A264. Les deux voies de l'Eglise primitive (11)

Par David A. Anderson. L'original peut être consulté en anglais à l'adresse suivante :

http://www.en.com/users/anders/chapter2.html

Reproduction de la traduction française autorisée, pourvu qu’elle soit intégrale, et que les sources soient indiquées. Publié originellement en anglais en 1997, revu et corrigé en 1999. Adresse de l'auteur : David A. Anderson, 924 Richmond Road, Lyndhurst, OHIO 44124 (USA). E-mail : anders@en.com

Nous publions ici, sous forme d'une série d'articles, et avec l'accord de l'auteur, un livre écrit par David Anderson. Ce livre nous semble éclairer particulièrement bien le conflit qui existait au sein de l'Eglise primitive entre la loi et la grâce, les partisans de la loi étant conduits par Jacques, le frère du Seigneur, et ceux de la grâce par l'apôtre Paul. Ce livre est parfaitement d'actualité, car le même conflit peut toujours être observé dans l'Eglise aujourd'hui. Il continue d'opposer ceux qui marchent selon la chair et ceux qui marchent selon l'esprit. La publication complète de cet ouvrage s'étalera sur plusieurs semaines, d'autres articles pouvant aussi être publiés en même temps.

Chapitre 10 : Paul retourne à Jérusalem.

"Après que ces choses se furent passées, Paul forma le projet d'aller à Jérusalem, en traversant la Macédoine et l'Achaïe. Quand j'aurai été là, se disait-il, il faut aussi que je voie Rome… Paul avait résolu de passer devant Ephèse sans s'y arrêter, afin de ne pas perdre de temps en Asie ; car il se hâtait pour se trouver, si cela lui était possible, à Jérusalem le jour de la Pentecôte… Et maintenant voici, lié par l'Esprit, je vais à Jérusalem, ne sachant pas ce qui m'y arrivera ; seulement, de ville en ville, l'Esprit-Saint m'avertit que des liens et des tribulations m'attendent… Nous trouvâmes les disciples, et nous restâmes là sept jours. Les disciples, poussés par l'Esprit, disaient à Paul de ne pas monter à Jérusalem… Comme nous étions là depuis plusieurs jours, un prophète, nommé Agabus, descendit de Judée, et vint nous trouver. Il prit la ceinture de Paul, se lia les pieds et les mains, et dit : Voici ce que déclare le Saint-Esprit : L'homme à qui appartient cette ceinture, les Juifs le lieront de la même manière à Jérusalem, et le livreront entre les mains des païens. Quand nous entendîmes cela, nous et ceux de l'endroit, nous priâmes Paul de ne pas monter à Jérusalem. Alors il répondit : Que faites-vous, en pleurant et en me brisant le cœur ? Je suis prêt, non seulement à être lié, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus. Comme il ne se laissait pas persuader, nous n'insistâmes pas, et nous dîmes : Que la volonté du Seigneur se fasse !" (Actes 19 :21 ; 20 :16, 22, 23 ; 21 :4 ,10-14).

Paul voulait retourner à Jérusalem. C'est ce qu'il fit. Ses motivations étaient certainement bonnes, et il devait rechercher l'intérêt de l'Eglise. Mais a-t-il fait preuve de prudence en allant à Jérusalem ? C'est une autre question ! Certains pensent, après avoir lu le Livre des Actes et les épîtres de Paul, que ce dernier a toujours fait la volonté de Dieu, et qu'il obéissait donc au Seigneur en se rendant à Jérusalem pour la dernière fois. Je sais que c'est difficile pour certains de l'accepter, mais c'est un fait que personne ne fait jamais parfaitement la volonté de Dieu en toutes choses, y compris Paul !

Un serviteur n'est pas au-dessus de son maître, et il ne peut non plus être son égal. Jésus-Christ a été le Seul Homme Parfait. Tous les autres Lui sont inférieurs, y compris Paul. Nous avons tous commis des erreurs, comme Paul, et nous continuerons à en faire. Jésus-Christ est le médiateur entre Dieu et les hommes, pour la simple raison que l'homme aura toujours besoin d'un médiateur. Paul a aussi eu besoin d'un médiateur. Quand nous lisons les épîtres de Paul, nous voyons que Paul a été le premier à reconnaître cette réalité. Paul ne dit jamais qu'il a atteint pratiquement la perfection, dès le jour où il a été sauvé. Il a reçu le don parfait de Dieu, mais il a compris qu'il devait être toujours complètement dépendant de Dieu pour vaincre sa vieille nature. Il a dit : "Je trouve donc en moi cette loi : quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi" (Rom. 7 :21).

Paul a dit aussi que rien ne peut nous séparer de l'amour de Dieu (Rom. 8 :31-39). Nous pouvons donc nous reposer dans la paix de Dieu, même quand nos pensées nous demandent de faire quelque chose, et que notre cœur nous demande le contraire. Il est clair, quand nous lisons Actes 19 :21, que Paul voulait retourner à Jérusalem. Mais l'expression "forma le projet" peut aussi se traduire par "examina le projet". En d'autres termes, cela signifie que Paul a dû réfléchir, et se demander qu'il devait ou non retourner à Jérusalem.

Paul aurait-il dû aller à Jérusalem ? (1)

La vraie question est la suivante : "Est-ce que Dieu voulait que Paul aille à Jérusalem ?" Je n'ai certainement pas l'intention de rabaisser la valeur de Paul en posant cette question. Mon désir est plutôt de montrer que les tentatives faites par Paul pour maintenir la communion avec l'Eglise de Jérusalem avaient clairement atteint leurs limites possibles. S'il est vrai que Dieu ne voulait pas que Paul se rende à Jérusalem, et qu'Il avait parlé à d'autres Chrétiens, "par l'Esprit", pour confirmer à Paul qu'il ne devait pas se rendre à Jérusalem, alors nous comprenons mieux dans quelle situation se trouvait l'Eglise vers l'an 56.

Si nous pensons que le fait que Paul soit allé à Jérusalem suffise à prouver que c'était bien la volonté de Dieu qu'il s'y rende, alors nous devons admettre que nous sommes placés devant une contradiction. Dieu aurait-Il pu demander à des Chrétiens de dire à Paul, "par l'Esprit", de ne pas aller à Jérusalem, tout en disant Lui-même à Paul, toujours "par l'Esprit", qu'il devait y aller ? Une telle éventualité serait incompréhensible, et aboutirait à la conclusion erronée qu'il est impossible de comprendre la Bible. Ce sont de telles conclusions qui ont souvent causé de grands torts à l'Eglise.

Ce sont de telles conclusions qui ont aussi poussé beaucoup de Chrétiens à ne plus lire leur Bible, les privant ainsi de la possibilité de se nourrir abondamment du pain de vie. Quelqu'un a dit, à propos de l'Eglise des deuxième et troisième siècles : "Elle a fini par croire que Dieu était fondamentalement mystérieux, et qu'Il se situait hors du domaine de la raison". Une telle opinion ne peut être émise que par des païens, pas par des Chrétiens ! Pour des Chrétiens, Dieu S'est clairement révélé dans Sa Parole, et par Son Fils Jésus-Christ. Nous pouvons clairement connaître la volonté de Dieu grâce à l'étude de Sa Parole, à la direction de Son Esprit, et à l'intercession de Son Fils. Actes 20 et 21 nous montrent clairement que Dieu a souvent empêché Paul de se rendre à Jérusalem, parce que ce n'était pas Sa volonté.

Certes, nous pouvons comprendre le désir de Paul de se rendre à Jérusalem. Nous avons tous connu des moments où nous étions très frustrés de ne pas pouvoir nous réconcilier avec quelqu'un, ou avec un groupe, et où nous avons fini par aboutir à la conclusion que toute réconciliation était impossible, si les deux parties n'étaient pas pleinement désireuses de "réparer les brèches". La décision de Paul d'aller à Jérusalem correspondait sûrement à son désir de faire une nouvelle tentative de réconciliation, mais ce désir n'était pas partagé par ses opposants.

Aujourd'hui, on parle beaucoup de "pardon". Mais on nous rappelle rarement que le "pardon" ne veut rien dire s'il n'est pas accompagné de "repentance". Jésus a bien dit : "Si ton frère a péché, reprends-le ; et, s'il se repent, pardonne-lui" (Luc 17 :3). Au verset suivant, le Seigneur insiste : "Et s'il a péché contre toi sept fois dans un jour et que sept fois il revienne à toi, disant : Je me repens, tu lui pardonneras" (verset 4). Il est donc certain que Dieu nous demande de pardonner. Mais c'est la repentance qui rend possible le pardon. Nous pouvons comprendre que Paul espérait aboutir à une vraie réconciliation avec l'Eglise de Jérusalem. Mais nous pouvons aussi comprendre, comme Paul a fini par le faire plus tard, que "le cœur de ce peuple est devenu insensible ; ils ont endurci leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux, de peur qu'ils ne voient de leurs yeux, qu'ils n'entendent de leurs oreilles, qu'ils ne comprennent de leur cœur, qu'ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse" (Actes 28 :27). Nous ne mettons pas en cause le désir de réconciliation de Paul. Mais nous pensons qu'il n'avait pas, à l'époque, réussi à reconnaître que la situation de l'Eglise de Jérusalem était telle, qu'il ne pouvait pas se réconcilier avec elle en allant la trouver personnellement.

