de Galates est le seul passage où Paul nous demande spécifiquement de donner à ceux qui nous enseignent. Manifestement, un serviteur de Jésus-Christ est conduit à donner souvent. De même que nous n'allons pas dépenser notre dernier billet à l'achat d'un vêtement, si nous n'avons rien à manger, ainsi, nous devons penser à donner de l'argent à nos enseignants, pour que nous puissions être correctement nourris de la Parole de Dieu. Je vous demande de réfléchir à cette vérité : nous ne serons assurés de pouvoir bénéficier d'une nourriture spirituelle suffisante que si nous soutenons financièrement la fonction d'enseignant au sein de l'Eglise de Jésus-Christ.

Dans le contexte de l'épître aux Galates, il était crucial de défendre la marche par l'esprit, pour s'opposer aux partisans de la loi. La meilleure façon d'assurer cette défense, c'était d'enseigner la grâce de Dieu. Dans Actes 15 :1, nous avons vu que des hommes venant de Jérusalem étaient venus enseigner aux Chrétiens d'Antioche qu'ils ne pouvaient être sauvés s'ils n'étaient pas circoncis selon la loi de Moïse. Dans Actes 15 :21, nous voyons que Jacques souligne le fait que "depuis bien des générations, Moïse a dans chaque ville des gens qui le prêchent, puisqu'on le lit tous les jours de sabbat dans les synagogues". Il s'agissait d'une attaque en règle menée par la loi contre la grâce, et il fallait contre-attaquer en envoyant des hommes chargés d'enseigner la grâce de Dieu et la marche par l'esprit. La solution de ce problème semble clairement être ce conseil de Paul dans Galates 6 :6 : ceux qui reçoivent l'enseignement de la Parole doivent soutenir financièrement ceux qui leur donnent cet enseignement. Paul touche au cœur du problème, car il sait très bien que c'est la vérité qui libère les hommes et les femmes. Quand la vérité peut être enseignée par des hommes compétents à des "étudiants" diligents, elle permettra de lutter contre l'hérésie, même si celle-ci bénéficie de fonds importants et d'une bonne organisation. Seuls ceux qui ignorent les desseins de Satan peuvent être séduits.

A l'époque où Paul écrivait aux Galates, la situation dans laquelle se trouvait l'Eglise n'était pas différente de celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Si Jérusalem n'est plus le centre de l'autorité, il existe à présent des synodes, des dénominations, et des structures hiérarchiques, où la relation biblique "enseignant-étudiant" a été remplacée par une relation "supérieur-subordonné". A la différence d'un enseignant, un "supérieur" reste toujours un supérieur, alors que le désir d'une véritable enseignant est que son élève finisse par le dépasser en connaissance.

Dans le Judaïsme du premier siècle, il fallait, pour créer une synagogue, réunir au moins dix hommes. Ce nombre minimum était considéré comme suffisant pour bénéficier d'une "autorité". Mais Jésus-Christ a aboli cette prescription, en disant : "Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux" (Matthieu 18 :20). L'autorité réelle appartient à Jésus-Christ. Par conséquent, le nombre minimum de Chrétiens nécessaires pour faire une réunion est le même que le minimum pour n'importe quelle réunion, c'est-à-dire deux personnes. S'il n'y a qu'une seule personne, on ne peut pas parler de "réunion", bien que Jésus-Christ demeure notre "autorité", que ce soit individuellement ou collectivement.

Chaque fois que l'autorité d'un groupe remplace l'autorité de Jésus-Christ, la fonction d'enseignement ne peut qu'en souffrir. En outre, plus le groupe est grand, et plus la fonction d'enseignement semble en souffrir. Dans les grandes dénominations, l'enseignant est perçu soit comme l'orateur dans un séminaire, soit comme le "laïc" qui anime une petite "étude biblique", le soir, après une journée de travail épuisante. La plupart des Chrétiens n'ont aucune idée de ce que peut représenter un enseignant qualifié enseignant la Parole de Dieu à un petit groupe de deux à dix personnes, à plein temps, de groupe en groupe et de ville en ville.

Actes 20 :7-12 nous en donne un bon exemple, quand Paul a enseigné dans une maison à Troas, après le dîner, jusqu'à minuit, puis jusqu'à l'aube, après avoir eu le temps de ressusciter un jeune homme tombé par la fenêtre ! Un tel exemple devrait être la norme dans l'Eglise, plutôt que l'exception ! L'Eglise de Jésus-Christ a eu près de deux mille ans pour se conformer à l'exemple de Paul. Mais il me semble que c'est plutôt l'exemple de Jacques qui a retenu l'attention des Chrétiens ! Nous ferions pourtant bien de nous attendre à ce qu'un homme comme Paul vienne dans notre ville et nous enseigne jusqu'à l'aube ! Mettons-nous à la place des Chrétiens de Troas et de Paul, qui ont vu le jeune homme s'endormir à la fenêtre et tomber du troisième étage ! Nous ne savons pas combien de disciples étaient assemblés en ce lieu. Peut-être étaient-ils dix, ou trente ? Ce n'étaient pas nécessairement tous les Chrétiens de la localité. Mais il est clair que leurs vies ont été bouleversées cette nuit-là ! Ils étaient déjà Chrétiens. Mais la puissance de Dieu, manifestée dans la résurrection d'Eutychus, a certainement donné un singulier relief aux enseignements de Paul, qui n'ont pas dû être si vite oubliés ! Et pourtant, Paul avait sans doute enseigné pendant près de douze heures d'affilée !

Dans 1 Cor. 2 :4-5, nous lisons : "Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance, afin que votre foi fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu". Cela ne signifie pas que nous devions négliger l'étude de la Parole de Dieu. Cela ne signifie pas non plus que les enseignants dans l'Eglise ne soient pas importants et que nous ne devions pas les soutenir. Nous devons certainement les soutenir. Le problème des Corinthiens n'était pas qu'ils avaient trop d'enseignements de la Parole de Dieu. Leur problème, c'est qu'ils considéraient trop les enseignants, au lieu de considérer les enseignements. Certains disaient : "Moi, je suis de Paul !" D'autres : "Et moi d'Apollos !", etc… Ce sont de telles attitudes qui provoquent des luttes, des jalousies et des divisions. Paul leur dit qu'ils sont charnels et qu'ils marchent comme les hommes de ce monde (1 Cor. 3 :1-23). Je vous suggère que ce problème pourrait être réglé si l'Eglise bénéficiait de plus d'enseignants, alors qu'elle en bénéficie de moins en moins !

Il existe une situation similaire dans l'Eglise aujourd'hui. Certains disent : "Je suis Luthérien", d'autres : "Je suis Catholique", etc… Jésus-Christ n'est pas divisé. Il donne tout à Son Eglise. Je suggère que l'un des moyens de lutter contre cet esprit de division est d'encourager le ministère d'enseignant dans l'Eglise. Cela peut être fait par des Chrétiens appartenant à diverses églises, tout comme par des Chrétiens qui ne sont associés à aucune église. Tous les Chrétiens de différentes églises pourraient se réunir dans des maisons pour étudier la Bible en petits groupes, avec des enseignants "indépendants" qu'ils soutiendraient financièrement. De telles études bibliques "indépendantes", animées par des enseignants "indépendants", n'ont pas besoin d'être "couverts" par une autre autorité que celle de Jésus-Christ. Voyons des choses en face. Certaines personnes aiment étudier les choses en profondeur. Ils passeraient leur vie à fouiller les bibliothèques, ou à interroger les spécialistes de sujets rares. Pourquoi ne pas les encourager en les soutenant financièrement ? Craignons-nous qu'ils deviennent un jour nos "supérieurs" ? Ou pensons-nous que nous n'avons pas besoin d'eux ? Il me semble que peu d'enseignants de la Parole de Dieu seraient offensés si on les prenait pour des "garçons livreurs", chargés d'animer des discussions et d'apporter des réponses bibliques à ceux qui se posent des questions, mais qui n'aiment pas trop faire des recherches approfondies. Nous acceptons bien de payer ceux qui nous servent l'essence à la pompe ! Pourquoi n'aurions-nous pas la même attitude envers ceux qui veulent nous "servir" la Parole de Dieu ?

