A261. Les deux voies de l'Eglise primitive (10).

Par David A. Anderson. L'original peut être consulté en anglais à l'adresse suivante :

http://www.en.com/users/anders/chapter2.html

Reproduction de la traduction française autorisée, pourvu qu’elle soit intégrale, et que les sources soient indiquées. Publié originellement en anglais en 1997, revu et corrigé en 1999. Adresse de l'auteur : David A. Anderson, 924 Richmond Road, Lyndhurst, OHIO 44124 (USA). E-mail : anders@en.com

Nous publions ici, sous forme d'une série d'articles, et avec l'accord de l'auteur, un livre écrit par David Anderson. Ce livre nous semble éclairer particulièrement bien le conflit qui existait au sein de l'Eglise primitive entre la loi et la grâce, les partisans de la loi étant conduits par Jacques, le frère du Seigneur, et ceux de la grâce par l'apôtre Paul. Ce livre est parfaitement d'actualité, car le même conflit peut toujours être observé dans l'Eglise aujourd'hui. Il continue d'opposer ceux qui marchent selon la chair et ceux qui marchent selon l'esprit. La publication complète de cet ouvrage s'étalera sur plusieurs semaines, d'autres articles pouvant aussi être publiés en même temps.

Chapitre 9 : La loi cède la place à la grâce.

"Vous êtes séparés de Christ, vous tous qui cherchez la justification dans la loi ; vous êtes déchus de la grâce. Pour nous, c'est de la foi que nous attendons, par l'Esprit, l'espérance de la justice. Car, en Jésus-Christ, ni la circoncision ni l'incirconcision n'a de valeur, mais la foi qui est agissante par la charité" (Galates 5 :4-6).

Une délivrance implique l'existence de quelque chose dont on a été délivré. Paul demande aux Chrétiens de Rome de prier pour qu'il soit "délivré des incrédules de la Judée, et que les dons que je porte à Jérusalem soient agréés des saints" (Rom. 15 :31). Il demande aux Chrétiens de Thessalonique de prier "afin que nous soyons délivrés des hommes méchants et pervers ; car tous n'ont pas la foi" (2 Thes. 3 :2). Et il dit à Timothée : "J'ai été délivré de la gueule du lion" (2 Tim. 4 :17).

Dans 2 Corinthiens 11 :23-28, Paul, se comparant à ceux qui se faisaient passer à Corinthe pour des ministres de Christ, écrit : "Sont-ils ministres de Christ ? Je parle en homme qui extravague. Je le suis plus encore : par les travaux, bien plus ; par les coups, bien plus ; par les emprisonnements, bien plus. Souvent en danger de mort, cinq fois j'ai reçu des Juifs quarante coups moins un, trois fois j'ai été battu de verges, une fois j'ai été lapidé, trois fois j'ai fait naufrage, j'ai passé un jour et une nuit dans l'abîme. Fréquemment en voyage, j'ai été en péril sur les fleuves, en péril de la part des brigands, en péril de la part de ceux de ma nation, en péril de la part des païens, en péril dans les villes, en péril dans les déserts, en péril sur la mer, en péril parmi les faux frères. J'ai été dans le travail et dans la peine, exposé à de nombreuses veilles, à la faim et à la soif, à des jeûnes multipliés, au froid et à la nudité. Et, sans parler d'autres choses, je suis assiégé chaque jour par les soucis que me donnent toutes les Eglises".

Dans 2 Corinthiens 12, Paul parle de son "écharde dans la chair", et dit qu'il s'agit d'un "ange" de Satan, qui représentait aussi tous les "messagers de Satan" chargés de "souffleter" Paul en permanence. Mais il est prêt à tout accepter, à cause de la gloire de Dieu qui l'accompagne également. Au verset 9, la réponse de Dieu implique que Paul doit accepter la souffrance pour manifester la puissance de Christ. L'apôtre est même prêt à se glorifier "dans les faiblesses, dans les outrages, dans les calamités, dans les persécutions, dans les détresses, pour Christ ; car, quand je suis faible, c'est alors que je suis fort" (verset 10).

Il est certain que Paul a dû payer un prix bien plus élevé que la plupart de ceux qui ont le privilège d'annoncer la Parole de Dieu. Il a été délivré de toutes ses afflictions, mais la loi n'a pas facilement cédé la place à la grâce ! Beaucoup de livres merveilleux ont été écrits sur l'apôtre Paul. On y raconte ses voyages, son travail inlassable, les persécutions qu'il a endurées. Ces livres permettent de mieux comprendre un tel homme qui, en tant que serviteur de Jésus-Christ, n'a pas eu d'égal à son époque, ni sans doute à aucune autre époque.

Pourtant, ces livres ne parlent pas beaucoup des persécutions dont Paul a été l'objet de l'intérieur de l'Eglise. Jacques, le frère de Jésus, ne semble pas être soupçonné d'avoir été l'un des responsables de ces persécutions, bien qu'il ait occupé le premier rang au sein de l'Eglise de Jérusalem, pendant tout le temps où Paul était persécuté. Jacques a vécu à Jérusalem depuis le début de l'Eglise, et il y est resté environ vingt ans, jusqu'à ce qu'il devienne le chef de l'Eglise de Jérusalem. Pourtant, nous ne voyons aucun indice, dans le récit de Luc, montrant que Jacques ait été lui-même persécuté, alors que Paul a dû souffrir de nombreuses persécutions tout au long de son ministère auprès des Gentils.

Dans 2 Cor. 11, juste avant le passage que je viens de citer, Paul identifie clairement ses antagonistes de Corinthe comme "des faux apôtres, des ouvriers trompeurs, déguisés en apôtres de Christ" (verset 13). Au verset 22, il précise que ce sont des Hébreux, et même des "ministres de Christ" (verset 23). D'après ce que nous savons de Jacques, auquel le Seigneur avait dit que "le monde ne pouvait pas le haïr", nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que ces "Hébreux ministres de Christ" qui s'opposaient à Paul ne pouvaient être que des représentants de Jacques.

Il faudrait étudier plus en profondeur tout le thème des persécutions de Paul. Mais il suffit de dire que la loi n'a pas cédé facilement le terrain à la grâce, que ce soit au sein de l'Eglise de Jérusalem ou dans le reste du Judaïsme. Il est vrai que Paul a été aussi persécuté par des Gentils. Mais ces persécutions ne semblent pas avoir été aussi violentes que celles qui provenaient des Juifs. Comme pour les Juifs, les persécutions de la part des Gentils semblaient provenir plutôt de l'intérieur de l'Eglise que de l'extérieur. Arracher les Gentils de la licence et de l'impureté, pour les conduire à la grâce, devait être un travail aussi harassant que d'arracher les Juifs de la loi, pour les conduire également à la grâce ! Mais la gloire de vivre dans la grâce de Dieu valait certainement la peine de déloger l'ennemi de toutes ses forteresses ! Et Satan disposait de nombreux "messagers", à la fois dans le camp de la licence, et dans celui de la loi !

