A254. Les deux voies de l'Eglise primitive (9)
Par David A. Anderson. L'original peut être consulté en anglais à l'adresse suivante :
http://www.en.com/users/anders/chapter2.htmlReproduction de la traduction française autorisée, pourvu quelle soit intégrale, et que les sources soient indiquées. Publié originellement en anglais en 1997, revu et corrigé en 1999. Adresse de l'auteur : David A. Anderson, 924 Richmond Road, Lyndhurst, OHIO 44124 (USA). E-mail :
anders@en.comNous publions ici, sous forme d'une série d'articles, et avec l'accord de l'auteur, un livre écrit par David Anderson. Ce livre nous semble éclairer particulièrement bien le conflit qui existait au sein de l'Eglise primitive entre la loi et la grâce, les partisans de la loi étant conduits par Jacques, le frère du Seigneur, et ceux de la grâce par l'apôtre Paul. Ce livre est parfaitement d'actualité, car le même conflit peut toujours être observé dans l'Eglise aujourd'hui. Il continue d'opposer ceux qui marchent selon la chair et ceux qui marchent selon l'esprit. La publication complète de cet ouvrage s'étalera sur plusieurs semaines, d'autres articles pouvant aussi être publiés en même temps.
Chapitre 8 : Confrontation à Jérusalem.
"Quelques hommes, venus de la Judée, enseignaient les frères, en disant : Si vous n'êtes circoncis selon le rite de Moïse, vous ne pouvez être sauvés. Paul et Barnabas eurent avec eux un débat et une vive discussion ; et les frères décidèrent que Paul et Barnabas, et quelques-uns des leurs, monteraient à Jérusalem vers les apôtres et les anciens, pour traiter cette question" (Actes 15 :1-2).
Les problèmes trouvent toujours le moyen de se manifester, même dans les groupes les mieux intentionnés ! Il ne semble pas qu'il y ait un seul groupe chrétien aujourd'hui dans le monde, qui n'ait pas son lot de problèmes et de difficultés. Certains groupes tentent de les nier, d'autres de les cacher, d'autres encore rédigent des règlements pour essayer de les prévenir, mais les problèmes surviennent inexorablement. Ce ne sont pas toujours ceux que l'on appelle les "fauteurs de troubles" qui créent le plus de problèmes. Ces "fauteurs de troubles" sont souvent ceux qui, justement, veulent affronter les problèmes. Ils se font remarquer, parce que ceux qui restent passifs devant les problèmes sont très nombreux ! L'an dernier, un magazine a fait ce commentaire : "Certaines personnes, quand elles sont confrontées au mal, tournent simplement le dos, et s'imaginent que cela suffira à régler le problème". Manifestement, cela ne suffit pas à régler le problème ! La manière dont nous réglons un conflit, ainsi que notre comportement au cours du conflit, déterminera la qualité de la solution que nous pourrons trouver, ou l'étendue des dégâts permanents que nous subirons dans notre vie, ou que subira le groupe auquel nous sommes associés.
Il me semble aujourd'hui qu'il est très fréquent dans l'Eglise de considérer qu'un conflit est mauvais en soi. Quand une église se divise sur un certain problème, toute la société qui l'entoure la montre du doigt, comme pour dire : "Ils ont tort ! Des Chrétiens ne devraient jamais avoir de conflit !" Une telle attitude représente une vue utopique du Christianisme, qui n'est fondée ni sur la réalité de la mort de Jésus-Christ et de ses causes, ni sur les vérités révélées par le Nouveau Testament. C'est l'accusation typique que des païens peuvent faire pour intimider les Chrétiens, pour qu'ils acceptent les erreurs, les semi-vérités, et les uvres de la chair. Quand Jésus-Christ reviendra, il y aura l'ultime conflit de tous les siècles ! Jusque-là, nous aurons toujours des conflits. Les Chrétiens doivent à tout prix maintenir leur position, au milieu de tous les conflits qu'ils rencontrent. Nous ne pouvons pas vivre une vie chrétienne victorieuse, si nous cédons à nos adversaires, simplement pour éviter les conflits. Si nous semons le vent, nous récolterons la tempête (Osée 8 :7).
Dans Actes 15, nous voyons qu'il s'élève un conflit, une confrontation, entre l'Eglise d'Antioche et celle de Jérusalem. Contrairement aux précédents conflits dont nous avons parlé, ce conflit est clairement identifié, ainsi que ses principaux protagonistes, et ses conséquences sont claires.