Quand des petits groupes d'amis se réunissent dans une maison, ils n'ont pas besoin de faire des frais pour entretenir un bâtiment. En outre, les fonctions traditionnelles des églises organisées ne sont pas menacées par de telles études bibliques. Si elles commençaient à se sentir menacées, ce serait uniquement parce que la connaissance de la Parole de Dieu serait plus répandue, de même que le Sanhédrin se sentait menacé par les apôtres au début de l'Eglise. Les églises organisées seraient alors confrontées au choix de se conformer à la Parole de Dieu, ou de résister à cette Parole. Sans de tels groups d'études bibliques, les Chrétiens n'ont d'autre choix que de se conformer à leur église ou de la quitter. Je sais que le fait de quitter une église n'est pas la meilleure solution. La meilleure solution serait que les Chrétiens rétablissent la vérité dans leurs églises.

Considérations pratiques sur la manière d'apprendre.

D'un point de vue pratique, nous devons considérer un certain nombre de choses quand nous parlons de l'étude et de l'enseignement de la Parole de Dieu. Tout d'abord, je crois que tous les enseignants seront d'accord avec moi pour reconnaître que l'un des facteurs essentiels, en matière de pédagogie, est la taille du groupe. Les églises traditionnelles ont tendance à penser que "plus c'est grand, mieux c'est" ! De telles églises cherchent toujours à augmenter le nombre de leurs membres. Certes, un grand groupe est merveilleux, quand il s'agit de chanter ou de louer le Seigneur. Cela fait aussi plaisir de voir des centaines ou des milliers de visages souriants qui partagent les mêmes intérêts que vous ! Mais un tel groupe offre un piètre environnement quand il s'agit d'étudier la Parole de Dieu ! Le mieux que l'on puisse espérer, dans un tel contexte, c'est une conférence, mais sans questions ni discussions. L'enseignant ne peut établir aucun contact personnel avec ceux qu'il enseigne. En matière d'enseignement, les grands groupes sont les moins efficaces.

Certains éducateurs vont jusqu'à dire que moins l'enseignant enseigne, et plus l'élève apprend ! En un sens, c'est vrai, surtout quand ces élèves ont l'Esprit de Dieu qui demeure en eux. Un petit groupe, où tous peuvent poser des questions, faire des commentaires et des suggestions, et chercher les meilleures significations d'un passage biblique, représente l'environnement idéal pour étudier la Parole de Dieu. L'enseignant, dans ce cadre, doit se considérer comme une ressource qui facilite l'apprentissage de ses étudiants, plutôt qu'un "expert" que personne n'ose interroger. Dans une telle "classe", l'enseignant aura la possibilité de croître lui-même, tout autant que chacun de ses "élèves". Il faut vraiment encourager la constitution de ces petits groupes d'étude au sein du Corps de Christ.

L'autre extrême, à l'opposé des grands groupes, est représenté par le Chrétien solitaire qui lit sa Bible, écoute une cassette, ou étudie un livre ou un cours tout seul. Il est certes utile de le faire, mais cela ne remplace pas l'étude en petits groupe sous la direction d'un enseignant expérimenté. Je sais que beaucoup d'adultes n'aiment pas se retrouver dans une "classe", pour une raison ou une autre. Car, souvent, ce terme est associé à trop d'idées négatives dans leur esprit. Mais, dans toute "classe", il existe une certaine organisation qui doit être respectée : un programme doit être défini, l'enseignant et les élèves doivent avoir des objectifs bien définis, qui doivent être atteints à la fin d'une certaine période. Une telle organisation convient idéalement à des petits groupes de maison qui se réunissent pour des études bibliques. Ce sont les membres du groupe qui doivent décider eux-mêmes de la longueur de la "formation" (que ce soit une journée ou une année), des thèmes à étudier, de la forme que prendront leurs réunions, et de la profondeur de l'étude à effectuer. Si certains n'aiment pas le mot de "classe", ils sont libres d'en choisir un autre ! Ce qui est important, ce n'est pas l'étiquette, mais ce que l'on fait dans le groupe !

Je suis pleinement persuadé qu'il y a plus d'enseignants qualifiés aujourd'hui dans le Corps de Christ que de groupes à enseigner. Mais ces enseignants sont actuellement occupés à d'autres choses, parce que l'Eglise n'attache pas assez d'importance à l'étude de la Bible. Quand nous comprenons que l'Eglise a manifestement plus de membres et plus de puissance que n'importe quelle "organisation" de ce monde, parce que Jésus-Christ est la Tête de l'Eglise, et qu'Il a reçu tout pouvoir dans le Ciel et sur la terre, notre attente grandira quand nous inviterons un enseignant désireux de parler d'un sujet qui le tient à cœur, en étant prêt aussi à apprendre du groupe qu'il vient enseigner. Le Seigneur connaît tous ceux de Ses serviteurs qui sont prêts à aller au bout de la terre pour enseigner Sa Parole, comme Paul. Comme Paul aussi, ces enseignants sont prêts à venir passer dans un groupe un jour, une semaine, six mois, ou trois ans, si cela est nécessaire. Ces enseignants ne doivent pas être considérés comme supérieurs à n'importe quel autre membre du Corps de Christ. En outre, il n'y aura pas besoin de faire appel à des milliers de personnes pour pourvoir à leurs besoins personnels !

En ce qui concerne l'importance de la taille de la "classe", permettez-moi de vous donner un exemple personnel. Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion d'enseigner un cours de maths à des élèves d'un collège de l'ouest de l'Ohio. Il s'agissait d'adolescents qui, en général, n'aiment pas trop les maths. Quand j'ai pénétré pour la première fois dans la classe, j'ai vu trente paire d'yeux qui me fixaient avec appréhension. Tous semblaient être préparés à souffrir en étudiant une matière qui les intimidait pour les uns, et les dégoûtait pour les autres. Je me demandais comment répondre à la question qui me venait à l'esprit : "Comment vais-je bien pouvoir faire aimer les maths à tous ces gosses ?" Je crois que l'amour est la plus grande puissance dans ce monde. Les gens font sans problème ce qu'ils aiment faire ! Toutefois, j'avais l'impression d'avoir un pistolet chargé de formules mathématiques, prêt à tirer en tous sens, dans l'espoir qu'au moins un ou deux de ces élèves seraient "touchés" ! J'ai fait de mon mieux tout au long du semestre que j'ai passé avec eux, et j'ai réussi à faire aimer les maths à certains d'entre eux. Mais je suis aujourd'hui convaincu que si je n'avais eu que cinq ou six élèves, au lieu de trente, j'aurais réussi à leur faire tous aimer les maths !

Je crois qu'il en est de même avec l'étude de la Bible. Autant il est pénible d'assister à une étude biblique dans un groupe de trente, autant cela devient un événement à ne pas rater quand cinq ou sept "amis" se réunissent pour étudier ensemble un sujet qu'ils aiment ! L'amour réussit toujours ! Tout ce que Dieu aura montré ou appris aux membres de ce petit groupe, tout au long de la semaine, sera partagé avec joie et empressement quand ils se réuniront. Dans un tel environnement, apprendre devient une joie, une aventure vraiment excitante ! Surtout parce que Dieu confirmera Sa Parole "par les miracles qui l'accompagnent" (Actes 14 :3).

Si cinq petits groupes différents, membres de la même église, se réunissaient ainsi chaque jour de la semaine, ils pourraient facilement réunir leurs ressources et inviter même un "expert mondial" pour les enseigner sur un certain thème pendant une semaine, à raison de deux à trois heures par soirée. J'ai le sentiment que relativement peu d'enseignants de la Bible préfèreraient prendre la parole devant des centaines de "spectateurs", plutôt que d'enseigner un petit groupe d'une dizaine "d'élèves affamés" ! La plupart, je le crois, préfèrent enseigner des petits groupes. Les vrais enseignants sont heureux de savoir que notre foi est fondée sur la puissance de Dieu, et non sur la sagesse des hommes ! Emerson a écrit : "L'amour, le courage, la piété et la sagesse ont la puissance d'enseigner. Ce sont comme des anges qui apportent aux hommes le don des langues. Mais si quelqu'un cherche à enseigner comme le ferait un livre, à dicter une loi comme le ferait un synode, ou à suivre une mode comme le ferait le monde, il n'est qu'un bavard. Qu'il se taise !"