Jésus a dit : "Car les enfants de ce siècle sont plus prudents à l'égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de lumière" (Luc 16 :8). Jésus ne suggère certainement pas que les "enfants de lumière" deviennent comme des "enfants de ce siècle". Mais le Seigneur conclut cette parabole en disant : "Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon (l'argent)". Nous devons en tirer les justes conséquences.

L'une des conséquences me semble être la suivante. Les Chrétiens aboutissent parfois à de la confusion, quand ils veulent évaluer une situation en mélangeant le point de vue de Dieu et le point de vue des hommes. L'homme naturel n'éprouve pas ce problème, parce qu'il ne peut même pas évaluer une situation du point de vue de Dieu. "Mais l'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge" (1 Cor. 2 :14). C'est peut-être pour cela que Jésus a dit que les "enfants de ce siècle" étaient plus "prudents" (ou "sages") que ne le sont les "enfants de lumière". Car les enfants de ce monde ne se préoccupent pas de comparer leurs vues personnelles avec celles de l'Esprit de Dieu, ce qui est parfois difficile à faire pour des Chrétiens qui veulent faire la volonté de Dieu, mais qui ne connaissent pas parfaitement cette volonté.

Peut-être que ces paroles de Jésus pourraient donc s'appliquer à Paul, quand il se demandait s'il devait aller à Jérusalem. Paul était accompagné de représentants des églises d'Asie, pour apporter à Jérusalem les offrandes réunies par ces églises. Paul pensait-il peut-être que ces offrandes compenseraient un peu son impopularité à Jérusalem ? Si cela avait été le cas, aurait-il pu confondre "servir Dieu" et "servir Mammon" ? Des Chrétiens peuvent parfois faire cette confusion. Ils peuvent croire que le fait de "faire un don" ouvrira peut-être une porte qui, sinon, serait restée fermée. Mais ils se rendent compte aussi que cette porte allait rester fermée, même après avoir "donné quelque chose" ! Ce fut le cas pour Paul, comme nous allons le voir.

Paul aurait-il dû aller à Jérusalem ? (2).

L'argent qu'apportait Paul devait-il être donné à l'église de Jérusalem seulement, ou à toute la nation d'Israël ? La question n'est pas sans importance, selon la manière dont on perçoit l'Eglise de Jérusalem. On serait tenté naturellement de penser que Paul apportait cet argent pour la seule Eglise de Jérusalem, qui pouvait être considérée comme "l'Eglise mère". Toutefois, dans sa défense devant le gouverneur Félix, Paul lui dit : "Après une absence de plusieurs années, je suis venu pour faire des aumônes à ma nation, et pour présenter des offrandes" (Actes 24 :17). Si c'est bien le cas, nous voyons donc que l'Eglise de Jérusalem faisait partie intégrante de la nation d'Israël. Elle n'était pas considérée comme une "secte" judaïsante insignifiante et impopulaire.

De toute manière, les versets cités au début de ce chapitre semblent nous montrer clairement que Dieu ne voulait pas que Paul aille à Jérusalem. Dans Actes 20 :22, Paul dit : "Et maintenant voici, lié par l'Esprit, je vais à Jérusalem, ne sachant pas ce qui m'y arrivera". S'il avait dit qu'il "se réjouissait dans l'esprit d'aller à Jérusalem", nous n'aurions eu aucune difficulté à comprendre qu'il se sentait "libre dans son esprit" d'aller à Jérusalem. Le fait que Paul dise qu'il était "lié par l'Esprit" semble indiquer que l'Esprit résistait à son désir d'aller à Jérusalem. Au verset 23, Paul ajoute : "Seulement, de ville en ville, l'Esprit-Saint m'avertit que des liens et des tribulations m'attendent" (sous-entendu : "si je vais à Jérusalem"). Dans Actes 21 :4, nous voyons que des disciples de Tyr, "poussés par l'Esprit, disaient à Paul de ne pas monter à Jérusalem". Si Dieu disait aux disciples de Tyr, par l'Esprit, d'avertir Paul de ne pas se rendre à Jérusalem, il semble impossible que Dieu, par ailleurs, demande à Paul se s'y rendre, par le même Esprit !

Je sais qu'il est difficile de réaliser que Paul ait pu faire ce que Dieu ne voulait pas qu'il fasse. Mais Luc explique en détail dans quelles circonstances Paul a dû se rendre à Jérusalem, de quelle manière il a été reçu, et les conséquences de sa décision de se rendre à Jérusalem. Presque un tiers du Livre des Actes est consacré au dernier voyage de Paul à Jérusalem (vers l'an 57), et à son emprisonnement qui s'ensuivit. C'est, de loin, l'événement sur lequel Luc s'étend le plus. Nous devons en conclure qu'il considérait cet événement comme le plus important de tous ceux qu'il relate dans son livre.

Près de la moitié du Livre des Actes est consacrée aux événements relatifs au dernier voyage de Paul à Jérusalem, à la mort d'Etienne, et à la conversion de Corneille. Ces trois événements sont tous associés à un même conflit au sein de l'Eglise. Le soin que met Luc à décrire ces événements me laisse donc penser que l'un des objectifs majeurs du Livre des Actes était de décrire le conflit entre la Loi et la Grâce au sein de l'Eglise primitive. Il ne s'agissait pas de décrire simplement l'expansion rapide du Christianisme.

Il semble clair que l'Evangile de Luc et le Livre des Actes forment les deux parties d'un même ensemble. Le propos indiqué par Luc au début de son Evangile est clair : "Plusieurs ayant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole, il m'a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d'une manière suivie, excellent Théophile" (Luc 1 :1-3).

Manifestement, Luc ne considérait pas comme impossible la tâche de "composer le récit des événements qui se sont accomplis parmi nous". Le temps passé par Luc à parler de la mort d'Etienne, de la conversion de Corneille, et du dernier voyage de Paul à Jérusalem semble nous montrer que le message de la "grâce de Dieu" constituait bien le cœur de ce qui était considéré comme vital par Luc et par Paul. Cela explique pourquoi Luc voulait que nous connaissions la grande joie qu'ils avaient éprouvée en voyant que ce "si grand salut" avait été donné à tous, mais aussi leur grande peine de voir que ce même salut était rejeté par une bonne partie de l'Eglise. Car il s'agissait d'un problème capital dans l'Eglise, suffisant en tout cas pour expliquer la mort d'Etienne, la perte d'influence de Pierre, et les quatre ou cinq années d'emprisonnement de Paul.

Si nous gardons toutes ces choses à l'esprit, nous pouvons comprendre pourquoi il est si important de savoir si Dieu voulait vraiment que Paul se rende à Jérusalem. Dans Actes 21 :8, nous voyons que Paul, en chemin vers Jérusalem, a séjourné chez Philippe l'évangéliste, l'un des sept diacres d'Actes 6 :3. Nous apprenons aussi que Philippe avait quatre filles qui prophétisaient (Actes 21 :9). Nous ne savons pas ce qu'elle ont prophétisé. Mais, en fonction du contexte, il est possible qu'elle aient aussi prophétisé à Paul de ne pas aller à Jérusalem. Certains me reprocheront de "faire dire à la Bible ce qu'elle ne dit pas". Mais le fait que Luc dise que Philippe vivait à Césarée, et qu'il était "l'un des sept" (l'un de ceux qui avaient été choisis avec Etienne), indique que Philippe avait été chassé de Jérusalem, probablement à la suite de la persécution d'Actes 8 :1. Il n'est pas déraisonnable de penser que Philippe ait pu dire à Paul : "Tu sais, Paul, ils ne vont pas t'accepter non plus à Jérusalem !"

Dans Actes 21 :10, il est écrit que Paul et ses compagnons restèrent là plusieurs jours. Cela peut prouver que Paul hésitait encore à aller à Jérusalem. Ou alors, Paul était arrivé à Césarée bien avant la Pentecôte, ce qui lui laissait du temps. Nous voyons ensuite que Dieu envoie un prophète de Judée, nommé Agabus. Celui-ci dévoile ce qui va arriver à Paul s'il se rend à Jérusalem. Lorsque tous eurent entendu le prophète, "nous et ceux de l'endroit, nous priâmes Paul de ne pas monter à Jérusalem" (Actes 20 :12). Tous ceux qui étaient présents, c'est-à-dire Philippe, Agabus, les quatre filles de Philippe, et sans doute toute la communauté des Chrétiens, supplièrent Paul de ne pas monter à Jérusalem. Luc révèle aussi, en employant le "nous", que lui-même n'était pas d'accord pour que Paul aille à Jérusalem, tout comme les autres compagnons de voyage de Paul.