Nous n'avons pas pu clairement discerner quelles étaient les motivations d'Ananias et de Saphira. Nous n'avons pas identifié clairement qui étaient les Hellénistes dont Luc parle par trois fois. Nous n'avons pas pu définir précisément tous les tenants et aboutissants de la mort d'Etienne. Nous n'avons pas pu entièrement expliquer pourquoi Pierre avait voulu faire prévenir Jacques après sa libération de prison. Nous n'avons pas vraiment compris pour quelle raison l'Eglise de Jérusalem était réticente à accueillir Paul, quand il s'est rendu dans cette ville après sa conversion. Toutefois, le conflit d'Actes 15 est tellement clair qu'il nous permet de mieux comprendre tous les problèmes antérieurs que nous avons déjà étudiés.
Des problèmes à Antioche.
Des problèmes couvaient depuis la création de l'Eglise, dix-neuf ans auparavant. Mais ce qui n'était au début qu'un petit nuage a fini par devenir une tempête meurtrière. "Quelques hommes, venus de la Judée, enseignaient les frères, en disant : Si vous n'êtes circoncis selon le rite de Moïse, vous ne pouvez être sauvés" (Actes 15 :1). La tempête atteint de plein fouet l'Eglise d'Antioche ! On venait dire à cette Eglise que personne ne pouvait être sauvé s'il n'était pas circoncis selon le rite de Moïse ! C'est le plus grand mensonge que l'on ait pu essayer de faire croire à une église ! Comme tous les mensonges, il peut être formulé de mille manière différentes : "On ne peut être sauvé que par Israël" ; "Israël est supérieur à Jésus-Christ" ; "Tous ceux qui se disent Chrétiens sont des menteurs, s'ils ne sont pas circoncis, et s'ils n'obéissent pas à l'autorité du Temple". Quoi qu'il en soit, ce que viennent dire à Antioche les envoyés de l'Eglise de Jérusalem n'est qu'un pur mensonge !
Dans les deux chapitres précédents, il n'y a pas la moindre indication que Paul ou Barnabas aient circoncis un seul des Gentils qu'ils ont conduits à Jésus-Christ. Et voilà que les envoyés de l'Eglise de Jérusalem viennent dire à Paul et Barnabas qu'ils n'ont conduit personne au salut, parce qu'ils n'ont circoncis personne ! On peut penser qu'un grand nombre de Chrétiens d'Antioche auraient bien aimé les chasser de leur ville avec de grands éclats de rire !
Ils l'auraient peut-être fait, s'ils avaient connu les épîtres de Paul à cette époque. Mais Paul ne les avait pas encore écrites. Les Chrétiens d'Antioche ont donc écouté avec respect les envoyés de l'Eglise de Jérusalem. Les "enfants de l'esclave" étaient venus à Antioche pour essayer de dominer sur les "enfants de la femme libre". Il est probable que ces envoyés sont arrivés avant le retour de mission de Paul et de Barnabas.
Si c'est le cas, Paul et Barnabas, à leur retour, ont constaté que l'Eglise était dans un grand trouble. Ils n'ont pas cherché à éviter le problème, ni à minimiser son importance. "Paul et Barnabas eurent avec eux un débat et une vive discussion" (verset 2). En d'autres termes, ils manifestèrent vivement et clairement leur désaccord. Ils engagèrent le combat, et affrontèrent la tempête. Le conflit fut identifié, et ils l'abordèrent sans détours.
Il y a dix ans, c'est ce verset qui m'a décidé à entreprendre la recherche qui a abouti à ce livre. J'avais constamment assisté à des conflits entre Chrétiens, et j'avais moi-même été confronté à des conflits. J'ai voulu étudier à fond ce passage de l'Ecriture, espérant y trouver la solution divine qui nous permettrait de régler les conflits dans l'Eglise aujourd'hui. J'ai commencé mes recherches en toute honnêteté. Je pensais que l'étude de cette confrontation entre Paul et les envoyés de l'Eglise de Jérusalem pourrait me fournir le modèle que je recherchais. J'espérais que Dieu me révèlerait Ses secrets et me montrerait comment surmonter les conflits. Mais les secrets qu'Il m'a révélés n'étaient pas du tout ceux que je m'attendais à découvrir !