Les Chrétiens devaient choisir.

Le concile de Jérusalem s'est passé environ 19 ans après la Pentecôte. A l'époque du concile, les œuvres de Jésus-Christ avaient été amplement démontrées, et beaucoup de témoins oculaires, qui avaient vu les œuvres de Christ et écouté Ses paroles, étaient encore en vie. Jésus avait dit, dans Matthieu 28 :18 : "Tout pouvoir m'a été donné dans les cieux et sur la terre". Cela avait été largement démontré au monde entier, par les signes, les prodiges et les miracles accomplis, tout au long de ces vingt ans, par un nombre de plus en plus grand de Chrétiens.

Nous avons déjà vu, dans Actes 15, que des hommes venus de Judée à Antioche, enseignaient que les Gentils convertis ne pouvaient être sauvés, à moins d'être circoncis "selon le rite de Moïse". Les conséquences de cet enseignement furent cataclysmiques. Il s'agissait s'un assaut frontal contre la grâce, et ce fut une guerre totale. Paul et Barnabas firent face hardiment et sans hésitation à cette attaque, et il en résulta une vive discussion (Actes 15 :2). Jésus-Christ avait littéralement déversé Sa puissance d'en haut, et accordé la nouvelle naissance et le Saint-Esprit aux Gentils. Le combat était engagé sur le fait de savoir si les Gentils allaient persévérer dans la grâce de Dieu, ou s'ils allaient être placés sous le joug de la loi.

Les nouveaux convertis devaient choisir s'ils allaient servir directement Jésus-Christ comme Seigneur, ou s'ils allaient Le servir en passant par un intermédiaire, Jacques, le frère du Seigneur. Pierre, Paul, Barnabas et d'autres firent le premier choix. Jacques, les hommes qui étaient venus de Judée à Antioche, et tous ceux qui appartenaient à la secte des Pharisiens et qui avaient cru (Actes 15 :5), ainsi que d'autres encore, firent le second choix.

Parmi eux tous, seul Paul a vu clairement qu'il était absolument impossible de faire un compromis. Il déclara, après le concile de Jérusalem : "Nous ne leur cédâmes pas un instant et nous résistâmes à leurs exigences, afin que la vérité de l'Evangile fût maintenue parmi vous" (Galates 2 :5). Et il ajouta : "Ceux qui sont les plus considérés, quels qu'ils aient été jadis, cela ne m'importe pas : Dieu ne fait point acception de personnes, ceux qui sont les plus considérés ne m'imposèrent rien" (Galates 2 :6). Il prit même Tite avec lui, comme un exemple de sa détermination, et Tite retourna à Antioche sans avoir été obligé de se faire circoncire (Galates 2 :3). Tout ce que Paul a fait et écrit au cours des 20 années suivantes démontre qu'il est resté fidèle à la grâce. Il ne pouvait pas accepter de compromis.

Le choix était clair : persévérer dans la grâce de Dieu (Actes 13 :43), ou déchoir de la grâce (Galates 5 :4).

Le Juge suprême de ce conflit était Celui qui avait reçu "toute autorité dans le ciel et sur la terre", Jésus-Christ. Il avait déjà donné Son verdict : "Nul serviteur ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l'un et aimera l'autre ; ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon" (Luc 16 :13).

Il ne s'agissait pas d'une contestation mineure. Il ne s'agissait pas d'un simple jeu, avec des spectateurs qui regardent deux équipes s'affronter. Il s'agissait d'une guerre ! Dans une guerre, il n'y a qu'une seule règle : survivre ! Si Jésus-Christ n'avait pas régné dès le début de l'Eglise, il n'y aurait eu aucun survivant dans Son Eglise ! Mais Il régnait effectivement ! Nous verrons dans la deuxième moitié des Actes que Son règne a été aussi glorieux que lors de l'effusion de Son Esprit, dès le jour de la Pentecôte. Dans Luc 16 :13, Mammon est le nom du dieu de l'argent. Jésus-Christ a dit que nous ne pouvions servir Dieu et l'argent. Mammon désigne aussi tout ce que l'argent peut rapporter : le prestige, la puissance, la reconnaissance des autres, la faveur des hommes, la domination sur les autres, l'orgueil de l'homme. Bref, Mammon désigne toute utilisation égoïste et orgueilleuse de l'argent. Soit nous aimons Dieu, soit nous aimons l'argent. L'amour de l'argent est une racine de tous les maux (1 Tim. 6 :10). L'amour de Dieu est la racine de toutes les bénédictions (Actes 17 :28). Si nous aimons Dieu, c'est parce que nous avons compris qu'Il nous a aimés le premier (Rom. 5 :5-8 ; 1 Jean 4 :19). Soit nous aimons Dieu et nous vivons dans tout ce que cela implique, soit nous aimons l'argent et nous vivons aussi dans tout ce que cela implique. Nous sommes esclaves de celui à qui nous obéissons (Rom. 6 :16).

La guerre que nous voyons clairement engagée dans Actes 15 :1, 2 avait déjà commencé depuis quelque temps. Si nous nous rappelons ce que nous avons déjà étudié, nous voyons que cette guerre avait déjà commencé dès Actes 5 :1, lors de l'affaire d'Ananias et de Saphira. Il ne s'agissait pas d'une guerre entre des Chrétiens et des non-Chrétiens. Il ne s'agissait pas de la guerre mentionnée par Pierre dans Actes 4 :25-27, quand il dit que les rois de la terre se sont ligués contre le Seigneur et contre Son Christ. Tous ces gens n'ont rien pu faire, nous l'avons vu. Les apôtres étaient plus populaires que les chefs politiques et religieux de l'époque.

La guerre dont nous parlons se déroulait à l'intérieur de l'Eglise. C'était une guerre de subversion, d'intrigues et de manœuvres subtiles. C'était une guerre entre des factions internes à l'Eglise. Il se peut qu'elle ait été alimentée et encouragée par des ennemis extérieurs, mais les protagonistes principaux appartenaient à l'Eglise. L'enjeu de cette guerre était la victoire de la loi, ou celle la grâce. La stratégie des partisans de la loi était de diviser pour conquérir.

Le mot "circoncision" dans le Livre des Actes.

Après l'affaire d'Ananias et de Saphira, il y eut les "murmures" d'Actes 6 :1, qui étaient causés par un problème d'argent. Puis Etienne fut mis à mort dans Actes 7. C'est à ce moment-là que le Livre des Actes parle pour la première fois de la "circoncision". C'est un mot très révélateur. Il est très intéressant d'étudier dans le Livre des Actes qui a employé ce mot, et qui ne l'a pas employé.

Dans tout l'Ancien Testament, le mot "circoncision", avec tous ses dérivés, est employé trente fois, quatorze fois dans le Livre de la Genèse, à propos des instructions données par Dieu à Abraham. En dehors de la Genèse, ce mot n'est employé que seize fois dans tout l'Ancien Testament.