Paul aurait-il dû aller à Jérusalem ? (3).

En réponse à la demande unanime de ne pas se rendre à Jérusalem, Paul dit : "Que faites-vous, en pleurant et en me brisant le cœur ?" (verset 13). Il est évident que tous ceux qui voulaient le retenir l'aimaient. Et il est évident que Paul les aimait aussi. Tout le monde savait que Paul aurait des problèmes à Jérusalem. Quand nous voyons dans Actes 21 :20 qu'il y avait à Jérusalem "des milliers (le texte dit "des myriades", c'est-à-dire des dizaines de milliers) de Juifs qui ont cru, et combien tous sont zélés pour la loi", on ne peut s'empêcher de remarquer qu'il existait bien deux groupes de Chrétiens complètement différents, ceux qui appartenaient à l'Eglise de Jérusalem, ou qui lui étaient affiliés, et ceux qui faisaient de leur mieux pour persuader Paul de ne pas aller à Jérusalem.

Mais Paul montre sa détermination, dans Actes 21 :13, en disant : "Je suis prêt, non seulement à être lié, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus". Cela implique que Paul connaissait bien le risque qu'il prenait. Le problème n'était pas de savoir si Paul prenait des risques en allant à Jérusalem. Luc nous dit bien que tous, y compris Paul, savaient qu'il y avait de grands risques. Dès Actes 20 :23, Paul avait dit aux anciens d'Ephèse que le Saint-Esprit lui montrait, partout où il allait, que des liens et des afflictions l'attendaient s'il allait à Jérusalem. La seule question à laquelle nous devons répondre est la suivante : "Dieu voulait-Il que Paul aille à Jérusalem ?"

Le verset 14 aurait dû nous donner une réponse claire à cette question. Toutefois, la traduction de ce verset, dans la plupart des versions, ne permet pas d'obtenir cette réponse claire. La version Segond traduit : "Comme il ne se laissait pas persuader, nous n'insistâmes pas, et nous dîmes : Que la volonté du Seigneur se fasse !" Le texte grec dit exactement : "Nous restâmes silencieux, ayant dit : La volonté de Dieu sera faite !" Si Luc passe autant de temps à nous raconter le dernier voyage de Paul à Jérusalem, il serait peut-être bon que nous sachions exactement ce que veut dire ce verset.

Luc s'est aussi beaucoup étendu sur les événements qui ont précédé le retour de Paul à Jérusalem. Beaucoup de Chrétiens avaient exhorté Paul à ne pas monter à Jérusalem. Le texte nous montre bien que, plusieurs fois, ces Chrétiens ont parlé "par le Saint-Esprit". Après avoir entendu le prophète Agabus, tous ces Chrétiens, devant la détermination de Paul, ont fini par dire : "Que la volonté de Dieu se fasse !" Nous devons donc conclure que cela signifie que Dieu ne voulait pas que Paul aille à Jérusalem.

Cela ne doit pas nous conduire à déconsidérer Paul, ou à ne plus le suivre sur le terrain de la grâce. En fait, cela nous prouve au contraire à quel point la grâce de Dieu a abondé, si nous considérons la possibilité que Paul ait pu désobéir à la volonté parfaite de Dieu, mais que le Seigneur l'ait quand même délivré de ses ennemis, même après qu'il a ignoré les instructions de Dieu. Cette merveilleuse grâce est exactement celle que Paul décrit dans ses épîtres. La capacité de Dieu est plus grande que nos incapacités ! Il corrige nos erreurs par Sa vérité, et nos imprudences par Sa protection. Nos péchés peuvent être lavés par le sang de Jésus. Une telle grâce est réellement merveilleuse. Mais elle représentait un concept intolérable à Jérusalem. L'apôtre de la grâce était haï à Jérusalem.

Paul arrive à Jérusalem.

Nous pouvons imaginer le désir de Paul de se rendre à Jérusalem pour plaider la cause de la grâce devant l'Eglise de Jérusalem, même si Dieu lui avait demandé de ne pas y aller. Paul était "lié par l'Esprit" (Actes 20 :22). Malgré tous les avertissements inspirés de l'Esprit, Paul est allé à Jérusalem, et le Seigneur y est allé avec lui, pour le défendre et le délivrer. Jésus-Christ avait demandé à Paul de parler avec assurance à Corinthe (Actes 18 :9-10). Mais Il lui avait aussi demandé de ne pas aller à Jérusalem. Paul a désobéi au Seigneur, qui, pourtant, ne lui a pas imputé cette désobéissance. Le Seigneur l'a quand même délivré.

Nos espérances, nos rêves et notre compassion peuvent être des choses très puissantes, tout comme notre éducation et notre passé. Tout cela est sans doute intervenu pour expliquer la détermination de Paul à se rendre à Jérusalem. Il pensait qu'il pouvait raisonner avec les Chrétiens de Jérusalem à partir des Ecritures, afin qu'ils comprennent que l'Evangile de la grâce était bien l'Evangile de Dieu, celui que le monde n'avait jamais entendu. Paul pensait que l'Eglise de Jérusalem n'allait pas oser combattre cet Evangile.

Paul a sans doute cru qu'il pouvait conduire les Chrétiens de Jérusalem à la repentance, comme ils avaient accepté les reproches de Pierre, six ou sept ans plus tôt. Pierre leur avait dit : "Pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter ?" (Actes 15 :10). Paul se rendit donc à Jérusalem.

Actes 21 nous raconte ce qui s'est passé. Le verset 17 nous montre que les frères ont d'abord reçu avec joie Paul et ses compagnons. Le lendemain, Paul alla trouver Jacques, et tous les anciens se réunirent chez Jacques à cette occasion. Ce fut une réunion importante et sérieuse.

Paul raconta tout ce que Dieu avait fait par son ministère au milieu des Gentils. Le verset 20 nous dit  : "Quand ils l'eurent entendu, ils glorifièrent Dieu. Puis ils lui dirent…" Qui sont donc ceux qui ont alors parlé ? Il ne s'agissait certainement pas d'un discours appris par cœur et récité à l'unisson ! C'est sans doute Jacques qui a parlé au nom de tous, car il était le chef de l'Eglise de Jérusalem. Paul était allé trouver Jacques. Il n'était pas allé se présenter devant un concile, ni devant les anciens. C'étaient les anciens qui étaient venus se réunir chez Jacques pour voir Paul. Notez aussi qu'aucun des apôtres n'est mentionné, ni parmi ceux qui ont accueilli Paul quand il est arrivé, ni le lendemain chez Jacques.

Jacques dit donc à Paul : "Tu vois, frère, combien de milliers de Juifs ont cru, et tous sont zélés pour la loi" (verset 20). Le mot grec traduit par "milliers" (muriades) devrait plutôt se traduire par "dizaines de milliers". Eusèbe, citant ce verset en l'an 324, a écrit : "Il y avait à Jérusalem des dizaines de milliers de Juifs qui étaient persuadés que Jésus était le Christ de Dieu". La différence entre "milliers" et "dizaines de milliers" est substantielle. Cela nous prouve encore à quel point le Christianisme était répandu à Jérusalem, 27 ans après la Pentecôte. Cela nous montre aussi à quel point la ville de Jérusalem était importante à cette époque. Le même mot grec "muriades" (myriades) est utilisé dans Actes 19 :19, où il est parlé de "cinq myriades" de pièces d'argent, ou encore de "cinquante mille pièces d'argent".

Partout ailleurs, dans le Nouveau Testament, ce mot "muriades" est traduit par "dix mille", notamment dans 1 Cor. 4 :15 : "Car, quand vous auriez dix mille maîtres en Christ…", ou dans 1 Cor. 14 :19 : "Dans l'Eglise, j'aime mieux dire cinq paroles avec mon intelligence, afin d'instruire aussi les autres, que dix mille paroles en langue". Voir aussi Jude 14 et Matthieu 18 :24. Pourquoi donc les traducteurs ont-ils décidé à tort de traduire ce mot par "milliers" dans Actes 21 :20 ? Se peut-il qu'ils aient eu du mal à croire qu'il y ait eu un aussi grand nombre de Juifs convertis à Jérusalem à cette époque ? C'est possible, car ils connaissaient parfaitement le sens de ce mot !