L'Eglise d'Antioche bénéficiait de la distinction d'avoir été la première dont les membres ont été appelés "Chrétiens" pour la première fois. Cette Eglise avait attiré des Chrétiens de toutes les parties du monde de l'époque. Actes 13 :1 nous révèle que l'un des prophètes et docteurs de cette Eglise était un Noir (Niger), et un autre de Cyrène, alors qu'un autre encore avait été élevé avec Hérode le Tétrarque. Ces faits nous prouvent qu'Antioche était l'un des centres principaux de la Chrétienté. Paul et Barnabas faisaient aussi partie des "prophètes et des apôtres" de cette Eglise. C'est de cette Eglise qu'ils sont partis, pour le formidable voyage missionnaire décrit dans Actes 13 et 14. Mais, dans Actes 15, nous découvrons que certains hommes de Jérusalem viennent dire aux Chrétiens d'Antioche qu'ils ne peuvent pas être sauvés sans être "circoncis selon le rite de Moïse" !
Quand j'ai entrepris ma recherche pour avoir une réponse me permettant de résoudre les conflits que l'Eglise peut rencontrer aujourd'hui, je n'appréciais pas à sa juste valeur la puissance des épîtres de Paul. L'Eglise d'Antioche ne bénéficiait pas encore de ces épîtres, qui n'étaient pas écrites à cette époque. Il est même possible que l'apôtre Paul ne connaissait pas lui-même toutes les informations qu'il allait développer dans ses épîtres. En l'an 49, aucune des épîtres n'avait encore été écrite.
Il a peut-être fallu que Paul passe par tous les événements décrits dans le Livre des Actes, jusqu'à Actes 15 :1, et même plus tard, pour qu'il se rende pleinement compte de l'incompatibilité entre la Loi et la Grâce. Il avait apporté l'argent des frères d'Antioche à l'Eglise de Jérusalem pendant la famine. Ces Chrétiens de Jérusalem étaient bien ses frères en Christ. Il était du même côté qu'eux dans le combat que tous menaient contre l'impiété. Paul était sans doute persuadé que l'Eglise pouvait trouver une solution à ce conflit entre la Loi et la Grâce, et il devait espérer que tous finiraient par reconnaître le caractère immérité du salut par grâce, accessible également aux Juifs et aux Gentils.
Paul et Barnabas doivent se rendre à Jérusalem.
Toutefois, les vives discussions menées entre Paul et Barnabas, d'une part, et les envoyés de l'Eglise de Jérusalem, d'autre part, n'ont pas suffi à résoudre le problème. Il fallait que ce problème soit vraiment grave ! En fait, beaucoup ont peut-être pensé que c'étaient Paul et Barnabas qui étaient les "fauteurs de trouble" ! Ceux qui cherchent à étouffer les problèmes ou à minimiser leur importance sont souvent ceux qui sont offensés quand quelqu'un se lève pour essayer de les régler. Cela se produit assez souvent dans l'Eglise aujourd'hui. De toute manière, l'Eglise d'Antioche décida d'envoyer à Jérusalem Paul et Barnabas, accompagnés de quelques frères (sans doute en faisaient partie ceux qui avaient causé le problème), pour rencontrer les apôtres et les anciens à ce sujet. Ce n'était pas un point de désaccord mineur. Soit Jésus-Christ nous avait effectivement acquis notre salut, soit Son uvre n'était pas suffisante, et devait être complétée par nos propres uvres. Devait-on accepter la "supériorité" des Juifs convertis, et obliger les Gentils à se faire "circoncire selon le rite de Moïse" ?
Il faut remarquer que les envoyés de l'Eglise de Jérusalem n'étaient pas des imposteurs, ce que l'Eglise d'Antioche n'aurait pas manqué de remarquer. Ils devaient donc bénéficier de certaines "lettres de créance". Sinon il n'y aurait pas eu besoin de convoquer le concile de Jérusalem. Si aucun des responsables de l'Eglise de Jérusalem n'avait adhéré à cette position, si les partisans de cette doctrine avaient été relativement peu nombreux à Jérusalem, et même à Antioche, il n'y aurait eu aucun besoin de convoquer un concile à ce sujet.
Le fait qu'un concile ait dû être réuni est la preuve que beaucoup de membres de l'Eglise de Jérusalem devaient être dans l'incrédulité à ce sujet. Paul écrit dans Galates 5 :2 : "Voici, moi Paul, je vous dis que, si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de rien". Il fait aussi remarquer aux Galates : "Tous ceux qui veulent se rendre agréables selon la chair vous contraignent à vous faire circoncire, uniquement afin de n'être pas persécutés pour la croix de Christ" (Galates 6 :12). (Voir aussi Philippiens 3 :3, Colossiens 2 :10-11 et 3 :10-11, Romains 2 :24 à 3 :16).