Dans les Evangiles, le mot "circoncision" n'est utilisé que par Luc (2 fois) et Jean (2 fois). Dans Luc, il s'agit des circoncisions de Jean-Baptiste et de Jésus. Dans Jean, c'est Jésus qui mentionne le fait de pratiquer la circoncision le jour du sabbat, quand on Lui reproche de faire des guérisons le jour du sabbat.

Dans ses épîtres, Paul parle 40 fois de "circoncision", bien plus donc que dans tout l'Ancien Testament. L'épître aux Hébreux ne parle pas de circoncision, ni dans tout le reste du Nouveau Testament, à l'exception du Livre des Actes, où il est employé neuf fois, la première fois dans Actes 7, à propos de la circoncision d'Abraham.

La seconde fois où ce mot est employé dans le Livre des Actes se trouve dans Actes 10 :45, quand Luc raconte ce qui s'est passé dans la maison de Corneille. Il parle des six témoins qui accompagnaient Pierre, et qui étaient "des fidèles circoncis". Il s'agissait donc d'un groupe de Juifs convertis. Le contexte montre clairement qu'il ne s'agissait pas de Juifs non-convertis, mais de membres sans doute très respectés de l'Eglise de Jérusalem. A l'époque, tous les premiers Chrétiens étaient des Juifs convertis.

Nous retrouvons ce mot employé dans Actes 15 :1, à propos des hommes venus de Jérusalem à Antioche, et qui prêchaient la circoncision des Gentils. En fait, ils voulaient aussi que les Gentils respectent toute la loi de Moïse. Les hommes qui enseignaient cette doctrine venaient de la part de Jacques, et appartenaient à l'Eglise de Jérusalem.

Ce mot est à nouveau utilisé dans Actes 15 :5, lorsque les Pharisiens convertis exigent que les Gentils soient circoncis et respectent la loi. Ce mot est ensuite répété dans Actes 15 :24, dans le même contexte. Dans Actes 16 :3, il est écrit que Paul dut circoncire Timothée, "à cause des Juifs qui étaient dans ces lieux-là", et sans doute seulement à cause d'eux.

La dernière fois où ce mot est employé dans le Livre des Actes se trouve dans Actes 21 :21. Jacques fait part à Paul de son inquiétude, parce que l'on raconte parmi les Juifs que Paul "enseigne à tous les Juifs qui sont parmi les païens à renoncer à Moïse, leur disant de ne pas circoncire les enfants et de ne pas se conformer aux coutumes". Jacques parle aussi des "milliers de Juifs qui ont cru" et qui sont "zélés pour la loi". Il est évident que tous ces Juifs convertis de Jérusalem faisaient partie de ceux qui voulaient tuer Paul.

L'étude de l'emploi du mot "circoncision" dans le Livre des Actes, à part lorsqu'il est utilisé pour désigner l'acte physique de la circoncision, désigne clairement les Juifs convertis membres de l'Eglise de Jérusalem, et non les Juifs en général. Même quand il est utilisé pour désigner l'acte physique de la circoncision, il est employé par les membres de l'Eglise de Jérusalem et non par ceux qui sont en dehors de l'Eglise. Jacques, le frère de Jésus, était le chef du "parti de la circoncision" (Galates 2 :12). Il est clair que ce "parti de la circoncision", membre de l'Eglise, se considérait comme supérieur aux Gentils convertis, et insistait pour que les Gentils convertis qui feraient partie de l'Eglise n'y soient admis qu'avec un statut inférieur. Les Gentils convertis devaient reconnaître leur infériorité en acceptant d'être circoncis et de respecter la loi de Moïse. Ce faisant, les Gentils convertis devenaient redevables non seulement envers l'Eglise de Jérusalem, mais aussi envers les autorités du Temple. Une telle situation fut clairement considérée comme inacceptable par Paul, tout comme par Jésus-Christ !

Le fait que ce soit Jacques qui propose la décision finale du concile de Jérusalem prouve que c'était lui le chef du parti de la circoncision, qui contrôlait l'Eglise de Jérusalem. Si certains en doutent, qu'ils se rapportent à Galates 2 :12, et ils seront convaincus. Dans ce verset, nous lisons que Pierre se sépara des Gentils convertis, par crainte des envoyés de Jacques, quand ces derniers arrivèrent à Antioche.

Le choix entre la loi et la grâce.

A la fin d'Actes 15, nous voyons que Paul et Barnabas mirent fin à leurs relations, pourtant déjà anciennes, à propos du comportement de Jean Marc. Cette séparation fut sans nul doute causée par un problème très sérieux, tout au moins selon l'opinion de Paul. La bataille au sein de l'Eglise faisait rage, alors que le parti de Jacques s'opposait à Paul. Evidemment, même Barnabas et Pierre pensaient que Paul était allé trop loin dans son attitude intransigeante en faveur de la grâce. Il est clair que Paul a dû percevoir Jean Marc comme une menace pour la grâce. Il est resté ferme sur ses positions, même si cela lui a coûté la perte de son bon ami Barnabas. Ce dernier s'est rendu à Chypre avec Jean Marc. Paul fit le choix de Silas, et retourna en Syrie et en Cilicie, fortifiant les églises.

Israël devait apprendre à servir correctement un Maître invisible. Les Juifs convertis devaient réconcilier l'accomplissement, en Jésus-Christ, de la promesse faite à Abraham, avec plus de mille ans de traditions judaïques. Les traditions sont pesantes, et ne sont pas aisément remplacées par une nouvelle révélation. Les "nouveaux vêtements" du Christianisme étaient plutôt inconfortables à porter pour beaucoup de Juifs. Les "nouvelles armes" spirituelles du combat chrétien étaient assez inquiétantes à utiliser. Il était normal que cette friction entre des traditions confortables et la nouvelle réalité échauffe les esprits !

Comme c'est le cas aujourd'hui, l'Eglise primitive devait comprendre qu'en Christ nous passons par une nouvelle création. Au début, tout n'était qu'émerveillement et enthousiasme. Mais, comme pour un nouveau-né, l'étonnement et l'émerveillement éprouvés devant un monde nouveau ont bientôt cédé la place aux problèmes de l'adolescence, puis de l'âge adulte.

Les enfants d'Israël qui acceptèrent l'instruction et la correction de leur Père finirent par devenir de remarquables hommes de Dieu. Mais ceux qui refusèrent d'obéir et d'apprendre, et qui croyaient en savoir plus que les autres, s'accrochèrent aux traditions de leur passé. Leur comportement ne pouvait que frustrer la grâce de leur Père et ne leur a pas permis de L'honorer. Ils voulaient que les nouveaux convertis les suivent et leur obéissent, au lieu de suivre Jésus-Christ et de Lui obéir.

Le concile de Jérusalem a été l'occasion de réunir ces deux groupes d'enfants de Dieu. Paul vit clairement la différence. Quelques années après le concile, Paul, dans son épître aux Galates, décrit clairement ces deux groupes. Il les appelle respectivement les enfants de l'esclave, et les enfants de la femme libre. Il exhorte les Chrétiens en ces termes : "C'est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude" (Galates 5 :1).