Nous voyons donc clairement que Jacques n'était pas le chef d'une petite Eglise insignifiante ! Puis Jacques ajoute : "Or, ils ont appris que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les païens à renoncer à Moïse, leur disant de ne pas circoncire les enfants et de ne pas se conformer aux coutumes" (verset 21). On ne sait pas comment ils ont appris cela, mais ils le savaient. C'est Jacques, le frère de Jésus, qui parle. Nous ne savons pas si ces "informations" sont correctes ou non. Mais Paul nous apprend dans des épîtres "qu'en Jésus-Christ, ni la circoncision ni l'incirconcision n'a de valeur, mais la foi qui est agissante par la charité" (Galates 5 :6). Comme l'épître aux Galates a été écrite peu après le concile de Jérusalem, cette épître était sans doute connue des membres de l'Eglise de Jérusalem, tout au moins son contenu. Quand nous connaissons les autres épîtres de Paul, il est probable que les "informations" que possédaient les "dizaines de milliers de Juifs de Jérusalem" étaient en grande partie correctes, même si elles avaient été déformées ou mal interprétées !

Ce que Jacques propose à Paul démontre clairement quelles sont ses inquiétudes. Il ne se souciait pas tellement de la sécurité de Paul. Mais il voulait que ce dernier prouve à toute l'Eglise de Jérusalem que ces "informations" étaient fausses. En fait, Jacques voulait remettre Paul sous la Loi, et le placer donc sous son autorité ! Que conseille-t-il à Paul ? "Que faire donc ? Sans aucun doute la multitude se rassemblera, car on saura que tu es venu. C'est pourquoi fais ce que nous allons te dire. Il y a parmi nous quatre hommes qui ont fait un vœu ; prends-les avec toi, purifie-toi avec eux, et pourvois à leur dépense, afin qu'ils se rasent la tête. Et ainsi tous sauront que ce qu'ils ont entendu dire sur ton compte est faux, mais que toi aussi tu te conduis en observateur de la loi" (versets 22-24). En outre, Jacques rappelle à Paul les décisions qu'il avait prises au concile de Jérusalem concernant les Gentils (verset 25).

Le fait que Luc nous dise tout cela en détail nous permet de bien comprendre dans quel état se trouvait l'Eglise de Jérusalem à cette époque. Jacques en était le chef, et cette Eglise comprenait des dizaines de milliers de Juifs convertis, et "zélés pour la Loi". Tous ceux qui avaient averti Paul de ne pas se rendre à Jérusalem connaissaient donc l'importance de cette église, et le fait que Jacques en était le chef.

Pour résumer le récit d'Actes 21, Jacques demande à Paul, au verset 24, d'aller accomplir au Temple l'une des dispositions de la Loi de Moïse, afin que tous sachent que Paul respectait bien cette Loi ! Ce qui est très étonnant, c'est que Paul ait pu faire ce que Jacques lui demandait !

Les conséquences de la proposition de Jacques.

Cette proposition était-elle bonne ? A-t-elle produit des effets positifs ? Absolument pas ! Tous ces Juifs "qui avaient cru", par dizaines de milliers, et qui se trouvaient à Jérusalem pour la fête, ont tout fait pour mettre Paul à mort. Paul ne dut sa vie sauve qu'à l'intervention de Jésus-Christ, et à celle des Romains, quand ils ont appris que Paul était un citoyen romain !

C'est cette même Jérusalem qui avait été visitée par une puissante effusion de l'Esprit, 27 ans auparavant, lors de la même Fête de la Pentecôte ! Dans la vie d'un homme de cinquante ans, une période de 27 ans ne représente pas une longueur de temps excessive ! Il y avait certainement là, dans le Temple, beaucoup de gens qui devaient avoir autour de vingt ans, 27 ans auparavant, et qui avaient entendu les apôtres parler en langues, et "raconter les merveilles de Dieu" ! Ce jour-là, trois mille hommes s'étaient convertis !

La plupart de ces gens étaient devenus adultes au cours des 27 ans qui ont suivi. Ils avaient vu les grandes délivrances dont avait bénéficié Israël pendant toute cette période. Ils avaient vu cette puissante délivrance s'étendre à toutes les nations du monde. Ils étaient jaloux !

Certains devaient même avoir été les témoins de ce qui s'était passé soixante ans auparavant, quand le Roi Hérode avait fait tuer tous les enfants mâles de Bethlehem et de sa région. Ils devaient se rappeler les prophéties de Jean-Baptiste, d'Anne et de Siméon. Bien plus encore, ils devaient se souvenir de tous les miracles accomplis par Jésus-Christ, et du fait que c'était la nation d'Israël qui L'avait fait crucifier.

Beaucoup d'entre eux s'étaient repentis. Ils étaient passés par la nouvelle naissance. Ils avaient reçu une nouvelle nature en Jésus-Christ. Ils avaient même fait des miracles et reçu des guérisons. Comment pouvaient-ils à présent haïr Paul à ce point ? Qui avait répandu cette haine ? N'étaient-ce pas, au moins en partie, les Pharisiens qui avaient cru ? N'était-ce pas, au moins en partie, avec l'approbation de Jacques ?

Actes 21 :27 nous révèle qui étaient ceux qui ont commencé à mettre la ville en ébullition. Il s'agissait des Juifs d'Asie ! Où Paul avait-il exercé son ministère au cours des sept années précédentes ? En Asie ! Où la Parole de Dieu s'était-elle répandue avec puissance ? En Asie !

Ces Juifs d'Asie étaient-ils les seuls à protester ? Formaient-ils un groupe isolé du reste des "Juifs Chrétiens" qui avaient été informés de ce que Paul "enseignait", comme l'avait dit Jacques ? Ils n'étaient sans doute pas les seuls. Le contexte nous montre plutôt qu'ils étaient sous l'autorité de l'Eglise de Jérusalem, dirigée par Jacques, et qu'ils avaient été "informés" de ce que faisait Paul. S'ils n'avaient pas fait partie des "dizaines de milliers" de Juifs qui avaient cru, pourquoi Luc aurait-il fait remarquer que c'étaient des Juifs d'Asie ? Le verset 30 nous apprend qu'ils "émurent" toute la ville. Au verset 31, nous lisons que "Jérusalem était en confusion".

Quelle était donc l'accusation portée contre Paul ? Le verset 28 nous dit : "Voici l'homme qui prêche partout et à tout le monde contre le peuple, contre la loi et contre ce lieu ; il a même introduit des Grecs dans le temple, et a profané ce saint lieu". Paul n'était pas seulement accusé d'avoir introduit des Grecs dans le Temple. Mais il était surtout accusé de "prêcher partout et à tout le monde contre le peuple, contre la loi et contre le Temple". Il y avait manifestement une partie de vérité dans ces accusations, mais pas dans le sens où elles étaient portées. Notez aussi que Paul n'était pas accusé de prêcher la résurrection de Jésus-Christ. Cette accusation n'aurait aucunement troublé les dizaines de milliers de Juifs de Jérusalem qui avaient cru !

La nature de l'Eglise de Jérusalem.

Vingt-sept ans après la mort et la résurrection de Jésus-Christ, il ne semble pas qu'il y ait eu beaucoup de contestation à Jérusalem à ce sujet. Jacques, le frère de Jésus, était le chef incontesté de l'Eglise de Jérusalem. S'il y avait eu un problème à ce sujet, les autorités religieuses auraient pu dire : "Allez donc voir Jacques ! C'est le frère de Jésus, et c'est lui qui dirige cette secte, avec notre bénédiction !"

Il semble clair que le Souverain Sacrificateur et les chefs religieux d'Israël avaient contenu l'Eglise de Jérusalem dans les limites de leur autorité. Ils n'en demandaient pas plus. L'Eglise faisait leur volonté. C'est comme aujourd'hui : "Vous pouvez venir dans notre église, mais vous ne pouvez pas y parler en langues !" Ou : "Vous pouvez vous joindre à notre église, mais vous devez obéir au pasteur, qu'il ait tort ou qu'il ait raison !" Bref, les membres de l'Eglise de Jérusalem étaient "comme des oiseaux libres en cage" ! Après quelque temps, ils s'y sont habitués, et ils n'ont même pas essayé de s'échapper.

Ces gens n'accusaient pas Paul de prêcher la résurrection. Ils l'accusaient de prêcher "contre ce peuple, le "peuple élu de Dieu", Israël ! Quelqu'un a dit : "Pour éviter les souffrances de la persécution, ils se sont servis de l'Evangile pour grossir les rangs du Judaïsme". Ils avaient devant eux deux voies. Ils ont choisi la plus tranquille, au prix de la vérité. Ils ont cherché à être en bons termes à la fois avec Jésus-Christ et avec Ses ennemis ! Les membres du parti de la circoncision étaient en fait les vrais représentants d'un Israël apostat. Ils incarnaient véritablement la dégradation morale et spirituelle dans laquelle avait sombré la nation d'Israël. Les Juifs convertis n'étaient pas une petite minorité en Israël. Ils formaient sans doute la majorité.