La mort d'Ananias et de Saphira a clairement montré aux Chrétiens de l'époque que la conversion était une chose sérieuse. La dispute financière entre les Hellénistes et les Hébreux donna à Satan l'occasion de diviser pour conquérir, ce qu'il cherchait à faire. A présent, l'Eglise était confrontée au problème de savoir s'il fallait être circoncis pour être sauvé. La position officielle de l'Eglise de Jérusalem, représentée par les hommes qui s'étaient rendus à Antioche, était qu'il fallait être circoncis pour être sauvé. Nous n'insisterons jamais assez sur la gravité de ce problème. Car les envoyés de l'Eglise de Jérusalem n'étaient pas des imposteurs, ni des intrus. Il a fallu convoquer un concile de l'Eglise à Jérusalem pour débattre de la question. Compte tenu de ces faits, il semble évident que beaucoup de Chrétiens de l'Eglise de Jérusalem, et même de l'Eglise d'Antioche, devaient croire qu'on ne pouvait pas être sauvé sans être circoncis selon le rite de Moïse.
Paul et les autres se rendirent donc à Jérusalem pour en débattre. En chemin, et malgré cette divergence, Paul et Barnabas rendirent témoignage de la conversion des Gentils. Ils ne tenaient manifestement aucun cas de la position de ceux qui croyaient qu'il fallait être circoncis pour être sauvé, ce qui causa une grande joie à tous les disciples de Phénicie et de Samarie.
Quand ils arrivèrent à Jérusalem, ils annoncèrent toutes les grandes choses que Dieu avait faites par leur intermédiaire. Ces témoignages n'ont pas déclenché une grande manifestation de joie ! Au contraire, il est écrit : "Alors quelques-uns du parti des pharisiens, qui avaient cru, se levèrent, en disant qu'il fallait circoncire les païens et exiger l'observation de la loi de Moïse" (Actes 15 :5).
Je pose ici une question : "Comment se fait-il que "quelques-uns du parti des Pharisiens" aient pu s'introduire dans l'Eglise de Jérusalem ? Comment l'Eglise de Jérusalem a-t-elle pu tolérer cette situation ?" Ces hommes s'étaient convertis à Jésus-Christ, tout en continuant à adhérer à la secte des Pharisiens ! Ils continuaient à appartenir au même groupe qui avait crucifié le Seigneur Jésus ! Non seulement ils avaient conservé cette double appartenance, mais ils exerçaient assez d'influence pour rendre nécessaire la convocation d'un concile ! Ce sont des réalités que nous devons considérer avec soin ! Il semble donc que certains membres de l'Eglise de Jérusalem aient été assez appréciés par les Pharisiens pour ne créer aucun problème ni chez les Pharisiens, ni dans l'Eglise ! L'Eglise de Jérusalem devait avoir bien changé pour accepter une telle situation ! Mais les Pharisiens avaient aussi dû bien changer pour admettre cette même situation ! Ce sont des questions très importantes qui doivent nous faire réfléchir. Cela nous montre qu'il existait au sein de l'Eglise de Jérusalem un groupe important qui avait fini par être toléré, voire pleinement accepté par les Pharisiens.
Le concile de Jérusalem.
Actes 15 :7 nous apprend qu'une "grande discussion" s'engagea ! Il ne s'agissait plus de quelques trublions qui faisaient des vagues. Une bonne partie de l'Eglise croyait qu'il fallait être circoncis pour être sauvé. Finalement, Pierre se leva, et prononça les dernières paroles que le Livre des Actes nous rapporte de lui. Plus tard, dans sa deuxième épître, Pierre allait reconnaître l'importance du ministère de Paul (2 Pierre 3 :15-16). Pierre rappela au concile que c'est Dieu qui l'avait choisi, lui et personne d'autre, pour annoncer l'Evangile aux Gentils, afin qu'ils croient et qu'ils parlent en langues. Souvenez-vous de la manière dont Pierre avait été accueilli après la conversion de Corneille ! Certains membres du concile devaient certainement s'en souvenir !