Pau après, Paul écrivit les deux épîtres aux Thessaloniciens, et (sans doute) l'épître aux Hébreux. Ces quatre épîtres mettent l'accent sur la prééminence de Jésus-Christ, et sur le fait que tout pouvoir Lui a bien été donné dans le ciel comme sur la terre. Ce que la Loi n'avait pas pu accomplir, Jésus l'a accompli. Par Son autorité, l'homme pouvait à présent être transformé, ce que la Loi n'avait jamais pu réussir à faire.

Ce que Paul voulait, c'est placer Juifs et Gentils ensemble sous l'autorité de Jésus-Christ, ce qui était la seule manière de les transformer, afin qu'ils puissent marcher en nouveauté de vie. Alors que les enfants de l'esclave ne pensaient qu'à placer Juifs et Gentils sous leur propre autorité. Les 19 premières années de l'Eglise furent une époque de grandes délivrances et de grandes réjouissances en Israël, comme dans la diaspora. Mais on commença à contester l'autorité absolue de Jésus-Christ. Les vingt années suivantes commencent par le récit de cette contestation, et se terminent par la destruction du contestataire, Israël, en tant que nation.

A la fin des 40 ans de probation d'Israël, pendant deux ans et sept mois, les légions romaines de Vespasien et de son fils Titus ont ravagé et décimé Israël. Au cours de cette période, l'historien Juif Josèphe nous apprend que ce sont plutôt les Juifs qui se sont entretués, sous le regard de l'armée romaine. En plus de la guerre contre Rome, la guerre civile était permanente.

Cependant, la situation n'était guère meilleure pour Rome en général, au cours de la décennie des années 60, surtout après 62, année où Paul fut conduit à Rome pour comparaître devant Néron. La ville de Rome fut incendiée. Dix des quatorze quartiers de Rome furent complètement détruits ou sérieusement endommagés. Les révoltes et la guerre civile ravageaient l'empire. A cette époque, toutes les épîtres de Paul avaient été écrites. Elles avaient brillamment présenté et établi la souveraineté absolue de Jésus-Christ. La grâce de Dieu avait été pleinement proclamée, et la loi avait cédé la place à la grâce. Le monde allait continuer à voir se développer l'Eglise de la Loi, mais les Chrétiens allaient être continuellement poussés vers l'Eglise de la grâce. Depuis le début, cette Eglise de la grâce devait d'ailleurs, dans de nombreux aspects, constituer "l'Eglise cachée", ou invisible. Mais la puissance de cette "Eglise cachée" s'est toujours pleinement exercée, aux yeux de tous ceux qui ont des yeux pour voir.

Le ministère de Paul complète celui de Pierre.

La fin d'Actes 15 reprend le récit du ministère de Paul. Les quinze premiers chapitres des Actes ont décrit l'expansion du Christianisme dans toute la nation Juive, à partir de Jérusalem, et jusque dans toutes les nations du monde. Ces chapitres montrent aussi qu'après une acceptation avide de l'Evangile par l'ensemble du peuple Juif, certains Juifs convertis ont commencé à manifester une vive résistance à l'idée d'annoncer l'Evangile aux Gentils. En quinze ans, l'apôtre Pierre, qui était extrêmement populaire en Israël, après la Pentecôte, finit par être jeté en prison, parce que le Roi Hérode avait compris que cela serait agréable aux Juifs. Il faut noter que ce Roi Hérode Agrippa 1er, qui fit emprisonner Pierre et mettre à mort l'apôtre Jacques, avait été élevé avec l'empereur romain Claude, dont il était l'ami. On peut se demander si le meurtre de Jacques, et l'emprisonnement de Pierre, ne plaisaient pas aussi à Claude, tout autant qu'à Agrippa et aux Juifs de Jérusalem.

Certains faits historiques nous prouvent que Claude s'inquiétait du développement du Christianisme dans l'empire romain, tout particulièrement des "troubles" causés par les affrontements entre partisans de la loi et de la grâce, au sein des communautés juives de son empire. L'empereur Claude fit publier un édit d'expulsion des Juifs de Rome en l'an 49, ce qui obligea Aquilas et Priscille de quitter Rome pour aller s'installer à Corinthe (Actes 18 :2). A l'époque, Juifs et Chrétiens n'étaient pas considérés comme deux groupes distincts. Certains historiens antiques pensaient que l'expulsion des Juifs de Rome fut causée par des conflits au sein de la communauté Juive, à propos d'un certain "Chrestus", nom qui fait probablement référence à Jésus-Christ.

En tout cas, et c'est une curieuse coïncidence, l'édit d'expulsion des Juifs de Rome date de 49, l'année même où Actes 15 nous parle du problème au sein de l'église d'Antioche, et de bien d'autres églises, à propos de la circoncision des Gentils. Il faudrait étudier plus précisément ce qui s'est passé à Alexandrie en l'an 49, pour voir si l'on n'y trouverait pas aussi la trace du même conflit entre la loi et la grâce, entre Jacques et Paul. Ce serait certainement un domaine de recherches très intéressant. On a retrouvé à Nazareth une inscription signée de Claude, annonçant des peines très sévères à l'encontre de tous ceux qui pillaient les tombes. Cette inscription semble dater de la même époque. Certains historiens en ont déduit que l'empereur Claude tentait par là d'étouffer les rumeurs qui faisaient état de la résurrection de Jésus-Christ. Si c'était le cas, cela prouverait que l'empereur romain s'inquiétait dès l'an 49 de la montée du Christianisme.

De toute manière, ce qui n'était qu'un petit problème, quelques années auparavant à Jérusalem, finit par constituer un trouble majeur, au moins à Antioche, dix-neuf ans plus tard. Pendant toute cette période, Jacques avait réussi à usurper à Jérusalem l'autorité et la popularité de Pierre. Ces 19 premières années de l'Eglise ont vu aussi la rencontre de Paul avec Jésus-Christ sur le chemin de Damas. A peine converti, Paul a aussitôt commencé à annoncer l'Evangile de la grâce aux Gentils, ainsi qu'aux Juifs de la diaspora. A l'époque du concile de Jérusalem, décrit dans Actes 15, Paul exerçait déjà son ministère depuis près de quatorze ans.

Il est possible que les exploits accomplis par Paul au milieu des Gentils soient encore plus grands que ceux que Pierre accomplit au milieu des Israélites. Tandis que la Bible ne parle d'aucun exploit accompli par Jacques, le frère de Jésus. Par exemple, l'emprisonnement de Pierre, dans Actes 12, eut pour conséquence la mise à mort de ses gardes. L'emprisonnement de Paul, dans Actes 16, eut pour conséquence la conversion du geôlier et de toute sa famille. Pierre dut quitter la ville en pleine nuit. Paul reçut des excuses de la part des magistrats de la ville.