Je voudrais dire encore quelque chose concernant la nécessité de voir plus d'enseignants à l'œuvre dans le Corps de Christ. On estime aujourd'hui que le coût moyen d'un élève, en Amérique, tourne autour de 6.000 dollars par an. Plus de la moitié de ce montant couvre des frais autres que les salaires des enseignants. La taille moyenne des classes est de trente élèves. Cela représente un budget annuel de 180.000 dollars par classe, montant qui est loin d'aller dans la poche des enseignants ! On peut dire que les églises américaines fonctionnent de la même manière, c'est-à-dire avec la même inefficacité. La plupart de leurs dépenses concernent presque tous les postes, sauf les salaires de ceux qui enseignent la Parole de Dieu ! On a appris récemment que les plus grosses dépenses des églises, aujourd'hui, concernent les intérêts des emprunts qu'elles ont contractés ! Ces intérêts représentent un montant bien plus élevé que toutes les sommes dépensées pour le travail des missions dans le monde. Si cette information est vraie, on comprend à quel point l'exhortation de Paul dans Galates 6 :6 est éloignée de notre réalité actuelle !

Beaucoup d'enseignants compétents de la Parole de Dieu sont obligés de travailler à plein temps pour nourrir leur famille. Ils n'enseignent que quand ils en ont le temps. Bien souvent, ils finissent par ne plus enseigner du tout. Je connais beaucoup d'enseignants comme cela. Ce ne sont pas des jeunes convertis qui veulent se lancer dans l'enseignement. Ce sont des gens qui étudient leur Bible depuis vingt ans ou plus. Beaucoup d'entre eux rejettent avec répulsion la pensée de mettre sur pied une organisation qui les soutiendrait. Ceux qui le font réussissent à réunir un millier de personnes pour soutenir un seul homme, qui finit par ne plus rien faire d'autre que de s'occuper de la gestion de cette organisation. Il cesse d'être un enseignant, pour devenir un gestionnaire. Au lieu de donner gratuitement, parce que l'on a reçu gratuitement (Matthieu 10 :8), on commence à vouloir se faire payer pour son travail, et c'est toute la vie de l'Eglise qui est pervertie. Certains hésitent à faire des donc directement à un enseignant, craignant qu'il s'enrichisse et qu'il gaspille l'argent du Seigneur. Ils préfèrent donc donner à des organisations ou à des églises considérées comme dignes de confiance pour redistribuer leur argent. Il est vrai que certains "prédicateurs" dépensent d'une manière extravagante l'argent qu'ils reçoivent directement. Mais je crois que cela n'est rien, quand on sait de quelle manière certaines églises ou organisations chrétiennes dépensent l'argent qu'elles reçoivent ! En ce qui concerne les enseignants de la Parole de Dieu, ils ne semblent pas représenter une menace pour l'économie mondiale !

Il me semble aussi que l'on devrait être bien plus exigeant quant à la manière dont un enseignant dispense la Parole de Dieu, que quant à la manière dont il dépense l'argent qu'on lui donne ! (Voir 2 Cor. 4 :2). En outre, il ne faut pas oublier que, la plupart du temps, si nos dons sont distribués et "filtrés" par l'intermédiaire d'une organisation ou une église, il est probable que celles-ci "filtreront" aussi l'enseignement qui sera donné en échange de cet argent ! Je crois que l'Eglise serait grandement bénie si elle disposait d'un corps d'enseignants indépendants, n'appartenant à aucune dénomination. Ceux qui dépendent d'une dénomination ou d'une organisation sont souvent soumis à des pressions de la part de leur organisation, et peuvent avoir ensuite tendance à soumettre les groupes qu'ils enseignent à ces mêmes pressions, pour qu'ils se conforment à certaines doctrines particulières. C'est toute la Parole de Dieu qui doit être honorée, pas les doctrines particulières d'un groupe ou d'une dénomination. Nous avons besoin de voir la puissance de Dieu se manifester, pas la puissance des hommes ! Je crois que c'est ce que Paul voulait dire, quand il conseillait aux Galates de faire directement une part de leurs biens à ceux qui les enseignaient.

Quelques observations sur l'Eglise depuis l'époque de Paul.

Au cours de ces dernières années, nous avons vu de nombreux scandales dans l'Eglise, scandales provoqués en particulier par certains télé-évangélistes. Mais je constate aussi que de plus en plus de Chrétiens préfèrent se définir tout simplement comme "Chrétiens", et plus comme Luthériens ou membres d'une quelconque dénomination. De plus en plus de Chrétiens commencent à comprendre qu'ils appartiennent au Corps de Christ, et pas à telle ou telle dénomination ou organisation sectaire.

Certes, quelques membres de l'Eglise commettent des actes infâmes, qui causent des dommages à tout le Corps de Christ. Toutefois, ces dommages peuvent aisément être guéris, car Jésus-Christ est la Tête de l'Eglise. Il est donc capable de guérir rapidement toute partie malade de Son Corps. Tandis que les blessures causées aux organisations ou aux églises qui s'appuient sur l'homme, au lieu de s'appuyer exclusivement sur Jésus-Christ, semblent de jamais pouvoir guérir. Je crois que la raison est simple : ces organisations ou ces églises ont été créées par une semence de mort !

Au départ, ces organisations et ces églises semblent avoir été créées pour de bonnes raisons. Mais, à mesure que le temps passe, elles révèlent qu'elles ne véhiculent pas la vie. Au lieu d'être des instruments qui offrent un service, elles se transforment en maîtres qui demandent à être servis. Au lieu de stimuler la foi qui est agissante par l'amour, elles exigent une obéissance fondée sur la crainte. Ce n'est pas la méthode de notre Seigneur Jésus-Christ !

L'apôtre Paul a écrit : "Or nous, nous n'avons pas reçu l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce" (1 Cor 2 :12). Depuis lors, des multitudes d'hommes et de femmes ont vu leur vie changer par la puissance de Dieu. Personne n'a raconté les miracles et les prodiges dont ils ont été témoins, ni à quel point ils ont été en bénédiction à leurs voisins et à leurs ennemis. Il n'est même pas nécessaire que nous sachions tout cela, car Dieu le sait.

Nous savons aussi que la véritable Eglise, qui est le Corps de Christ, a toujours été vivante et en bonne santé ! Car elle a été établie par Jésus-Christ, et pas par les hommes. Les églises que les hommes ont fondées ont connu leur temps, mais n'ont aucune valeur sacrée. Certes, nous avons besoin de coopérer entre nous dans de nombreux domaines. Mais la tendance à fonder tous nos efforts sur une coopération humaine, au sein de nos églises, n'aboutit qu'à la domination de l'orgueil de l'homme !

Les décisions des groupes sont rarement supérieures aux décisions individuelles, malgré ce que certains éducateurs affirment. L'échec patent du communisme, au cours des 70 dernières années, a prouvé la stérilité de la planification collective et de la gestion par les comités. Dieu ne nous a pas créés pour que nous nous cachions derrière la "volonté d'un groupe". Il nous a créés pour que nous soyons transformés par le renouvellement de notre intelligence, pour que nous discernions "quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait" (Romains 12 :2). Ce "discernement" s'effectue au niveau individuel, non au niveau d'un groupe.

Les efforts des groupes ne font que pousser l'homme à s'appuyer sur ses propres accomplissements, au lieu de s'appuyer sur les accomplissements de Jésus-Christ. On respecte la puissance, la richesse et la sagesse de l'homme, au lieu de respecter la puissance, la richesse et la sagesse de Dieu. Souvent, l'homme s'attache à ce qu'il voit, à ce qui est temporel, alors qu'il devrait s'attacher à ce qui n'est pas visible, à ce qui est éternel et spirituel. Quand un groupe de Chrétiens se trouve engagé dans un conflit, il devrait en trouver la solution dans l'enseignement de la Parole de Dieu, au lieu d'essayer à tout prix de garder la cohésion de groupe. Les solutions trouvées par le moyen de compromis et de mesures d'apaisement n'ont jamais produit que des églises mortes. Ces églises ont gardé une forme de piété, mais en reniant la puissance de Dieu. Elles ont préféré écarter la Parole de Dieu, qui cesse alors d'être considérée comme la seule référence en matière de recherche de la Vérité. On adore la Bible comme une relique, au lieu de considérer son étude comme une nécessité vitale. Dans ces églises mortes, on met ceux qui ne se soucient pas d'étudier la Parole de Dieu sur un pied d'égalité avec ceux qui l'étudient. Dans les groupes de discussion, tous ont le même statut, et leurs conseils ont le même poids. Rien ne pourrait être pire pour notre vie chrétienne !