Quatre ans plus tard, dans l'épître aux Colossiens, Paul allait écrire : "Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin de Barnabas, au sujet duquel vous avez reçu des ordres (s'il va chez vous, accueillez-le) ; Jésus, appelé Justus, vous salue aussi. Ils sont du nombre des circoncis, et les seuls qui aient travaillé avec moi pour le royaume de Dieu, et qui aient été pour moi une consolation" (Colossiens 4 :10-11).

Dans cette épître, Paul allait aussi dire ce qu'il pensait réellement de l'avis de Jacques concernant l'interdiction faite aux Gentils de ne pas manger de viandes sacrifiées aux idoles : "Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d'une fête, d'une nouvelle lune, ou des sabbats : c'était l'ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ" (Col. 2 :16-17).

Il existe un verset des Evangiles qui éclaire le sujet dont nous parlons. Pendant des années, j'avais lu ce verset de la mauvaise manière. Il s'agit de Matthieu 24 :5 : "Car plusieurs viendront sous mon nom, disant : C'est moi qui suis le Christ. Et ils séduiront beaucoup de gens". J'avais toujours compris ce verset de la manière suivante : "Car plusieurs viendront sous mon nom, disant qu'ils sont le Christ. Et ils séduiront beaucoup de gens".

Mais je crois que ce n'est pas ce que le Seigneur a voulu dire. Le Seigneur nous annonce que beaucoup viendront et diront que Jésus est le Christ, mais qu'ils séduiront pourtant beaucoup de gens. Jésus nous annonce que des séducteurs s'introduiront dans l'Eglise. Paul annonce la même chose, quand il dit : "Je sais qu'il s'introduira parmi vous, après mon départ, des loups cruels qui n'épargneront pas le troupeau, et qu'il s'élèvera du milieu de vous des hommes qui enseigneront des choses pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux" (Actes 20 :29-30).

Paul a aussi écrit à Timothée : "Mais l'Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, pour s'attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons, par l'hypocrisie de faux docteurs portant la marque de la flétrissure dans leur propre conscience, prescrivant de ne pas se marier, et de s'abstenir d'aliments que Dieu a créés pour qu'ils soient pris avec actions de grâces par ceux qui sont fidèles et qui ont connu la vérité" (1 Tim. 4 :1-3). Il est clair que beaucoup sont venus, annonçant que Jésus était le Christ, mais séduisant aussi beaucoup de gens.

Le Livre des Actes nous prouve abondamment que Jacques était l'un de ces séducteurs. Il avait apparemment admis que Jésus était bien le Messie, mais son intention était de mettre les convertis sous le joug de la Loi, et sous sa propre autorité, ainsi que sous l'autorité du Temple et d'Israël. Actes 21 et suivants nous prouvent que cela était bien le cas. Sinon, pourquoi Jacques et les "dizaines de milliers de Juifs qui ont cru" n'ont-ils rien fait pour empêcher le peuple de Jérusalem de vouloir tuer Paul ? Il est difficile d'imaginer que Jacques et ses "dizaines de milliers" de partisans aient été aussi impuissants !

Il a fallu que Paul invoque sa citoyenneté romaine pour sauver sa vie. Cet homme, qui désirait tellement qu'Israël soit sauvé, dont le ministère a été inégalé dans l'Histoire du monde, un Hébreu né d'Hébreux, "irréprochable quant à la loi", cet homme a dû invoquer sa citoyenneté romaine pour sauver sa vie, alors qu'il se trouvait dans le Temple de Jérusalem ! Pour moi, il s'agit de quelque chose d'ahurissant !

Des années plus tard, Paul écrira à Timothée qu'il y a des gens "qui ont une forme de piété, mais qui renient ce qui en fait la force". Il ajoutera : "Eloigne-toi de ces hommes-là !" (2 Tim. 3 :5). En écrivant ces phrases, peut-être que Paul pensait à l'erreur qu'il avait commise en se rendant à Jérusalem !

A Jérusalem, et jusqu'au milieu du Temple, Paul doit faire face à la haine, et l'on incite le peuple à le tuer. L'endroit où l'on veut tuer Paul est significatif ! Le Temple de Jérusalem était le lieu le plus sacré pour les Juifs, et symbolisait parfaitement tout ce à quoi était attachée la nation Juive. Dans Actes 6 :7, nous avons vu "qu'une grande foule de sacrificateurs obéissaient à la foi". Pourtant, Paul dut être arraché du Temple par les autorités romaines, et il dut quitter la ville de nuit, fortement escorté par l'armée romaine.

Les chapitres 21, 22 et 23 d'Actes nous décrivent la haine et le mépris absolus que le peuple de Jérusalem manifestaient contre Paul. Ce furent la même haine et le même mépris qui se manifestèrent lors de la crucifixion de Jésus-Christ, et lors de la lapidation d'Etienne.

Le fait que Paul ait été délivré de la nation d'Israël par les soldats romains me fait penser que Dieu avait mis un terme à l'offre de délivrance qu'Il avait faite à Israël, en tant que nation. Deux cents soldats, soixante-dix cavaliers, et deux cents archers furent mobilisés pour escorter Paul à sa sortie de Jérusalem (Actes 23 :23) ! Cela fait quatre cent soixante-dix soldats, pour assurer la sécurité d'un seul homme, alors que la distance entre Jérusalem et Césarée n'était que de 90 kilomètres !

Paul se défend devant le peuple de Jérusalem.

Actes 22 nous raconte comment Paul s'est défendu, après avoir été secouru dans le Temple par les soldats romains. Paul a été délivré d'une mort certaine par la garnison romaine, qui se trouvait dans la forteresse Antonia. Cette forteresse communiquait avec le Temple. Quand Paul commença à monter les marches qui conduisaient à la forteresse, il demanda au tribun la permission de s'adresser au peuple, ce qui lui fut accordé. Le discours de Paul est très révélateur, et nous permet de mieux comprendre la situation de Jérusalem à cette époque.

N'oublions pas que la ville de Jérusalem était "dans la confusion" et que le peuple avait commencé à battre Paul quand les soldats romains sont arrivés. Le verset 31 nous montre clairement que l'intention du peuple était de tuer Paul. Sans doute parce que l'on avait fait courir la rumeur que Paul avait introduit un Grec dans le Temple, ce qui était une offense punie de mort. Ce n'était toutefois pas la seule raison pour laquelle le peuple voulait tuer Paul. Les chapitres 20 et 21 nous ont déjà montré que les Juifs de Jérusalem haïssaient Paul. Il était très connu à Jérusalem, et les "dizaines de milliers" de Juifs qui avaient cru avaient été "informés" de ce que faisait Paul, avant même qu'il se rende à Jérusalem. Il est aussi très significatif que Luc ne mentionne pas que Jacques, les anciens, ou l'un des "dizaines de milliers de Juifs convertis" soient venus prendre la défense de Paul, ou même intercéder en sa faveur. Là encore, le silence de Luc est assourdissant !

"Paul, debout sur les degrés, fit signe de la main au peuple. Un profond silence s'établit, et Paul, parlant en langue hébraïque, dit : Hommes frères et pères, écoutez ce que j'ai maintenant à vous dire pour ma défense ! Lorsqu'ils entendirent qu'il leur parlait en langue hébraïque, ils redoublèrent de silence " (Actes 21 :40-22 :2). Luc a sans doute été le témoin direct de cette scène (voir 21 :17). Il n'exagère dont pas en disant que la foule était très attentive à ce que dirait Paul. Si nous considérons le fait qu'il pouvait y avoir plus de cent mille personnes sur l'esplanade du Temple (le domaine du Temple couvrait plus de huit hectares), nous réalisons l'importance de cet événement.

Paul commence sa défense en se présentant lui-même, et en disant qu'il avait "été élevé dans cette ville-ci, et instruit aux pieds de Gamaliel dans la connaissance exacte de la loi de nos pères, étant plein de zèle pour Dieu, comme vous l'êtes tous aujourd'hui" (Actes 22 :3). Gamaliel était le disciple et le successeur de Hillel. A l'époque du Nouveau Testament, l'école de Hillel était l'une des principales écoles rabbiniques de Jérusalem. Le fait que Paul rappelle qu'il avait étudié aux pieds de Gamaliel devait avoir un effet sur la foule. Après avoir rappelé qu'il avait "persécuté à mort cette doctrine" (verset 4), il va jusqu'à dire que le Souverain Sacrificateur pourrait en témoigner, comme "tout le collège des anciens" (verset 5). Si aucun autre passage ne montrait que Paul était très connu à Jérusalem, ces versets devraient suffire à le prouver ! Devant une foule haineuse, Paul dit que le Souverain Sacrificateur et tout le collège des anciens pourraient témoigner du fait qu'il persécutait activement l'Eglise, avant sa conversion.