Pierre ressuscita Tabitha d'entre les morts (Actes 9). Paul ressuscita Eutychus (Actes 20). Il fut peut-être lui-même ressuscité par la prière des saints, après avoir été lapidé à Lystre (Actes 14 :19-20). Dans Actes 20, Paul enseignait pendant la nuit. Vers minuit, Eutychus, qui s'était endormi contre la fenêtre, tomba du troisième étage. Eutychus n'a pas été condamné pour s'être endormi au milieu du discours de Paul ! Mais il fut ressuscité, et Paul continua à prêcher jusqu'à l'aube ! Le résumé que fait Luc de cet événement est une litote plutôt rafraîchissante : "Le jeune homme fut ramené vivant, et ce fut le sujet d'une grande consolation" (Actes 20 :12).

Le voyage missionnaire de Paul et de Silas.

Paul poursuivit donc dans son ministère la démonstration d'autorité que Pierre avait manifestée dans le sien. Après le concile de Jérusalem et son retour à Antioche, Paul choisit Silas comme compagnon de voyage, après son altercation avec Barnabas. Ils furent recommandés à la grâce de Dieu par les frères d'Antioche (Actes 15 :40). La Bible ne dit pas si Barnabas et Jean Marc reçurent la même marque cordiale d'intérêt fraternel, ce qui pourrait signifier que cela n'a pas été le cas (NDE : C'est d'ailleurs la dernière fois que le Livre des Actes parle de Barnabas). Actes 16 à 20 racontent la diffusion de l'Evangile au cours des sept années suivantes. Jésus-Christ continua à déverser le Saint-Esprit, et cette effusion fut glorieuse !

Dans Actes 16 :5, nous voyons que les églises de Derbe, de Lystre, d'Icone et d'ailleurs "se fortifiaient dans la foi, et augmentaient en nombre de jour en jour" (Actes 16 :5). Dans Actes 17 :4, il est écrit "qu'une grande multitude de Grecs craignant Dieu, et beaucoup de femmes de qualité" de Thessalonique se joignirent à Paul.

Ce qu'ont dit aux magistrats de Thessalonique les Juifs qui résistaient à Paul prouve l'étendue de la diffusion de l'Evangile de la grâce : "Ces gens, qui ont bouleversé le monde, sont aussi venus ici" (Actes 17 :6). Sous l'influence de Darwin, nous aurions peut-être eu tendance à penser que les hommes qui vivaient il y a deux mille ans seraient plus proches du singe que des hommes modernes si brillants et intelligents ! L'arrogance de ceux qui nous conditionnent peut nous faire penser que cette phrase, prononcée par des Juifs "illettrés" de Thessalonique, était exagérée. Mais rien ne serait plus loin de la vérité. Paul était très connu avant sa conversion, et le Livre des Actes démontre l'immense étendue de son ministère dans tout le monde connu de l'époque.

Quand les Juifs qui résistaient à Paul ont dit aux magistrats : "Ces gens, qui ont bouleversé le monde, sont aussi venus ici", il y a tout lieu de croire qu'ils savaient ce qu'ils disaient ! L'empire romain n'était pas constitué de quelques petites villes insignifiantes, isolées les unes des autres. C'était le contraire. Cette phrase décrit donc exactement l'immensité de l'œuvre accomplie par Jésus-Christ au travers de Paul, au point que "le monde entier" de l'époque en avait été "bouleversé" ! L'effusion du Saint-Esprit était en train de changer la face du monde.

A Bérée, "Plusieurs d'entre eux crurent, ainsi que beaucoup de femmes grecques de distinction, et beaucoup d'hommes" (Actes 17 :12). A Athènes, "Quelques-uns néanmoins s'attachèrent à (Paul) et crurent, Denys l'aréopagite, une femme nommée Damaris, et d'autres avec eux" (Actes 17 :34). A Corinthe, Paul passa une année et demie à enseigner l'Evangile. Et le Seigneur lui dit "en vision pendant la nuit : Ne crains point ; mais parle, et ne te tais point, car je suis avec toi, et personne ne mettra la main sur toi pour te faire du mal : parle, car j'ai un peuple nombreux dans cette ville" (Actes 18 :9-10). C'est le Seigneur Lui-même qui avait informé Paul de cette réalité, avant même qu'il s'en aperçoive. C'était bien Jésus-Christ qui était le Seigneur de Paul, et qui le guidait et l'encourageait, malgré les sujets de découragement qu'il pouvait avoir dans le monde visible.

A Ephèse, à Césarée, à Antioche, en Galatie et en Phrygie, Paul enseignait et fortifiait les disciples (Actes 18 :19-23). Il retourna ensuite à Ephèse, et y passa deux ans et trois mois. La Bible nous apprend que "tous ceux qui habitaient l'Asie, Juifs et Grecs, entendirent la parole du Seigneur" (Actes 19 :10). Là encore, nous voyons quel fut impact puissant de l'Evangile sur le monde.

Comme l'a écrit un spécialiste de l'Histoire Romaine, "Malgré toutes les attaques que subit le Christianisme, ce furent finalement Rome et l'Empire Romain qui durent capituler devant l'Eglise, et non le contraire". Cette capitulation ne fut pas acquise rapidement, mais elle finit tout de même par se produire.

Malgré tout ce que l'on peut penser des dérives théologiques des diverses églises, au cours des second et troisième siècles, aucune d'entre elles n'avait renié la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts. De même, toutes les nations acceptèrent comme un fait historique la résurrection de Jésus-Christ.

Les Actes nous racontent aussi que Dieu accomplissait des miracles extraordinaires par les mains de Paul, "au point qu'on appliquait sur les malades des linges ou des mouchoirs qui avaient touché son corps, et les maladies les quittaient, et les esprits malins sortaient" (Actes 19 :12). Ephèse connut un glorieux temps de délivrances et de miracles, comme Jérusalem près de 25 ans auparavant, quand "tous étaient guéris" (Actes 5 :16). A cette époque, c'était l'ombre de Pierre qui opérait des miracles. A présent, c'étaient des mouchoirs qui avaient touché le corps de Paul qui guérissaient et délivraient les habitants d'Ephèse. Le résultat était le même : les gens étaient guéris !

Il est impossible d'exagérer l'effusion de l'Esprit à Jérusalem. De même, il est impossible de l'exagérer à Ephèse : "Plusieurs de ceux qui avaient cru venaient confesser et déclarer ce qu'ils avaient fait. Et un certain nombre de ceux qui avaient exercé les arts magiques, ayant apporté leurs livres, les brûlèrent devant tout le monde : on en estima la valeur à cinquante mille pièces d'argent. C'est ainsi que la parole du Seigneur croissait en puissance et en force" (Actes 19 :18-20). Penser que la Parole de Dieu ait pu prévaloir ainsi dans une ville comme Ephèse est extraordinaire, quand on y réfléchit. Les implications d'une telle déclaration pourraient remplir un ouvrage entier !