Les opinions, les suggestions et les questions sont merveilleuses quand elles sont motivées par un désir sincère de connaître la Parole de Dieu. Mais elles sont tragiques quand elles ne sont que des "écrans de fumée" pour masquer un manque d'intérêt fondamental pour la Parole du Seigneur. Une telle situation est bien trop fréquente dans la vaste majorité des "églises chrétiennes" aujourd'hui. Elles ne peuvent donc étudier la Parole de Dieu qu'au travers d'un filtre d'incrédulité. Dans de telles circonstances, il est peu probable que l'on puisse découvrir quoi que ce soit de valable dans la Parole de Dieu. On ne peut pas discuter sérieusement du contenu d'un livre avec quelqu'un qui n'aurait même pas pris le temps de le lire. On peut avoir peu de connaissances et désirer en avoir davantage. Mais c'est tout autre chose que de connaître peu de choses, tout en se faisant passer pour un "expert". L'étude de n'importe quel autre livre que la Bible aboutirait rapidement à démasquer les imposteurs ! L'Eglise devrait se fixer un objectif sérieux en ce qui concerne l'étude de la Parole de Dieu. Les spéculations ignorantes ne mènent nulle part.

En revanche, dans la recherche biblique, il est souvent utile de proposer des hypothèses sérieuses, pourvu qu'elle soient précédées par une étude sérieuse de la Bible. Un jour, alors que je demandais l'un de mes "pourquoi" à un professeur de chimie, il m'a répondu : "En chimie, la question fondamentale n'est pas "pourquoi", mais "quoi" !" Les "pourquoi" peuvent nous aider à relier ensemble tous les "quoi", et même conduire à de grandes découvertes, mais jamais les "pourquoi" ne devront nous absorber au point de nous empêcher de connaître les "quoi" ! De même, les "quoi" de la Parole de Dieu forment le fondement sur lequel nous pourrons bâtir les réponses aux "pourquoi".

Je connais un Chrétien qui s'est converti tard dans sa vie. Il a commencé à étudier à fond sa Bible. Au cours de sa retraite, il avait pris l'habitude de visiter chaque jour un champ de course, pour y rencontrer ses amis. Ceux-ci ont commencé à lui poser des questions concernant sa nouvelle foi chrétienne. Il ne tarda pas à se rendre compte que le motif de ses amis n'était pas le désir de mieux connaître Dieu, mais plutôt de voir s'ils ne pourraient pas lui faire abandonner sa foi. Leurs questions le troublèrent pendant un temps, jusqu'à ce qu'il trouve la réponse appropriée. Un jour, il leur dit qu'il trouvait très étonnant qu'ils veuillent connaître les règles du jeu, alors qu'ils ne voulaient pas faire partie de l'équipe. Il ajouta : "Venez vous joindre à l'équipe, et on reparlera ensuite des règles !" Son problème fut résolu.

Jésus-Christ a dit aux Sadducéens : "Vous êtes dans l'erreur, parce que vous ne comprenez ni les Ecritures, ni la puissance de Dieu" (Math. 22 :29). Tout groupe chrétien devrait connaître ces deux réalités vitales : les Ecritures, et la puissance de Dieu. Quel est le degré de connaissance de la Parole de Dieu dans votre groupe ? Quel est le degré de manifestation de la puissance de Dieu dans votre assemblée ? Si les Chrétiens se posaient aujourd'hui ces deux questions, tout au long de leur vie, il se produirait une puissante révolution spirituelle. Certains de ces groupes devraient changer, ou alors les Chrétiens qui les composent partiraient s'associer à d'autres groupes.

On peut dire que le Corps de Christ existe en dépit des églises charnelles, et non pas grâce à elles ! Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Là où règne l'esprit de l'homme, là est la servitude. L'Esprit de Dieu est en conflit avec l'esprit des hommes. Paul dit aux Ephésiens que nous n'avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre des esprits méchants. Si nous voulons gagner ce combat contre les esprits méchants, il nous faut absolument nous nourrir de la Parole de Dieu, et de la réalité visible de la puissance de Dieu.

Un coup d'œil en arrière sur Jacques.

Je me suis efforcé de montrer le contraste qui existait, au sein de l'Eglise primitive, entre les idées défendues par Paul et celles qui étaient défendues par Jacques. Je n'avais pas l'ambition de vous offrir un travail exhaustif, qui répondrait à toutes les questions. Au contraire, j'ai voulu maintenir la forme d'un débat ouvert, qui puisse aboutir à une mise en pratique de la Parole de Dieu dans notre vie chrétienne actuelle. Nous avons certainement compris quelles étaient la taille et l'étendue de l'Eglise du premier siècle. Cela devrait nous ouvrir les yeux et augmenter nos attentes. Le conflit rencontré par l'Eglise primitive devrait nous alerter sur l'existence de conflits similaires aujourd'hui. Le fait d'avoir vu une telle puissance de Dieu se manifester dans le Livre des Actes devrait nous pousser à prier pour que nous puissions annoncer la Parole de Dieu avec plus d'assurance, et à voir cette même puissance se manifester aujourd'hui.

Il est clair qu'en l'an 49, Jacques, le frère de Jésus, était devenu le chef de l'Eglise de Jérusalem. Les Evangiles nous ont montré que Jacques avait résisté à Jésus-Christ. Les propres paroles de Jésus devraient nous éclairer. Il a dit à Ses frères : "Le monde ne peut vous haïr ; moi, il me hait, parce que je rends de lui le témoignage que ses œuvres sont mauvaises" (Jean 7 :7). Ceux qui veulent défendre Jacques doivent s'appuyer sur ce que l'Ecriture dit de lui. Nous ne devons pas croire que Jacques a certainement été un homme spirituel, pour la seule raison qu'une épître écrite par lui a finie par être ajoutée au Canon des Ecritures, trois cents ans plus tard. De très nombreux Chrétiens, entre le jour de la Pentecôte et l'an 367, ont cru que l'épître de Jacques ne faisait pas partie de la Parole de Dieu. Je n'ai donc pas honte de m'identifier à eux, malgré le fait que 1600 ans se soient écoulés depuis que l'épître de Jacques a été reconnue comme faisant partie du Canon du Nouveau Testament, en dépit de ses nombreuses contradictions avec les épîtres de Paul. Jacques avait fait partie de ceux qui voulaient s'emparer de Jésus, parce qu'ils le considéraient comme fou. Il n'a pas été choisi par Jésus pour faire partie de Ses apôtres. Il n'a même pas été choisi pour remplacer Judas, peu avant la Pentecôte. Ce que dit Paul dans Galates 1 n'implique pas que Jacques ait été mis au rang des apôtres. Mais cela indique plutôt le contraire, quand on examine correctement le texte de ce passage. 1 Cor. 15 :7 ne prouve pas non plus que Jacques était un apôtre. Paul dit simplement que Jésus-Christ est apparu à Jacques après Sa résurrection, c'est tout. Jacques avait vu Jésus-Christ de nombreuses fois avant Sa résurrection, et pourtant, malgré cela, Jésus lui a fait remarquer qu'il ne croyait pas en lui.

L'Ecriture ne dit nulle part clairement que Jacques était réellement converti. Elle ne dit pas non plus qu'il ne l'était pas. On peut donc toujours discuter sur le fait de savoir s'il était réellement converti ou non. Comme beaucoup de Chrétiens aujourd'hui, Jacques pouvait très bien s'être converti, et même avoir été baptisé de l'Esprit, tout en choisissant par la suite de marcher par la chair et non par l'esprit. Seul Dieu sait exactement ce qu'il en est de Jacques, et ce qu'il en adviendra. Cela doit nous suffire en ce qui concerne son salut. Toutefois, les Evangiles, le Livre des Actes, et les épîtres de Paul nous révèlent beaucoup de choses sur Jacques et sur l'Eglise de Jérusalem, tout comme l'épître de Jacques elle-même. Nous devons tenir compte de toutes ces informations dans l'appréciation que nous porterons sur Jacques.