Le reste de la défense de Paul nous permet de mieux connaître comment il s'est converti, sur le chemin de Damas. N'oublions pas que Paul faisait face à une foule furieuse contre lui. En rappelant qu'il était en mission officielle, et qu'il avait été envoyé à Damas par le Souverain Sacrificateur et les anciens, Paul montre bien que c'est Jésus-Christ Lui-même qui a interrompu sa mission, empêchant ainsi Paul d'obéir aux ordres des autorités religieuses. Le fait que ses auditeurs l'aient laissé continuer sans l'interrompre, quand Paul eut mentionné le nom de Jésus-Christ, s'explique par l'existence à Jérusalem de "dizaines de milliers de Juifs qui avaient cru". Cela montre aussi que le peuple ne haïssait pas Paul parce qu'il croyait en Jésus-Christ, ni parce qu'ils n'acceptaient pas que Jésus-Christ soit apparu à Paul sur le chemin de Damas. La foule a laissé Paul parler jusqu'au moment où il a dit que Jésus-Christ l'enverrait vers les nations, c'est-à-dire vers les Gentils (versets 21-22). A partir de ce moment précis, les Juifs ne l'ont plus écouté. "Mais alors ils élevèrent la voix, disant : Ote de la terre un pareil homme ! Il n'est pas digne de vivre. Et ils poussaient des cris, jetaient leurs vêtements, lançaient de la poussière en l'air" (versets 22-23).

Je pose donc la question : "Pourquoi le peuple a-t-il conclu que Paul n'était pas digne de vivre ?" La seule raison évidente, c'est que Paul avait osé déclarer que Jésus-Christ l'avait envoyé vers les Gentils. Ils l'avaient écouté quand il avait dit que le Souverain Sacrificateur et les anciens auraient pu témoigner de ses actions avant sa conversion. Ils l'avaient écouté quand il avait dit qu'il avait rencontré Jésus-Christ sur le chemin de Damas. Ils l'avaient écouté quand il avait dit que Jésus-Christ lui avait envoyé à Damas un disciple nommé Ananias, et qu'Ananias lui avait dit : "Tu lui serviras de témoin, auprès de tous les hommes, des choses que tu as vues et entendues" (verset 15). Ils l'avaient même écouté quand Paul avait dit que Jésus-Christ lui était apparu dans le Temple, pour lui dire : "Hâte-toi, et sors promptement de Jérusalem, parce qu'ils ne recevront pas ton témoignage sur moi".

Mais quand Paul a raconté que Jésus-Christ lui avait dit, dans le Temple : "Va, je t'enverrai au loin vers les nations....", la foule ne l'a plus laissé parler. Elle a crié : "Ote de la terre un pareil homme ! Il n'est pas digne de vivre". Il est clair que la haine de la foule était causée par le fait que Paul annonçait un salut pleinement accordé aux Gentils, sur les mêmes bases que pour les Juifs !

Il est intéressant de lire ce que Paul révèle, à propos de sa "discussion" avec Jésus-Christ dans le Temple. Il a dit au Seigneur : "Seigneur, ils savent eux-mêmes que je faisais mettre en prison et battre de verges dans les synagogues ceux qui croyaient en toi" (Actes 22 :19). Nous savions déjà, par Actes 8 :3, que Paul "pénétrait dans les maisons, en arrachait hommes et femmes, et les faisait jeter en prison". Le texte grec dit : "dans chaque maison", et "dans chaque synagogue". Nous devons donc conclure que Paul visitait toutes les maisons, et toutes les synagogues. Cette déclaration de Paul nous confirme aussi la taille considérable de l'Eglise de Jérusalem, car il devait y avoir des Chrétiens dans chaque synagogue. Les Juifs convertis continuaient donc à fréquenter les synagogues. Ils ne s'étaient pas encore séparés pour ne se réunir que dans les maisons, comme certains le croient. Le fait qu'il y ait encore des "dizaines de milliers" de Juifs convertis à Jérusalem, plus de 25 ans après la Pentecôte, nous prouve que le Christianisme, ainsi que la résurrection de Jésus-Christ, étaient bien acceptés parmi les Juifs de Jérusalem et ceux de la diaspora. C'était la grâce qui n'était pas bien acceptée !

Le problème de fond n'était donc pas celui de l'acceptation du salut en Jésus-Christ. C'était plutôt les conditions dans lesquelles ce salut pouvait être considéré comme acceptable par Israël. L'Eglise de Jérusalem, dirigée par Jacques, le frère de Jésus, semble avoir fini par croire en la supériorité intrinsèque des Juifs sur les Gentils, tandis que l'Eglise représentée par Paul avait clairement pris le parti de la même "nouvelle création" pour tous, qu'ils soient Juifs ou Gentils (voir 1 Cor. 12 :13, Eph. 3 :6, Rom. 3 :9, 9 :24, 10 :4, 12).

Paul est soumis à la question par les soldats Romains.

Le tribun commanda de conduire Paul dans la forteresse Antonia, et de lui donner la question par le fouet, afin de savoir pour quel motif le peuple criait ainsi contre lui (verset 24). Comme il avait permis à Paul de s'expliquer devant la foule, il avait entendu le discours de Paul, mais sans pouvoir encore comprendre pourquoi le peuple avait été rendu furieux à ce point par les paroles de Paul. Le tribun n'était sans doute pas complètement ignorant, en ce qui concernait la religion juive. Il devait aussi savoir qu'il y avait à Jérusalem des "dizaines de milliers de Juifs convertis". Si Paul avait été haï pour la seule raison qu'il était Chrétien, le tribun s'en serait rendu compte, rien qu'en écoutant le discours de Paul. Mais il n'a sans doute pas compris pourquoi la foule avait arrêté Paul à partir du moment où l'apôtre avait dit que Jésus-Christ l'avait envoyé vers les Gentils. De toute manière, il est clair que le tribun n'a pas compris, en écoutant le discours de Paul, quelle était la nature du problème.

Nous ne devons pas oublier non plus que le tribun a dû se remémorer le contenu du discours de Paul, pendant qu'il le faisait lier pour la "question". Il faisait face à un trouble sérieux, et il était responsable du maintien de l'ordre à Jérusalem. Je peux l'imaginer s'asseyant à son bureau, et notant sur son "calepin" les principaux éléments du discours de Paul. Les paroles de Paul lui ont montré que celui-ci avait été fort apprécié par le Souverain Sacrificateur et "tout le collège des anciens". Le tribun a dû en conclure que Paul était très connu, et qu'il avait des "relations". Il avait aussi compris que Paul avait un jour "perdu la confiance des autorités". Paul exécutait leurs ordres quand il a été interrompu par un certain Jésus-Christ. Pour le tribun, il s'agissait sans doute là de l'une des "superstitions juives". En constatant que le tumulte avait éclaté au moment où Paul avait dit que Jésus-Christ l'envoyait vers les Gentils, le tribun a dû penser que, décidément, ces Juifs étaient incompréhensibles, car ils essayaient toujours de transformer les Gentils en "prosélytes". Pourquoi avaient-ils été aussi déchaînés quand Paul leur avait dit que Jésus-Christ l'envoyait vers les Gentils ? Le tribun ne le comprenait pas.

Nous pouvons donc imaginer que le tribun était fort embarrassé quant à déterminer la cause d'un tel trouble. Nous pouvons nous rappeler les paroles de Paul, qui s'appliquent parfaitement au tribun : "Mais l'homme animal ne reçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge" (1 Cor. 2 :14). Le tribun n'était, bien évidemment, ni Juif ni Chrétien. Il ne pouvait donc pas comprendre la raison d'une telle haine envers "l'apôtre de la grâce", de la part de tous ceux qui étaient tellement "zélés pour la loi" !

Nous voyons ensuite que le tribun, apprenant que Paul était citoyen romain, "fut dans la crainte" parce qu'il avait fait lier Paul pour le soumettre au fouet. Là encore, cette expression ("fut dans la crainte") concerne un homme qui devait être courageux. Nous avons déjà vu, dans Galates 2 :2, que Pierre avait craint ceux qui venaient de l'Eglise de Jérusalem. Cela ne veut pas dire que ce tribun était un lâche. Mais il était formellement interdit par la loi romaine de lier et de fouetter un citoyen romain avant de l'avoir jugé. Le tribun venait aussi de réaliser que la foule avait été sur le point de "lyncher" un citoyen romain, ce qui aurait été extrêmement grave, et qui aurait pu déclencher une guerre totale de la part de Rome ! Car Paul avait impliqué directement le Souverain Sacrificateur et tout le collège des anciens dans ce problème.

Paul est confronté au Sanhédrin.