Actes 19 :21 nous apprend que Paul se décida à revenir à Jérusalem. Il voulait aussi se rendre ensuite à Rome. Dans Actes 20, nous voyons Paul aller en Macédoine, à Philippes, à Troas (où Eutychus avait été ressuscité), à Assos, à Mitylène, à Chios, à Samos, et à Milet. Dans cette ville, Paul fit venir les anciens d'Ephèse. Les instructions qu'il leur laisse révèlent son amour pour eux, et le souci qu'il avait de leur bien-être. Il les recommande à Dieu et à la Parole de Sa grâce (Actes 20 :32). Il leur révèle qu'ils ne verront plus son visage (Actes 20 :25), et se sépare d'eux avec beaucoup d'émotion (Actes 20 :36-38).

Notes sur le ministère de Paul.

Le ministère de Paul s'étend sur une période de plus de trente ans. A part les cinq premières années de l'Eglise, au cours desquelles Paul persécutait les Chrétiens, le ministère de Paul a coïncidé avec les 40 années de la période probatoire d'Israël. Nous pouvons imaginer quelles étaient les espérances que Paul nourrissait pour la nation d'Israël, alors qu'il sondait les Ecritures, à la lumière de la marche par l'esprit !

Nous pouvons aussi apprécier de quelle manière il s'efforçait, dans son entendement, de séparer le bon grain de la paille, à mesure qu'il voyait l'Eglise de Jérusalem s'ouvrir de plus en plus à l'esprit du monde. Le ton de l'épître aux Galates, écrite vers l'an 52, démontre bien combien il était déçu par l'évolution de l'Eglise de Jérusalem.

Il écrit aux Galates : "O Galates, dépourvus de sens ! qui vous a fascinés, vous, aux yeux de qui Jésus-Christ a été peint comme crucifié ?" (Galates 3 :1). Paul ne considérait pas ceux qui avaient fasciné les Galates comme des gens ignorants. Des gens ignorants peuvent haïr, mais ils ne sont pas assez subtils pour "fasciner" ! Il est très probable que Paul pensait aux membres de l'Eglise de Jérusalem. Le contexte de ce passage le montre clairement. Les Galates avaient reçu l'Esprit à la suite de la prédication de Paul, et pas de celle de Jacques ou des envoyés de l'Eglise de Jérusalem. Comment peut-on faire descendre l'Esprit, quand on prêche "qu'on ne peut pas être sauvé, à moins d'être circoncis" ? On comprend bien mieux l'épître aux Galates, quand on sait que Paul l'a écrite peu après le concile de Jérusalem.

Il faut aussi noter que l'épître aux Hébreux a été écrite à peu près à la même époque que l'épître aux Galates, comme les deux épîtres aux Thessaloniciens. Certains affirment que l'épître aux Hébreux n'a pas été écrite par Paul. Certains affirment le contraire. L'Histoire nous montre que, vers le second siècle, les églises d'Occident disaient que Paul n'avait pas écrit l'épître aux Hébreux, tandis que les églises d'Orient disaient le contraire. Quand on sait que Paul a surtout exercé les 14 premières années de son ministère au sein des églises d'Orient (en Syrie et en Cilicie), alors que l'Eglise de Jérusalem exerçait sans doute son influence plus en direction de Rome, la capitale politique du monde de l'époque, cela nous laisse plutôt penser que c'est bien Paul qui a écrit l'épître aux Hébreux, sans même parler du contenu de cette épître, qui présente Jésus-Christ comme le Seul Souverain Sacrificateur légitime du Temple de Jérusalem !

Ceux qui disent que Paul n'a pas écrit l'épître aux Hébreux s'appuient sur le fait que Paul aurait mentionné son nom dans cette épître, comme il l'a fait pour les autres. Mais ce n'est pas un argument suffisant. Car Paul n'était pas très populaire en général au milieu des Hébreux. Rappelez-vous qu'il a même dû aller rencontrer les apôtres "en particulier" (Galates 2 :2). La prudence a donc pu guider Paul à ne pas mentionner son nom dans une épître adressée aux Hébreux, et à laisser le Saint-Esprit agir Lui-même.

De toute manière, les sept années qui ont suivi le concile de Jérusalem sont résumées par ces phrases : "Cela dura deux ans, de sorte que tous ceux qui habitaient l'Asie, Juifs et Grecs, entendirent la parole du Seigneur" et "C'est ainsi que la parole du Seigneur croissait en puissance et en force" (Actes 19 :10, 20). De même que le message de l'autorité suprême de Jésus-Christ s'était répandu à Jérusalem et en Israël, ainsi, ce même message se répandait à présent dans le reste du monde. Personne ne pouvait plus prétendre n'avoir jamais entendu l'Evangile. L'effusion de l'Esprit était universelle, et elle était puissante.

Dans la pratique, Paul n'a pas respecté la suggestion qui lui avait été faite par les dirigeants de l'Eglise de Jérusalem, qui lui avaient conseillé d'aller seulement vers les Gentils, alors qu'ils iraient vers les Juifs (Galates 2 :9). Paul avait l'habitude d'aller dans les synagogues et d'enseigner aux Juifs, dans toutes les villes où il se rendait. Et beaucoup de Juifs ont cru. Le ministère de Paul devait toucher les Juifs, les Gentils, et les Rois (Actes 9 :15). Il a pleinement exercé son ministère.

Les persécuteurs de Paul.

Au cours des sept ans qui ont suivi le concile de Jérusalem, beaucoup de Juifs et de Gentils se sont convertis. Mais beaucoup de Juifs ont aussi persécuté Paul. Ils n'étaient pas seuls, car beaucoup de Gentils ont également persécuté Paul. Mais, à Thessalonique, ce furent des Juifs qui n'avaient pas cru qui persécutèrent Paul (Actes 17 :5). Au verset 13, ce sont ces mêmes Juifs qui poursuivent Paul de Thessalonique à Bérée. Notez que Paul, dans Actes 17 :2 : "entra, selon sa coutume", dans la "synagogue des Juifs. Et il discuta avec eux pendant trois sabbats, "d'après les Ecritures". "Quelques-uns d'entre eux furent persuadés, et se joignirent à Paul et à Silas, ainsi qu'une grande multitude de Grecs craignant Dieu, et beaucoup de femmes de qualité" (Actes 17 :4). Cela veut dire que Paul et Silas passèrent trois semaines complètes à enseigner la Parole de Dieu. Ils ne se sont pas limités à enseigner pensant une ou deux heures à la synagogue, le jour du sabbat.

Certains veulent nous faire croire que Paul, tout au long de son ministère, a exercé son métier "à plein temps" pendant la semaine, et prêchait l'Evangile "à temps partiel". Il est difficile d'imaginer cela à propos d'un homme qui était "à plein temps" dans la persécution des Chrétiens, quand Jésus-Christ l'a arrêté ! Il est vrai qu'il a dit aux anciens d'Ephèse : "Je n'ai désiré ni l'argent, ni l'or, ni les vêtements de personne. Vous savez vous-mêmes que ces mains ont pourvu à mes besoins et à ceux des personnes qui étaient avec moi. Je vous ai montré de toutes manières que c'est en travaillant ainsi qu'il faut soutenir les faibles, et se rappeler les paroles du Seigneur, qui a dit lui-même : Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir" (Actes 20 :33-35).