Il y a des années, j'ai lu un article écrit par un certain auteur, qui affirmait "qu'après les siècles des siècles, Dieu réconcilierait toutes choses avec Lui-même". Il prétendait que même Satan serait réconcilié avec Dieu ! En lisant cela, je me suis rappelé avoir pensé : "Le Seigneur serait bien capable de faire cela !" N'est-ce pas ce que Paul semble avoir voulu dire dans Ephésiens 1 :9-10 : "… nous faisant connaître le mystère de sa volonté, selon le bienveillant dessein qu'il avait formé en lui-même, pour le mettre à exécution lorsque les temps seraient accomplis, de réunir toutes choses en Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre" ?

Certains diront que personne n'aurait réellement besoin de se convertir, si cette position était juste. Il est vrai que l'on ne peut pas faire entrer les gens dans le salut par la crainte, et que, sans la crainte, beaucoup d'églises seraient peut-être vides. Mais la crainte n'a jamais été un moyen de conduire les gens au salut. Elle peut pousser certains à la conversion, dans des organisations dirigées par des hommes. Mais la seule méthode que Jésus-Christ a toujours employée était l'amour. Il a dit : "Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi" (Jean 12 :32). Dieu seul sait donc ce qu'il en est de Jacques. Cela doit nous suffire.

Qu'en est-il de l'épître de Jacques ?

En étudiant le comportement de Jacques dans la Parole de Dieu, nous devons trouver une réponse à une question cruciale : "Si l'ascension de Jacques à la tête de l'Eglise de Jérusalem ne peut pas être mise sur le compte d'une véritable spiritualité, qu'en est-il de l'épître de Jacques dans le Nouveau Testament ? Fait-elle partie de la Parole de Dieu, ou non ?" En d'autres termes, Jacques a-t-il vraiment reçu une révélation de Dieu pour écrire son épître, ou cette dernière n'a-t-elle été inspirée que par Jacques lui-même ? Je ne prétends pas être une autorité en matière de Canon des Ecritures. Mais ceux qui sont des experts en la matière nous affirment qu'à la fin du second siècle, on avait déjà reconnu comme faisant partie du Canon du Nouveau Testament les quatre évangiles, les Actes des apôtres, 13 épîtres de Paul, deux épîtres de Jean, l'épître de Jude, l'Apocalypse de Jean, et l'Apocalypse de Pierre.

Au cours du troisième siècle, sous l'influence d'Origène, on modifia et élargit le Canon. Origène lui-même hésita à se prononcer sur un certain nombre de livres qui furent inclus plus tard dans le Canon : l'épître de Jacques, la seconde épître de Pierre, et les deux dernières épîtres de Jean. Le Canon actuel ne fut fixé qu'au cours du quatrième siècle. Au début du quatrième siècle, il y avait encore beaucoup d'hésitations, comme le prouvent les écrits d'Eusèbe. Le Canon qui fut finalement adopté tel que nous le connaissons aujourd'hui apparaît pour la première fois dans la 39e lettre d'Athanase, en l'an 367, plus de trois cents ans après la date de la rédaction du Livre des Actes ! Pendant plus de trois cents ans, des multitudes de Chrétiens ont donc cru que l'épître de Jacques ne faisait pas partie de la Parole de Dieu ! Si nous étions de leur avis aujourd'hui, nous ne les offenserions pas, et nous ferions simplement justice à l'Ecriture qu'ils considéraient à leur époque comme la Parole de Dieu inspirée. Je crois donc que l'Eglise organisée du quatrième siècle a eu tort d'accepter d'intégrer l'épître de Jacques dans le Canon de la Parole de Dieu.

Comme je l'ai déjà mentionné brièvement, le premier Canon qui fut historiquement établi fut celui de Marcion. Ce fut le premier Canon, et Marcion fut évidemment excommunié par l'Eglise de Rome en l'an 140. Marcion n'avait retenu dans son Canon que l'Evangile de Luc, les Actes des Apôtres (parce que Luc avait accompagné Paul dans ses voyages), et les épîtres de Paul. La plupart des historiens bibliques font référence à Marcion en l'appelant "Marcion l'hérétique", comme si ce qualificatif faisait partie de son patronyme ! Pourtant, l'un de ces historiens, Harnack, affirme que Marcion serait le "père" de l'Eglise Catholique Romaine !

De toute manière, pour décider si l'épître de Jacques était inspirée par Dieu ou simplement par Jacques, je ne crois pas que des Chrétiens remplis de l'Esprit puissent se satisfaire de la décision d'un concile réuni plus de trois cents ans après la rédaction du Livre des Actes ! C'est le récit des Actes lui-même qui doit diriger notre décision. Si nous avons besoin d'autres confirmations, nous pouvons étudier les épîtres de Paul, ainsi que l'Evangile de Luc, car ces livres n'ont jamais été contestés, et ont toujours été admis dans le Canon le plus ancien.

La question de l'autorité.

Je n'ai pas effectué cette étude en étant motivé par un intérêt purement académique. De tout temps, il s'est posé dans l'Eglise une question très pratique : "Qui est revêtu de l'autorité spirituelle réelle ?" En d'autres termes, qui est revêtu de l'autorité divine pour prendre des décisions conformes à la volonté de Dieu ? Certains Chrétiens sont "complets" en Jésus-Christ, et d'autres ne le sont pas. Si nous sommes "complets" en Christ, nous savons que ceux qui sont considérés comme des "autorités" dans l'Eglise ne sont que des "aides" et non des "supérieurs". Cette distinction est d'une importance capitale. Soit nous sommes directement responsables de nos actions devant Dieu, soit nous sommes responsables devant une "autorité supérieure", qui est elle-même responsable devant Dieu.

Nous voyons clairement ce contraste entre Paul et Jacques. Paul ne s'est jamais posé en tant que Chef de l'Eglise. Jamais, dans aucune de ses épîtres, il ne considère un Chrétien comme étant supérieur aux autres. Il rappelle constamment que Jésus-Christ est le seul Chef de l'Eglise. Il mentionne bien des anciens et des diacres, mais en tant qu'autorités établies au niveau des églises locales. Dans son esprit, ces "autorités" ne constituent jamais une hiérarchie, mais sont au service du troupeau.

Paul donne dans Ephésiens 4 :11 une liste de ministères : apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs et docteurs. Là encore, il s'agit non pas d'une structure hiérarchique, mais de ministères qui sont au service de saints, pour les aider à se perfectionner, pour l'œuvre du ministère et l'édification du Corps de Christ. Ces ministères sont des dons de Dieu à Son peuple, et non des supérieurs hiérarchiques. On ne peut donc pas s'appuyer sur ce passage d'Ephésiens pour justifier l'établissement d'une hiérarchie de clercs. Paul écrit au verset 7 : "Mais à chacun de nous la grâce a été donnée selon la mesure du don de Christ". Cela signifie que nous avons tous reçu une pleine mesure de cette grâce !

Paul ajoute, au verset 11 : "Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs…" En d'autres termes, ces ministères sont bien des dons accordés à l'Eglise, et non des dons accordés à un individu particulier. Le don réside dans la bénédiction manifestée pour le Corps de Christ, lorsque ces ministères peuvent fonctionner librement. S'ils ne fonctionnent pas, l'Eglise n'en recevra pas le bénéfice. Dans 1 Cor 12 :29-30, Paul pose une série de questions : "Tous sont-ils apôtres ? Tous sont-ils prophètes ? Tous sont-ils docteurs ? Tous ont-ils le don des miracles ? Tous ont-ils le don des guérisons ? Tous parlent-ils en langues ? Tous interprètent-ils ?". Je crois que l'on pourrait répondre à toutes ces questions par un "OUI" enthousiaste ! Je ne veux pas étudier ici en détail les chapitres 12 à 14 de la première Epître aux Corinthiens. Mais je veux simplement souligner que la réponse à ces questions dépend d'une d'interprétation correcte du texte originel ! On pourrait certainement traduire le texte grec de la manière suivante : "Tous ne sont-ils pas apôtres ? Tous ne sont-ils pas prophètes ? Tous ne sont-ils pas docteurs ? Tous n'ont-ils pas le don des miracles ? Tous n'ont-ils pas le don des guérisons ? Tous ne parlent-ils pas en langues ? Tous n'interprètent-ils pas ?"