Dans Actes 22 :30, nous apprenons que, le lendemain, le tribun veut "aller au fond des choses", et convoque le Sanhédrin. Cela nous prouve que ce n'était pas Paul qui devait s'expliquer devant le Sanhédrin, mais c'était le Sanhédrin qui devait s'expliquer devant le tribun. Paul est conduit à cette rencontre sans être lié. C'était un citoyen romain, et il n'était pas mené devant le Sanhédrin en tant qu'accusé. Le tribun voulait savoir ce qui avait provoqué l'émeute de la veille. Il est clair qu'il n'avait pas encore établi sa conclusion, et qu'il restait ouvert au fait que Paul pouvait n'avoir rien à se reprocher, et que c'était le peuple de Jérusalem qui pouvait être à blâmer.

Les dix premiers versets d'Actes 23 décrivent la réunion convoquée par le tribun. Paul commence par dire : "Hommes frères, c'est en toute bonne conscience que je me suis conduit jusqu'à ce jour devant Dieu..." En d'autres termes, Paul affirme qu'il n'est pas responsable de l'émeute de la veille. Les versets suivants pourraient nous laisser penser que c'est le Souverain Sacrificateur qui contrôle la réunion. Toutefois, nous ne devons pas oublier que cette rencontre avait été convoquée par le tribun, qui y assistait personnellement, pour tirer les choses au clair. Cela nous permet de comprendre pourquoi le Souverain Sacrificateur a fait frapper Paul sur la bouche. Car Paul, en se proclamant innocent, implique que les vrais responsables de cette émeute étaient le Souverain Sacrificateur et ses agents. Le Souverain Sacrificateur s'est donc empressé de prouver au tribun que Paul avait tort, d'une manière qui semble plutôt hors de propos.

La réaction de Paul au coup qu'il a reçu semble également hors de propos, compte tenu de la nature de cette réunion. Paul dit : "Dieu te frappera, muraille blanchie ! Tu es assis pour me juger selon la loi, et tu violes la loi en ordonnant qu'on me frappe !" (verset 3). Cette réunion prend la tournure d'une empoignade, alors qu'elle devait être une simple procédure d'enquête judiciaire. L'expression employée par Paul nous rappelle celle que Jésus avait utilisée en s'adressant aux Pharisiens : "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au dehors, et qui, au dedans, sont pleins d'ossements de morts et de toute espèce d'impuretés" (Matthieu 23 :27).

Les "frères" qui assistaient à cette confrontation ont été très surpris par l'attaque frontale de Paul à l'encontre du Souverain Sacrificateur. Ils disent à Paul : "Tu insultes le souverain sacrificateur de Dieu !" (verset 4). Nous ne savons pas exactement qui étaient ces "frères". Toutefois, la veille, Paul, s'adressant à la foule, avait dit : "Hommes frères et pères, écoutez ce que j'ai maintenant à vous dire pour ma défense !" Les "hommes" devaient être les Israélites, les "frères" devaient être les Juifs convertis qui étaient "zélés pour la loi", et les "pères" devaient être les anciens du peuple. Si cela était bien le cas, les "frères" auquel Paul s'adresse au verset 5 sont peut-être des Chrétiens de l'Eglise de Jérusalem, qui étaient scandalisés de voir Paul s'adresser ainsi au Souverain Sacrificateur.

Si mon hypothèse est juste, on comprend mieux la réponse de Paul : "Je ne savais pas, frères, que ce fût le souverain sacrificateur ; car il est écrit : Tu ne parleras pas mal du chef de ton peuple" (verset 5). Je crois que Paul savait très bien qu'il s'agissait du Souverain Sacrificateur, car il lui avait dit : "Tu es assis pour me juger selon la loi, et tu violes la loi en ordonnant qu'on me frappe !" Paul ne semble donc pas présenter des excuses. Il semble plutôt montrer aux "frères" qu'Ananias n'était absolument plus le Souverain Sacrificateur légitime, mais que c'était Jésus-Christ qui l'était, et que c'était Ananias qui "parlait mal" de Jésus-Christ.

L'épître aux Hébreux a été écrite vers la même époque que l'épître aux Galates, peu après le concile de Jérusalem, en l'an 49. Nous pouvons donc penser que les Chrétiens de l'Eglise de Jérusalem connaissaient le contenu de l'épître aux Hébreux. Les "frères" présents pouvaient donc penser que Paul leur rappelait que le seul véritable Souverain Sacrificateur, selon l'ordre de Melchisédech, était Jésus-Christ, et non Ananias.

Il y avait eu quinze Souverains Sacrificateurs au cours des trente-six premières années de l'Eglise, avant la guerre avec Rome, qui commença en l'an 66. Aucun d'entre eux n'était digne d'être comparé à Jésus-Christ ! Le Seigneur était à présent Souverain Sacrificateur pour toujours, selon l'ordre de Melchisédech. Comme Jésus-Christ était ressuscité des morts et comme, selon la Loi Juive, le Souverain Sacrificateur était nommé à vie, c'était manifestement Jésus-Christ qui était le vrai Souverain Sacrificateur, et non Ananias ! Les riches familles des Sadducéens avaient pris l'habitude d'acheter cette fonction auprès des Romains, ce qui l'avait complètement déconsidérée. Beaucoup de Pharisiens auraient compris ce que voulait dire Paul, même sans être disciples de Jésus-Christ.

Il est intéressant de lire le récit du reste de cette réunion. Paul réussit à diviser le Sanhédrin, en déclarant qu'il était Pharisien, et qu'il était "mis en jugement à cause de l'espérance de la résurrection". Je peux imaginer que le Seigneur Jésus ait soufflé à Paul : "Paul, tu as l'occasion d'appliquer un peu la stratégie de "diviser pour régner" !" Il est certain que Paul devait bien connaître la composition du Sanhédrin. Il comprit donc qu'il pouvait en tirer parti.

De toute manière, les Pharisiens et les Sadducéens commencèrent à se disputer violemment, et Paul dut à nouveau être secouru par le tribun et les soldats romains. Il est intéressant de voir que les Pharisiens se sont rangés du côté de Paul, en disant : "Nous ne trouvons aucun mal en cet homme ; peut-être un esprit ou un ange lui a-t-il parlé" (verset 9). Cela nous prouve aussi à quel point l'Eglise devait être importante à Jérusalem. Le fait que les Pharisiens avouent : "Nous ne trouvons aucun mal en cet homme", est hautement significatif, car Paul était très connu depuis longtemps. Toutefois, ce soutien des Pharisiens fut de courte durée, comme nous le montre la suite du Livre des Actes. Mais cela a permis tout de même au tribun de comprendre l'origine du problème. Ce problème n'était pas dû à des actes commis par Paul, mais plutôt aux actes commis par ses adversaires à Jérusalem.

Nous pouvons aussi remarquer que la "rumeur" selon laquelle Paul aurait introduit un Grec dans le Temple n'a pas été soulevée au cours de cette réunion. Les accusateurs de Paul n'avaient sans doute pas réussi à produire des témoins. Sinon, ils l'auraient fait, car c'était une raison valable pour mettre Paul à mort. L'introduction d'un Gentil dans le Temple était l'un des seuls cas (et peut-être même le seul), pour lequel les autorités romaines permettaient au Sanhédrin d'appliquer directement la peine capitale.

Paul réussit donc à faire déplacer le débat. Il ne s'agissait plus d'un problème relatif à la loi, mais de "l'espérance de la résurrection". Là encore, nous devons tirer la conclusion que la résurrection de Jésus-Christ était un fait accepté par beaucoup à Jérusalem, et que ce n'était pas pour cette raison que Paul était haï. Les Pharisiens et les Sadducéens s'opposaient sur le thème de la résurrection bien avant la venue de Jésus-Christ. Le combat dans lequel Paul était impliqué était bien celui de la loi contre la grâce. Je ne peux résister aussi à la possibilité d'évoquer la présence possible de Jacques, le frère du Seigneur, à cette réunion du Sanhédrin. Peut-être faisait-il partie des "frères" auxquels Paul s'adressait. Si Jacques était bien le chef d'une Eglise qui comportait des "dizaines de milliers de Juifs convertis", ce fait devait être connu du tribun, qui aurait très bien pu convoquer Jacques à la réunion du Sanhédrin.

Le fait le plus significatif, à propos de cette réunion, c'est que Luc en ait parlé dans le Livre des Actes. Il ne s'agit pas d'un procès. La violence éclate dès la première phrase de Paul, apparemment inoffensive. Luc devait penser à quelque chose en relatant cette réunion. Car elle montre très clairement qu'il existait, au sein de la haute société de Jérusalem, un violent conflit concernant Paul et ce qu'il enseignait. Il ne semble pas que ni Jacques, ni les "dizaines de milliers de Juifs qui avaient cru, aient fait l'objet d'un conflit semblable à Jérusalem. Jacques habitait pourtant depuis longtemps dans cette ville. Il y avait donc une différence majeure entre les personnalités et les enseignements de Jacques et de Paul. Si nous croyons que la position de Paul était juste, car il défendait le salut pour tous par grâce, nous devons en conclure que la position de Jacques était mauvaise. Au mieux, il avait caché le salut par grâce, afin d'éviter des problèmes. Au pire, il pouvait très bien faire partie de ceux qui voulaient tuer Paul.