Mais il a aussi écrit à l'Eglise de Corinthe : "J'ai dépouillé d'autres Eglises, en recevant d'elles un salaire, pour vous servir. Et lorsque j'étais chez vous et que je me suis trouvé dans le besoin, je n'ai été à charge à personne ; car les frères venus de Macédoine ont pourvu à ce qui me manquait. En toutes choses je me suis gardé de vous être à charge, et je m'en garderai" (2 Cor. 11 :8-9). Paul a aussi pu dire : "J'ai été dans le travail et dans la peine, exposé à de nombreuses veilles, à la faim et à la soif, à des jeûnes multipliés, au froid et à la nudité" (verset 27). D'après tout ce que nous savons, dans les épîtres de Paul et dans le Livre des Actes, il ne serait pas raisonnable d'affirmer que Paul a passé la majorité de son temps à travailler de ses mains pour gagner sa vie.

Il est certain que la priorité, pour Paul, était son appel d'apôtre. Il avait à cœur d'obéir parfaitement à son Maître. S'il a pu travailler de ses mains, c'était surtout pour donner un exemple, plutôt que pour répondre à la nécessité de pourvoir à ses besoins. Il est probable qu'il aurait même préféré n'avoir rien à manger, plutôt que de manquer l'occasion d'enseigner ses frères ! C'est peut-être pour cela qu'il avoue qu'il a souvent jeûné !

Cette mise au point, concernant la manière dont Paul vivait, n'est pas sans importance quand on étudie le Livre des Actes et les épîtres de Paul. Si Paul n'avait prêché que pendant le sabbat, alors les Juifs de Thessalonique qui avaient cru, "ainsi qu'une grande multitude de Grecs craignant Dieu, et beaucoup de femmes de qualité", n'auraient eu que bien peu de temps pour l'écouter, s'il avait passé toute sa semaine à travailler de ses mains ! Toutefois, si, pendant trois semaines, Paul a enseigné jour et nuit, comme il l'a fait à Troas, on peut mieux comprendre pourquoi la ville a pu être ainsi "bouleversée", et pourquoi les Juifs qui n'avaient pas cru ont pu réagir avec autant de violence !

Le fait que ces Juifs aient pris "avec eux quelques méchants hommes de la populace" implique qu'ils n'ont pas pu recevoir l'aide qu'ils espéraient de la synagogue. Cela implique aussi qu'ils n'avaient pas pu "résister à la sagesse par laquelle Paul parlait", comme les Juifs d'Actes 6 n'avaient pas pu résister à la sagesse d'Etienne. Il est difficile de penser que Paul ait pu avoir un tel impact, s'il n'avait prêché que trois "sermons", lors des trois sabbats mentionnés. Il semble plus probable que les Juifs incrédules ont tenté de réfuter les enseignements de Paul tout au long de ces trois semaines, et qu'ils n'y sont pas parvenus, ce qui les a poussés à recourir à des tactiques moins honorables.

Le fait que Paul ait pu passer trois semaines dans la synagogue des Juifs implique aussi que la contestation ne portait pas sur le salut en Jésus-Christ, mais sur la part qu'il fallait à présent réserver à la Loi, et sur la manière pratique de vivre ce salut. Paul n'a pas dû s'étendre longtemps sur la réalité de la résurrection de Jésus-Christ, qu'il a certainement proclamée dès le début. Nous vous avons déjà montré à quel point le Christianisme s'était largement répandu au cours des vingt premières années de l'Eglise. Il est très improbable que les Juifs de Thessalonique n'aient jamais entendu parler du message du salut. S'ils en avaient déjà entendu parler, et si la majorité des Juifs de la synagogue avaient refusé de croire en ce message, ils n'auraient jamais laissé Paul parler pendant trois sabbats !

En outre, si les Juifs de la synagogue avaient déjà entendu le message du salut, et s'ils l'avaient refusé, il aurait été encore plus improbable qu'ils laissent Paul parler si longtemps. Il est donc très probable que la majorité des gens de cette synagogue, Juifs et Grecs dévots, avaient donc déjà entendu le message du salut en Jésus-Christ, et ne lui étaient pas défavorables dans l'ensemble, même s'ils n'avaient pas encore vraiment donné leur vie à Jésus-Christ. Dans cette hypothèse, Paul a pu passer ces trois semaines à démontrer que toutes les prophéties de l'Ancien Testament s'étaient accomplies en Jésus-Christ, et que le Saint-Esprit était à présent disponible pour tous, Juifs et Grecs, afin que la foi de tous les hommes s'appuie sur la puissance de Dieu et non sur la sagesse des hommes. Un tel message ne pouvait être considéré que comme une menace par les "Juifs qui n'ont pas cru", alors qu'il a dû être joyeusement accepté par beaucoup d'autres Grecs et Juifs.

A titre d'illustration, j'aimerais citer un exemple personnel. J'ai été élevé dans une grande dénomination chrétienne traditionnelle. J'ai même fréquenté les écoles chrétiennes de cette dénomination pendant douze ans. Je croyais pleinement que la Bible était la Parole de Dieu, et je ne doutais absolument pas que Jésus soit ressuscité des morts. Par la suite, alors que j'étais un jeune adulte, on m'a appris pour la première fois l'existence de cette "sagesse mystérieuse" de Dieu, qui était restée cachée jusqu'à ce que le Seigneur la révèle à Paul (Col 1 :26-27 ; 2 :2 ; 4 :3 ; Eph. 1 :9 ; 3 :3, 4, 9 ; 5 :32 ; 6 :19). Il s'agissait du message révolutionnaire selon lequel Les Gentils avaient été faits co-héritiers avec les Juifs, qu'ils pouvaient être membres du même corps, et que tous pouvaient avoir "Christ en vous, l'espérance de la gloire". Ce message m'a enthousiasmé, bien plus que tout ce que j'avais pu apprendre auparavant. Quand j'ai vu en outre, dans 1 Cor. 2 :8, "qu'aucun des chefs de ce siècle n'a connu (cette sagesse mystérieuse et cachée), car, s'ils l'avaient connue, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de gloire", mon enthousiasme a encore grandi. C'était merveilleux, époustouflant ! Je n'avais jamais réfléchi à toutes les implications de cette vérité.

Je m'imaginais que tout le monde devait être aussi enthousiasmé que moi en apprenant cela. Mais je me trompais. Beaucoup de Chrétiens que je connaissais ne voulaient pas en entendre parler. J'ai tout entendu, depuis : "Pour qui se prend-il pour nous apprendre cela ?" jusqu'à : "Ce que tu nous dis vient du diable !" Beaucoup d'autres, bien entendu, furent heureux d'apprendre cela. Mais certains se sont sentis trop menacés par un tel enseignement pour l'accepter. Leur statut dans l'église était mis en cause, s'ils acceptaient une vérité aussi importante de la bouche d'un simple Chrétien comme moi, qui n'avais aucune fonction officielle dans l'église !