De toute manière, ce que je veux dire, c'est que les hommes qui exercent tous ces ministères ne peuvent pas être considérés comme "supérieurs" aux autres membres du Corps de Christ. Ils accomplissent un service qui est certainement unique. Mais un tel service n'est absolument pas supérieur aux activités de n'importe quel Chrétien qui est réellement un serviteur de Jésus-Christ. Quand nous considérons les "ministères" à cette lumière, cela devrait nous pousser à nous encourager tous mutuellement à exercer un ministère de plus en plus efficace et étendu, plutôt que de placer certains hommes sur un piédestal, ce qui ne manque pas de donner à certains autres un sentiment d'infériorité ou d'incapacité.

Le fait qu'Ephésiens 4 :11 nous dise que Dieu ait donné à l'Eglise des ministères variés devrait nous encourager à nous attendre à les voir venir au milieu de nous quand nous en avons besoin ! C'est Dieu qui peut envoyer un apôtre aux Chrétiens qui en ont besoin, surtout s'ils le désirent et s'ils prient pour cela. A d'autres sont envoyés des enseignants, notamment quand ils en ont besoin, et s'ils prient pour cela. Si les Chrétiens d'un groupe local ont besoin d'une aide quelconque, ils devraient la demander à Dieu dans la prière, et même inviter eux-mêmes une personne qui leur semblerait pouvoir les aider ! Bien souvent, nous ne recevons pas, parce que nous ne demandons pas.

Ephésiens 4 nous montre clairement que Dieu veut fournir à tous les groupes locaux, et même à tous les Chrétiens pris individuellement, tout ce dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin. Si un groupe a besoin d'un enseignant, Dieu lui enverra un enseignant. S'il a besoin d'un prophète, Dieu lui enverra un prophète ! Ephésiens 4 ne signifie pas que Dieu donnera personnellement à tel ou tel Chrétien un don particulier, pour qu'il soit apôtre, prophète, évangéliste, pasteur ou docteur, en maintenant ensuite les autres Chrétiens sous son contrôle ! Nous sommes tous des serviteurs, et Jésus-Christ est notre seul Maître. Nous sommes complets en Lui, Jésus-Christ, qui est la Tête ! Nous pouvons apprendre, croître, devenir plus efficaces, "selon la force qui convient" à chacune des parties de Son Corps (Ephésiens 4 :16). Mais nous ne nous laisserons "asservir par quoi que ce soit" (1 Cor. 6 :12).

La question de l'autorité dans l'Eglise est résolue quand nous savons que Jésus-Christ a reçu tout pouvoir dans le Ciel et sur la terre. C'est toujours Lui qui exerce l'autorité suprême aujourd'hui. Les églises établies semblent confondre l'autorité de Jésus-Christ avec l'autorité des hommes. Beaucoup d'églises ne savent plus à qui elles doivent réellement honneur et soumission. Il en résulte une corruption de l'exercice de l'autorité, et l'on finit par obéir aux hommes plutôt qu'à Dieu. Au lieu de suivre Jésus-Christ, beaucoup suivent des hommes qui en suivent d'autres, ce qui compromet leur position unique dans le Corps de Christ.

Notre plus grande joie devrait être de voir les Chrétiens se délecter de la connaissance de la Parole de Dieu. Notre plus grande tristesse devrait être de voir les Chrétiens se remettre sous le joug des hommes. C'est vraiment un problème d'autorité. Les Chrétiens ont l'immense avantage d'avoir Jésus-Christ comme Tête de l'Eglise. Ils peuvent amener toute pensée captive à l'obéissance de Jésus-Christ. Ils peuvent se reposer dans Sa Paix, et œuvrer avec d'autres dans le Corps de Christ, puisque nous sommes tous co-héritiers.

Chaque membre du Corps de Christ a le droit de reprendre les autres, de les corriger, de les exhorter avec patience et en instruisant. Nous n'avons pas besoin d'attendre que la "bénédiction" s'écoule vers nous au travers de "canaux" particuliers ! Nos bénédictions ne viennent pas d'un homme ! Elles nous viennent de Dieu ! Nous n'avons sans doute pas bien réalisé toutes les dévastations et les destructions que les organisations humaines peuvent provoquer, et provoquent bien souvent ! Elles sont capables de répandre la haine et les mensonges bien plus vite que la correction et l'exhortation ! Ce que Paul a vécu à Jérusalem le prouve amplement.

Enseignants et élèves, temps et argent (suite).

Quand Paul écrit, dans Galates 6 :6, que ceux qui reçoivent l'enseignement doivent partager leurs biens avec ceux qui les enseignent, il nous donne un avis qui a bien plus de poids que celui que les hommes nous donnent, quand ils nous disent : "Donne, et tu seras béni", ou "Tu dois donner ta dîme", ou encore : "Tu ne seras pas béni si tu ne donnes pas ta dîme" ! De tels enseignements ne mènent absolument nulle part, sinon à la ruine. Ils conviennent mieux à une piste de cirque qu'à l'Eglise du Seigneur ! Nous aimons Dieu parce qu'Il nous a aimés le premier (1 Jean 4 :10-11). Les seules motivations de nos actions doivent être l'amour et la reconnaissance profonde que nous avons pour Dieu. Toutes les autres motivations ne mènent qu'à la séduction, au mensonge, et aux œuvres mauvaises. Elles n'attireront jamais les pleines bénédictions de Dieu.

Nous ne travaillons pas pour recevoir des récompenses. Nous travaillons, parce que nous avons déjà reçu la plus grande récompense de toutes, Jésus-Christ qui est mort pour nous ! Dieu demande aux Chrétiens de travailler, en faisant de leurs mains ce qui est bien, "pour avoir de quoi donner à celui qui est dans le besoin" (Ephésiens 4 :28). En d'autres termes, notre objectif, dans la vie, devrait être de donner toujours plus, plutôt que d'accumuler des richesses pour nous-mêmes. Notre motivation ne doit pas être de "donner pour recevoir", mais de "travailler pour pouvoir donner". Notre motivation doit être puisée dans l'amour, si nous voulons récolter les bénéfices de l'amour. Il est absurde de voir des églises de plusieurs milliers de membres qui ne soutiennent financièrement que deux ou trois enseignants !

Selon l'enseignement de l'Ancien Testament, dix Chrétiens devraient pouvoir soutenir un enseignant. Cela peut paraître une position extrême à beaucoup, mais cela nous permet de garder l'autre extrême en perspective. L'Eglise de Christ ne court vraiment pas le danger d'avoir une surpopulation d'enseignants de la Parole de Dieu ! Nous ne courons pas non plus le danger de voir trop d'argent consacré au ministère de la réconciliation ! Il est clair que le danger est de l'autre côté : trop peu de candidats au ministère d'enseignement, et trop peu de Chrétiens disposés à donner financièrement ! Nous pouvons nous demander où se trouvent les ressources les plus rares, sans parler des enseignants empêtrés dans des problèmes d'administration, ni de tout l'argent gaspillé pour des choses qui n'en valent pas la peine !

Il est clair que Dieu ne nous force jamais à donner le moindre centime. Toutefois, l'amour va bien plus loin que les commandements de l'Ancien Testament ! Dans l'Eglise primitive, "la multitude de ceux qui avaient cru n'était qu'un cœur et qu'une âme. Nul ne disait que ses biens lui appartinssent en propre, mais tout était commun entre eux" (Actes 4 :32). Cette attitude allait bien plus loin que l'obligation de donner la dîme. Tous savaient qu'en tant que serviteurs de Jésus-Christ, tout ce qu'ils possédaient appartenaient au Seigneur. La question que doivent poser les Chrétiens n'est pas : "Combien dois-je donner ?", mais : "Combien puis-je donner ?". Si nous comprenons cela, nous chercherons à obtenir de plus en plus de moyens de donner, plutôt que de mesurer tout ce que nous ferons en fonction d'une "loi" ou de la taille de notre compte bancaire ! Puisque nous avons accepté Jésus-Christ comme notre Seigneur, ce sont non seulement nos vies qui Lui appartiennent, mais aussi toutes nos ressources. Nous ne sommes que les gérants de nos ressources. Nous n'en sommes pas propriétaires. Si l'Eglise comprenait cela, et donnait en fonction de cette compréhension, la Parole de Dieu pourrait à nouveau révolutionner le monde, comme elle l'a fait au premier siècle !