Jésus-Christ délivre Paul et l'éloigne de Jérusalem.

Dans Actes 23 :11, nous voyons que le Seigneur est apparu à Paul au cours de la nuit suivante, et lui a dit : "Prends courage ; car, de même que tu as rendu témoignage de moi dans Jérusalem, il faut aussi que tu rendes témoignage dans Rome". Certains diront que le fait que Jésus apparaisse à Paul à Jérusalem prouve que Paul était bien dans la volonté de Dieu en se rendant à Jérusalem. Toutefois, en considérant ce dont nous avons déjà parlé, il est clair que Paul n'aurait pas dû aller à Jérusalem. La phrase employée par Jésus semble confirmer notre conclusion que Paul n'aurait pas dû aller à Jérusalem. En fait, Jésus lui dit ceci : "Parce que tu as témoigné de moi à Jérusalem, il faut aussi que tu rendes témoignage dans Rome". Jésus ne donne donc pas à Paul l'ordre de se rendre à Rome, mais l'encourage dans sa prison, et lui révèle que son emprisonnement le conduira à Rome.

Paul avait toujours dit, en se rendant à Jérusalem, qu'il était prêt à y mourir s'il le fallait. Peut-être pensait-il qu'il allait mourir, quand Jésus lui est apparu cette nuit-là. Dans ce cas, les paroles de Jésus ont dû effectivement encourager Paul. Si j'ai bien eu raison de dire que Paul n'aurait pas dû aller à Jérusalem, le fait que Jésus lui apparaisse ne peut que confirmer cette vérité révélée par Hébreux 13 :5 : "Car Dieu lui-même a dit : Je ne te délaisserai point, et je ne t'abandonnerai point".

C'était ce même message de grâce que Paul prêchait, et que l'Eglise de Jérusalem ne pouvait pas accepter. Il est impossible d'accepter la grâce inconditionnelle de Dieu, si l'on croit en même temps qu'il faut remplir des conditions pour mériter la faveur de Dieu ! Le fait que Jésus-Christ apparaisse à Paul à Jérusalem, après lui avoir dit de ne pas aller à Jérusalem, montre clairement que Ses voies ne sont pas les nôtres, et que Ses pensées ne sont pas non plus les nôtres (Romains 11 :33-35). Dieu continuera d'être avec nous, même si nous ne faisons pas toujours Sa volonté parfaite. C'est le point crucial du conflit entre la loi et la grâce. La loi affirme que Jésus-Christ nous abandonnera si nous péchons. La grâce affirme que Jésus-Christ ne nous abandonnera et ne nous délaissera jamais, afin que nous puissions affirmer avec hardiesse : "Le Seigneur est mon aide, je ne craindrai rien ; que peut me faire un homme ?" (Hébreux 13 :6).

Paul savait certainement que rien ne pourrait le séparer de l'amour de Dieu (Romains 8 :35-39). Cela dit, nous pouvons peut-être penser que la visite de Jésus-Christ à Paul pouvait comporter un peu d'humour. Nous pouvons très bien imaginer Jésus-Christ venant visiter Paul, et lui donnant une petite tape sur l'épaule, en lui disant : "Courage, Paul ! Tu voulais venir à Jérusalem et témoigner de Moi ? Eh bien, tu l'as fait ! Ce n'était pas si grave ! Ne t'inquiète pas si tant de gens veulent te tuer ici, et font même des plans pour te tuer ! A présent, nous allons à Rome !" Et nous pouvons imaginer Paul lui répondre : "Je suis vraiment heureux que tu aies le sens de l'humour, Seigneur ! Parce que les choses commençaient vraiment à mal tourner !" Et nous pouvons aussi imaginer Paul dire à Jésus, en quittant la ville de nuit : "Pas mal, Seigneur, l'escorte que tu m'as choisie !" Après tout, quatre cent soixante-dix soldats romains, ce n'était pas mal pour escorter un seul homme !

Voilà pour le voyage de Paul à Jérusalem. Il ne semble pas avoir abouti à grand chose, si ce n'est faire bouillir la marmite un peu plus. Cela n'a pas changé l'état d'esprit de l'Eglise de Jérusalem, ni d'Israël en tant que nation. Est-ce que Dieu en a voulu à Paul pour être allé à Jérusalem ? Non ! Paul avait été clairement averti de ce qui lui arriverait s'il y allait. Après y être allé, Dieu l'a quand même secouru et lui a permis d'en partir entier !

Dans Actes 22 :17-21, Paul parle d'une précédente visite à Jérusalem, et d'une "discussion" semblable qu'il avait déjà eue avec le Seigneur, qui lui était apparu dans le Temple. Jésus-Christ lui était apparu pour lui dire, en gros : "Dépêche-toi ! Sors de la ville immédiatement ! Car ils ne recevront pas ton témoignage sur Moi !" La dernière visite de Paul à Jérusalem fut comme la précédente : ils n'ont pas reçu son témoignage concernant Jésus-Christ !

La fin du Livre des Actes nous raconte le voyage mouvementé de Paul jusqu'à Rome, et son emprisonnement dans cette ville pendant deux ans. Nous y voyons Paul bénéficiant d'une certaine liberté, puisqu'il a pu louer une maison, dans laquelle il pouvait recevoir tous ceux qui voulaient le visiter. Il les enseignait en ce qui concernait le Royaume de Dieu et Jésus-Christ, "en toute liberté et sans obstacle", selon les derniers mots du Livre des Actes.

C'est la grâce qui triomphe de la loi ! Même prisonnier, Paul pouvait proclamer l'Evangile "en toute liberté et sans obstacle". Ce qu'il n'avait pas pu faire à Jérusalem, il pouvait le faire librement à Rome, alors qu'il était prisonnier ! C'est aussi à Rome, pendant la même période, qu'il écrivit les épîtres aux Ephésiens, aux Philippiens, aux Colossiens et à Philémon. Ces épîtres ont apporté une merveilleuse lumière aux Chrétiens de tous les temps.

Nous ne savons pas avec certitude ce que Paul a fait après son emprisonnement à Rome. Nous savons que Paul a défendu lui-même son dossier directement devant Néron. Car un ange de Dieu lui avait dit : "Paul, ne crains point ; il faut que tu comparaisses devant César" (Actes 27 :24). Nous pouvons penser que Paul fut jugé à la fin de ses deux années d'emprisonnement, et qu'il fut acquitté. Car le Livre des Actes se termine d'une manière abrupte. Si Paul avait été exécuté à ce moment-là, Luc aurait certainement mentionné ce fait. Ou alors, Luc aurait rédigé le Livre des Actes dans le but précis de servir à la défense de Paul devant Néron. Dans ce cas, le Livre des Actes ne pouvait que finir avant le procès de Paul devant César. Il serait intéressant de vérifier ces hypothèses en faisant des recherches complémentaires. Ce que l'on peut savoir, c'est que le Christianisme était considéré comme faisant partie du Judaïsme, avant la comparution de Paul devant Néron. Après cette comparution, il semble que ce ne soit plus le cas : le Christianisme commença à être perçu comme distinct. Si l'objectif de Luc, en écrivant les Actes, était non seulement de relater le conflit entre la loi et la grâce, mais aussi de préparer un "dossier de défense" de Paul devant César, il est très intéressant de penser que Paul ait pu être acquitté par Néron sur la base du témoignage donné par le Livre des Actes !

Si Luc n'a pas écrit ce Livre pour la défense de Paul devant Néron, la fin abrupte des Actes semble signifier que Paul a été acquitté. Si Paul avait été condamné et exécuté, il aurait été impossible de le cacher aux lecteurs du Livre des Actes. Une telle omission aurait discrédité tout le travail de Luc, s'il avait achevé son Livre sur une note positive, alors que Paul aurait été tué.

Certains disent que Paul aurait été emprisonné à nouveau en l'an 68. S'il a bien été relâché en 62, il a pu se rendre en Espagne, comme il le souhaitait (Romains 15 :24-28). Où qu'il ait été, nous pouvons être certains qu'il a continué à annoncer la grâce de Dieu ! Parmi tous ses enseignements, aucun ne surpasse ce mystère tenu secret depuis la fondation du monde, et maintenant révélé, que les Gentils étaient co-héritiers avec les Juifs, et que tous ceux qui accepteraient Jésus-Christ comme leur Seigneur, Juifs et Gentils, recevraient une nouvelle nature, qui n'est autre que "Christ en nous, l'espérance de la gloire" !