Pourtant, les implications de ce que j'avais appris étaient énormes ! Si chaque Chrétien avait reçu du Seigneur "une pleine mesure de foi", alors aucun Chrétien n'était supérieur aux autres. Tous les dons de l'Esprit pouvaient être reçus par n'importe quel Chrétien, pour l'édification du Corps de Christ. Ils ne pouvaient plus être considérés comme distribués par Dieu avec beaucoup de parcimonie. Bref, si chaque Chrétien pouvait recevoir quelque chose de Dieu, il pouvait aussi tout recevoir de Lui ! Si le don du Saint-Esprit en Christ comprenait un héritage complet pour tous, chaque Chrétien pouvait donc pleinement puiser dans tout ce qu'il avait déjà reçu dans le Seigneur, plutôt que de toujours vouloir chercher à recevoir "plus de dons" de Dieu. Ephésiens 3 :20-21 nous dit : "Or, à celui qui peut faire, par la puissance qui agit en nous, infiniment au delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui soit la gloire dans l'Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles ! Amen !".

Mais c'est aussi cela qui crée un problème ! Car certains Chrétiens ne pensent pas que de telles choses soient possibles. Ils peuvent même manifester de l'animosité, sinon de la haine, envers ceux qui croient que Dieu nous a donné des choses qui dépassent notre entendement humain ! Au cours de ces vingt dernières années, je me suis rendu compte que les Chrétiens pouvaient manifester bien plus de haine que les non-Chrétiens ! Il est certain que d'autres Chrétiens manifestent aussi beaucoup plus d'amour que des non-Chrétiens. Mais il me semble, sur un plan pratique, que nous rencontrons beaucoup plus de conflits à l'intérieur de l'Eglise qu'à l'extérieur. Pour la plupart, ceux qui ne sont pas Chrétiens évitent toute discussion concernant Jésus-Christ, parce que c'est de la folie pour eux. Ils se sentent rarement menacés, et sont souvent bien plus aimables que ne peuvent l'être des Chrétiens !

Je n'ai pas l'intention de discuter sur le fait de savoir qui est Chrétien, et qui ne l'est pas. En général, quand quelqu'un me dit qu'il est Chrétien, je crois qu'il dit la vérité. En donnant ce témoignage personnel, je veux simplement vous dire pour quelle raison il me semble que les conflits que Paul a rencontrés, à Thessalonique comme ailleurs, portaient le plus souvent sur le sujet de la loi et de la grâce, et non sur le salut en Jésus-Christ. Dans mon expérience personnelle, j'ai constaté que ma compréhension des enseignements de Paul avait entraîné un certain nombre de conflits quand j'en faisais part aux autres. Je peux donc bien imaginer que Paul ait été confronté à ces mêmes conflits, à la suite des enseignements qu'il apportait.

L'efficacité du travail accompli par Paul à Thessalonique, et les problèmes qui en ont résulté, ne sont d'ailleurs pas uniques. Dans Actes 18 :12, nous voyons que "du temps que Gallion était proconsul de l'Achaïe, les Juifs se soulevèrent unanimement contre Paul, et le menèrent devant le tribunal". Cela se passait à Athènes. A Ephèse (Actes 19 :9), nous voyons que de nombreux Juifs de la synagogue se sont violemment opposés à "cette voie". En Grèce (Actes 20 :3), "les Juifs lui dressèrent des embûches". Juste avant de retourner à Jérusalem, Paul dit aux anciens d'Ephèse qu'il avait "servi le Seigneur en toute humilité, avec larmes, et au milieu des épreuves que me suscitaient les embûches des Juifs".

Nous voyons donc que les Juifs étaient très divisés. Beaucoup d'entre eux ont cru, mais beaucoup d'autres ont refusé de croire, et haïssaient Paul. Il faut remarquer qu'il ne s'agissait pas de Juifs isolés, qui n'avaient aucun contact avec Jérusalem. Car la Loi exigeait que tous les Juifs âgés de plus de 13 ans se rendent à Jérusalem trois fois par an, pour les fêtes de la Pâque, de la Pentecôte, et des Tabernacles. Certes, tous n'obéissaient pas à la Loi. Mais beaucoup la respectaient. Pendant ces fêtes, la ville de Jérusalem regorgeait de monde, comme on le voit dans Actes 2.

Le peuple d'Israël n'était pas composé que de "bons" d'un côté", et de "méchants" de l'autre. Si cela avait été le cas, il y aurait eu une guerre civile en Israël. C'était peut-être d'ailleurs ce que craignait Pierre, quand il s'est séparé des Gentils à l'arrivée des envoyés de Jacques à Antioche. De toute manière, la nation Juive n'avait pas pleinement accepté le message de la grâce. L'Eglise de Jérusalem, qui vivait dans un compromis entre la loi et la grâce, a exporté ce compromis dans tout le peuple Juif de la diaspora. C'est ce que confirme Jacques lui-même dans sa déclaration devant le concile de Jérusalem : "Car, depuis bien des générations, Moïse a dans chaque ville des gens qui le prêchent, puisqu'on le lit tous les jours de sabbat dans les synagogues" (Actes 15 :21).

Il est aussi intéressant de remarquer que l'épître de Jacques a été écrite aux "douze tribus qui sont dans la dispersion", et non aux Chrétiens membres de ces douze tribus. Toutes les autres épîtres du Nouveau Testament sont clairement adressées à des disciples de Jésus-Christ. Jacques est le seul à adresser son épître aux "douze tribus qui sont dans la dispersion". C'est aussi la seule épître importante qui ne mentionne pas la résurrection de Jésus-Christ.

Selon Actes 19 :20, "la parole du Seigneur croissait en puissance et en force", tout au long des sept ans qui suivirent le concile de Jérusalem. Mais Actes 19 :23 ajoute aussi : "Il survint, à cette époque, un grand trouble au sujet de la voie du Seigneur".

De quelle voie s'agit-il ? Le contexte nous montre clairement qu'il s'agit de la voie prêchée par Paul. Paul parle dans Galates 1 de "deux Evangiles" : le sien, et "l'autre Evangile" prêché par l'Eglise de Jérusalem. Cet Evangile faisait un mélange entre la Loi et la Grâce. Paul avait reçu son Evangile par une révélation directe de Jésus-Christ. C'était le glorieux Evangile de la Grâce seule, sans les œuvres de la Loi. C'est aussi à cette époque, vers l'an 55, que Paul écrivit son épître aux Romains, qui développe à fond ce sujet.

Nous voyons donc que vers l'an 56, la Parole de Dieu croissait en puissance et en force, mais qu'elle provoquait aussi de grands troubles. Paul décida alors de retourner à Jérusalem. Ce sera pour nous l'occasion de nous rendre compte à quel point le peuple de Jérusalem s'était endurci au cours des sept ou huit ans qui avaient suivi le concile de Jérusalem.