Dans beaucoup d'églises, 90 % des membres donnent 10 % de l'argent recueilli, et 10 % des membres donnent 90 % des recettes ! En plus, ce ne sont pas nécessairement les plus riches qui donnent le plus. Le résultat, c'est que ces 90 % de petits donateurs veulent avoir leur mot à dire en ce qui concerne l'utilisation de cet argent, en empêchant les 10 % restants de faire tout ce qu'ils peuvent pour être de vrais serviteurs du Seigneur Jésus-Christ. Les 90 % sont toujours prêts à affirmer que nous ne sommes plus sous la loi, et que nous ne sommes plus soumis à l'obligation de payer la dîme. Techniquement, ils ont raison. Les membres du Corps de Christ ne sont soumis par Dieu à aucune obligation de payer le moindre centime. Mais leur vrai motif est en fait d'économiser leur argent, et non de le donner. S'ils donnaient 20 ou 30 % de leurs revenus, ils pourraient parler de leur affranchissement de la dîme ! En matière de dons financiers, comme en toutes choses, la motivation est un facteur essentiel. Tout motif autre qu'un pur amour ne permettra pas de promouvoir la connaissance des Ecritures et la manifestation de la puissance de Dieu. L'amour est toujours victorieux. La contrainte n'engendre que la peur. Et la peur tend toujours un piège.

Les 90 % de gens qui ne donnent pas autant qu'ils le devraient se cachent derrière le fait qu'ils appartiennent à une "organisation". La parole de Dieu pourrait se répandre d'une manière inégalée depuis le premier siècle, si les 10 % qui donnent le plus consacraient au moins une partie de leurs dons à soutenir directement les enseignants de la Parole de Dieu. Comme l'a dit un auteur : "Pour un coup porté à la racine, il y en a mille qui sont inutilement portés aux branches". Je crois que l'une des manières de porter un coup fatal à la racine du mal consisterait à soutenir directement ceux qui enseignent la Parole de Dieu. Il me semble que cette méthode correspond exactement au conseil donné par Paul dans Galates 6 :6. "L'amour de l'argent est une racine de tous les maux" (1 Tim. 6 :10). L'amour de Dieu est le seul moyen de surmonter ces maux. Il faut que l'Eglise puisse bénéficier de l'argent dont elle a réellement besoin aujourd'hui. Si cet argent est donné directement à une église, qui l'utilise ensuite pour contrôler ou brider les enseignants de la Parole de Dieu, elle ne tardera pas à réaliser que ce qui est enseigné en son sein ne correspond qu'à ce qu'elle veut bien entendre, et pas nécessairement à ce qu'elle aurait besoin d'entendre !

Certains diront qu'on ne peut pas faire confiance à un enseignant, pour qu'il reçoive directement des "offrandes", sans passer par la surveillance ou le contrôle d'une organisation quelconque. Je répondrai que la notion "d'offrandes", comme celle de "dîme", ne correspond plus à la réalité de l'Eglise du Nouveau Testament. Les dîmes et les offrandes, dans l'Ancien Testament correspondaient à un devoir, à une obligation. Certes, nous avons l'habitude d'obéir à des commandements et de remplir nos obligations, dans notre vie de tous les jours. Mais les concepts du Nouveau Testament sont différents : " Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement" (Matthieu 10 :8). Nous achetons une maison, nous avons un travail salarié, et nous contractons un emprunt. Nous recevons un bénéfice en échange de nos contributions financières et de notre temps. De même, nous pouvons nous joindre à une église pour que nos enfants aient la possibilité d'aller à l'école du dimanche, et pour que nous puissions jouir des nombreux avantages que procure la vie en communauté. Nous acceptons donc de participer financièrement aux frais engagés par cette communauté, sachant que nous en retirerons des bénéfices. Mais, quand nous donnons comme un vrai Chrétien doit donner, nous ne donnons plus rien dans l'espoir d'en recevoir un bénéfice. Quand les contributions financières d'un Chrétien ne correspondent même pas à sa participation équitable aux dépenses communes, il se séduit lui-même !

Les vrais dons commencent quand toutes les dépenses nécessaires sont payées ! Un bon exemple de vrai don consiste à soutenir financièrement un missionnaire envoyé par notre église. On n'en attend aucun bénéfice direct. Nous voulons simplement participer à l'effort missionnaire. Et si ce soutien financier est accordé directement au missionnaire, au lieu de passer par l'intermédiaire de l'église, on évitera toute tentation de retenir une partie de cet argent pour contribuer à payer les charges de l'église ! Il me semble plus raisonnable de faire confiance à Dieu, pour qu'Il dirige le missionnaire dans ses dépenses, plutôt que de rendre celui-ci dépendant d'un comité missionnaire quelconque, ce qui ne manque pas de se produire quand l'argent n'est pas donné directement au missionnaire.

Le fait de donner directement aux missionnaires évitera aussi de dire que c'est "l'église" qui les soutient, et permettra de dire que ce sont des membres individuels du Corps de Christ qui soutiennent d'autres membres individuels de ce Corps. Notre force ne s'appuie pas sur les nombres, mais sur la puissance de Dieu. Au lieu de nous "inquiéter" uniquement de la manière dont les enseignants de la Parole peut dépenser l'argent du Seigneur, inquiétons-nous aussi de la manière dont n'importe quel Chrétien peut dépenser l'argent que Dieu lui a confié !

Ce sont les incrédules de ce monde qui réclament le plus que l'on fasse justice, quand un "prédicateur" autoproclamé est convaincu de fraude ou de malversation financière. Mais ces mêmes incrédules font pire eux-mêmes ! Les cris des incrédules ne doivent donc pas nous décourager de donner à l'œuvre de Dieu !

Paul a écrit dans Philippiens 4 :17 : "Ce n'est pas que je recherche les dons ; mais je recherche le fruit qui abonde pour votre compte". Certains pourraient dire : "Certainement, Paul désirait leurs dons ! Sinon, pourquoi dirait-il cela ?" Je crois que Paul était sincère quand il disait qu'il ne recherchait pas les dons. Je crois qu'il aurait préféré gagner sa vie, plutôt que de dépendre des autres. Il l'a fait à certains moments, car il a aussi dit : "Je vous ai montré de toutes manières que c'est en travaillant ainsi qu'il faut soutenir les faibles, et se rappeler les paroles du Seigneur, qui a dit lui-même : Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir" (Actes 20 :35). Dans le fond, tout le monde sait que cela est vrai. Quand nous donnons à quelqu'un, nous nous sentons bien mieux que quand nous recevons quelque chose de quelqu'un. Mais les enseignants de la Parole de Dieu doivent vivre, comme tout le monde, et cela nécessite de l'argent. Les Chrétiens ne devraient pas traiter les enseignants moins bien qu'ils se traitent eux-mêmes !

Beaucoup de gens s'achètent une voiture neuve alors que leur ancienne voiture fonctionne encore très bien. Certains ne sont contents que s'ils voient un enseignant de la Parole de Dieu se déplacer à pied ! C'est cette attitude qui explique le honteux manque de connaissance de la Parole de Dieu dans beaucoup d'églises aujourd'hui. Beaucoup de Chrétiens demandent aux enseignants de la Parole de subvenir eux-mêmes à leurs propres besoins, en s'étonnant ensuite qu'il y ait si peu de monde pour enseigner. Mais les gens sont trop occupés à pourvoir à leurs besoins, ainsi qu'à ceux de leur famille ! L'Eglise ne ramasse que les miettes ! Il ne devrait pas en être ainsi. Cela empêche le "fruit" d'abonder, au bénéfice des Chrétiens.

Par ailleurs, beaucoup de ceux qui sont dans des dénominations disent : "Mais nous avons un pasteur "à plein temps" !" Oui, mais ils ont, bien souvent, tellement "ligoté" leur pasteur qu'il n'a plus aucune liberté pour les enseigner véritablement. Si c'est l'église qui possède la maison et la voiture du pasteur, et qui lui verse un salaire minimum, est-il vraiment libre d'enseigner ? S'il découvre que des doctrines ont mal été comprises, comment pourra-t-il enseigner la vérité, s'il sait que cet enseignement sera impopulaire ? Peu d'hommes acceptent de risquer le bien-être de leur famille, pour s'opposer à une assemblée récalcitrante, qui aurait pourtant désespérément besoin de changer ses voies ! Dans une telle situation, le pasteur est effectivement ligoté, comme peut l'être un enseignant qui travaille à plein temps au sein d'une dénomination.

L'Eglise Corps de Christ a grandement besoin d'étudier sérieusement ce problème des dons financiers. Elle a besoin de l'étudier en toute franchise. Je crois que l'un des moyens de le faire est de soutenir directement les enseignants de la Parole de Dieu. Je suis persuadé que si l'on commençait à pratiquer cela, cela permettrait à de nombreuses vocations d'enseignants de se manifester, sans que ceux-ci aient besoin de se mettre sous le joug de comités et de conseils dont ils dépendent, et auxquels ils doivent rendre des comptes, sous peine de mourir de faim ! Je le répète, cela n'empêchera jamais des Chrétiens "ordinaires" "d'exposer plus exactement la voie de Dieu" à des enseignants de la Parole, comme Aquilas et Priscille l'ont fait avec Apollos dans Actes 18 :26. Apollos était un homme éloquent et puissant dans les Ecritures, sans aucune crainte d'être rejeté par une communauté quelconque. Mais il a eu besoin d'être lui-même enseigné plus exactement par un couple de Chrétiens. De telles choses ont peu de chances de se passer dans de grandes églises, alors que les erreurs et les mauvaises compréhensions peuvent aisément être corrigées dans des petits groupes.

Nous sommes individuellement responsables devant Dieu de l'usage que nous faisons de notre temps et de notre argent. La manière dont nous les employons est d'un intérêt vital pour toute l'Eglise. Jésus-Christ est venu pour que nous ayons la vie, et que nous l'ayons en abondance (Jean 10 :10). Mais si refusons de soutenir financièrement les enseignants de la Parole, et si, en outre, nous leur demandons de "gagner eux-mêmes leur vie", c'est le comble de l'hypocrisie ! Ce n'est pas ainsi que nous permettrons à la vie de Jésus-Christ de se répandre ! Cela ne glorifiera pas non plus notre "Enseignant Suprême", car cela ne Lui permettra pas de répandre Sa vie. Ce qui Le glorifiera, c'est que nous acceptions de "chausser de cuir" les pieds de ceux qui enseignent l'Evangile de Paix ! Je crois que c'est ce que Paul voulait nous dire dans Galates 6 :6 : "Que celui à qui l'on enseigne la parole fasse part de tous ses biens à celui qui l'enseigne".

En conclusion.

Il y avait "deux voies" dans l'Eglise primitive. Il en est de même aujourd'hui. Nous choisissons qui nous voulons servir, et ce choix est vital. Soit nous choisissons de nous remettre sous le joug de l'esclavage, soit nous persévérons de notre mieux dans la grâce de Dieu. Seule l'une de ces voies peut nous conduire dans une vie pleine et riche en bénédictions, pour nous et pour les autres. Seule l'une de ces voies peut nous permettre de développer nos potentialités en Christ à leur maximum. Seule l'une de ces voies peut nous équiper pour nous permettre de discerner les pièges subtils qui nous guettent. (C'est la voie de la grâce et de la marche par l'esprit). Jésus-Christ a dit à Paul : "Ma grâce te suffit !" Elle doit donc nous suffire aussi.

Dans Jean 10 :10, ce qui est traduit par "en abondance" pourrait être aussi traduit par : "en surabondance", ou "super abondamment". Une partie de cette vie abondance consiste à apprendre activement quelles sont les voies du Seigneur Jésus-Christ dans notre vie. Jusqu'à la Pentecôte, le monde ne pouvait avoir accès à cette vie surabondante en Jésus-Christ. Ceux qui enseignent que cette abondance ne concerne que le domaine matériel se trompent. Dans Luc 12 :15, les paroles de Jésus prouvent clairement le contraire : "Gardez-vous avec soin de toute avarice ; car la vie d'un homme ne dépend pas de ses biens, fût-il dans l'abondance". L'abondance que Jésus-Christ est venu nous donner transcende les possessions et les choses matérielles. Elle consiste à recevoir une plénitude de l'amour de Dieu, déversé dans nos cœurs par le Saint-Esprit (Romains 5 :5).

Le Livre des Actes nous démontre clairement que les Chrétiens peuvent vivre une vie remplie de miracles et de joie, une vie qui a un sens. Il est vrai que l'homme, avant d'avoir quelque chose, a besoin de faire quelque chose, et, surtout, d'être quelque chose ! En Christ, ces trois besoins sont satisfaits ! Nous sommes tous des nouvelles créations en Jésus-Christ (2 Cor. 5 :17), nous sommes tous appelés à un ministère de réconciliation des êtres humains avec Dieu (2 Cor. 5 :18), et nous avons tous reçu la parole de la réconciliation, qui nous permet d'accomplir cette digne tâche (2 Cor. 5 :19). Et Dieu peut nous combler de toutes sortes de grâces, afin que, possédant toujours en toutes choses de quoi satisfaire à tous nos besoins, nous ayons encore en abondance pour toute bonne œuvre ! (2 Cor. 9 :8).

Nous devons d'abord travailler à réconcilier les hommes et les femmes avec Dieu, avant de travailler à les réconcilier entre eux. Quand les hommes et les femmes sont réconciliés avec Dieu, ils se réconcilieront les uns avec les autres. Cette réconciliation des hommes avec Dieu commence par le salut. Mais il reste encore beaucoup de choses à régler après le salut ! Il faut que beaucoup de concepts erronés soient corrigés, pour que ceux qui viennent d'être sauvés puissent pleinement comprendre qu'ils sont en paix avec Dieu, et que le Seigneur ne les délaissera jamais et ne les abandonnera jamais (Hébreux 13 :5). Notre croissance spirituelle sera mieux assurée dans des petits groupes que dans des grandes assemblées. La vie de l'église peut pleinement s'épanouir dans ces petits groupes, où des amis peuvent vraiment s'aider mutuellement à atteindre leurs objectifs, à accomplir les désirs de leur cœur, et à trouver des réponses dans la Parole de Dieu, plutôt que dans la sagesse des hommes. C'est principalement dans ces groupes d'étude biblique indépendants que la Parole de Dieu peut rester au centre de la vie des Chrétiens. Ces groupes d'étude biblique ne peuvent que revitaliser toutes les églises locales, à mesure que se répandra la connaissance de la Parole de Dieu.

Jésus-Christ est venu pour nous donner une vie que nous n'avons jamais connue auparavant. Il nous a donné une vie qui transcende largement tous les soucis d'abondance matérielle que peuvent éprouver les hommes de ce monde. Adolf Harnack, dans son livre sur "L'expansion du Christianisme dans le premier siècle", a écrit : "Le Christianisme était une religion qui proclamait un Dieu vivant, pour Qui l'homme avait été créé. Le Christianisme a apporté à l'humanité la vie et la connaissance, l'unité et la multiplicité, le connu et l'inconnu. Né de l'Esprit, le Christianisme a vite appris à consacrer à Dieu tout ce qui était terrestre. Pour les simples, il était simple, et sublime pour les sublimes". Que Dieu puisse librement agir dans nos vies, afin que la vie que nous avons reçue en Jésus-Christ puisse se manifester à tous les hommes ! Que toute la gloire revienne à Dieu pour les grandes choses qu'Il a faites ! Je suis tellement heureux de savoir qu'Il m'aime ! Viens bientôt, Seigneur Jésus !

Note de Parole de Vie :

Ainsi s'achève le dernier chapitre du livre proprement dit de David Anderson. Il reste un petit chapitre de présentation autobiographique de l'auteur, que nous n'avons pas le temps de traduire pour le moment. Le prochain et ultime article de cette série consistera en une synthèse critique de l'ensemble de cet ouvrage, accompagnée d'extraits des remarques et appréciations diverses que certains de nos lecteurs ont bien voulu nous faire parvenir. Merci pour votre fidélité tout au long de cette lecture qui, nous l'espérons, aura été instructive pour vous, même si vous ne partagez pas toutes les opinions de l'auteur !