Il est difficile de décrire Pierre devant le concile, en train de faire sa déclaration. Tel que je l'imagine, il devait avoir le visage congestionné, et sa voix devait trembler d'émotion et de conviction. Ses yeux étaient peut-être embués de larmes. Et je suppose que le silence devait être assourdissant quand il a dit : "Et Dieu, qui connaît les curs, leur a rendu témoignage, en leur donnant le Saint-Esprit comme à nous ; il n'a fait aucune différence entre nous et eux, ayant purifié leurs curs par la foi" (versets 8-9). Une telle déclaration ne pouvait être prononcée sans une certaine émotion ! Pierre leur disait, en fait : "Dieu n'a fait aucune différence entre nous, responsables de l'Eglise de Jérusalem, et les Gentils qui ont cru". Pour Dieu, il n'y avait absolument aucune différence !
Certains membres de l'auditoire ont dû froncer les sourcils et haïr Pierre, pour oser dire que les Juifs n'étaient pas meilleurs que ces modestes Gentils ! Mais Pierre ne s'arrêta pas là : "Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter ? (Verset 10). Pierre accuse les membres du concile de tenter Dieu ! C'est vraiment quelque chose d'extraordinaire ! Si un pasteur disait aujourd'hui : "Oh ! Ce concile de Jérusalem, ceux qui tentaient Dieu !", beaucoup de Chrétiens seraient choqués et ne comprendraient pas. Et pourtant, c'est exactement ce que Pierre dit au concile. J'imagine Pierre regardant en face tous ces Pharisiens convertis, leur disant avec une voie chargée d'émotion : "Mais c'est par la grâce du Seigneur Jésus que NOUS croyons être sauvés, de la même manière qu'eux" (verset 11). Il est clair que le "vous" de "tentez-vous" concerne les avocats de la circoncision, et que le "nous" du verset 11 concerne les avocats du salut par la grâce !
Ce sont les dernières paroles de Pierre dans le Livre des Actes. Il n'y a dans ses paroles aucun signe de compromis, d'hésitation ou de défaillance. Il ose dire aux Pharisiens convertis, comme à leurs partisans au sein du concile, qu'ils étaient en train de tenter Dieu, et que Dieu ne faisait aucune différence entre les Juifs et les Gentils.
L'Eglise de Jérusalem était bien loin du moment où les gens espéraient que même l'ombre de Pierre, en passant sur les malades, les guériraient ! Ces Pharisiens convertis pouvaient citer la Loi et étaler leur suffisance, mais ils n'avaient même pas pu accomplir ce que Pierre avait accompli en un seul jour de son ministère ! Au contraire, ils se contentaient de citer leurs livres, et de solliciter les votes de leurs partisans, pour tenter de gagner le concile ! Ils jouaient les personnages importants !
Quand Pierre eut fini de parler, Paul et Barnabas racontèrent tous les miracles et les prodiges que Dieu avait opérés au milieu des Gentils. Comment ces partisans de la circoncision pouvaient-ils ne pas tenir compte de ces miracles ? C'est sans doute pour cela que Paul et Barnabas ont donné tous ces témoignages. Ils espéraient que ces Pharisiens convertis changeraient d'avis en réalisant tout ce que Dieu avait accompli au milieu des Gentils. Les autres membres du concile n'ont pu manquer de remarquer le contraste frappant qu'il y avait entre Paul et Barnabas, et tous ces Pharisiens qui défendaient la circoncision. Paul, "Hébreu né d'Hébreux", avait été lui-même un Pharisien très strict (Philippiens 3 :5). Mais, contrairement aux Pharisiens du concile, il ne considérait plus ses références antérieures comme un gain. Il les considérait plutôt comme une perte, pour gagner Christ (Phil. 3 :7). Les Pharisiens convertis continuaient à se croire supérieurs, et ont même eu l'audace de s'opposer à Pierre, à Paul et à Barnabas, et à défendre ceux qui s'étaient rendus à Antioche pour enseigner la circoncision des Gentils. Ils étaient remplis de la sagesse des hommes, alors que Pierre, Paul et Barnabas avaient les yeux fixés sur la puissance de Dieu. Peut-être que Paul se souvenait de ce moment, quand il écrivait : "Ma parole et ma prédication ne reposaient pas sur les discours persuasifs de la sagesse, mais sur une démonstration d'Esprit et de puissance, afin que votre foi fût fondée, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu" (1 Cor. 2 :4-5).
Quand Paul et Barnabas eurent fini leur exposé, Jacques prit la parole, et c'est lui qui eut le dernier mot de ce concile. Il ne s'agissait pas, bien sûr, de l'apôtre Jacques, qui avait été mis à mort des années auparavant. Il s'agissait de Jacques, le frère de Jésus, et l'auteur de l'épître de Jacques. Il apparaît clairement qu'au moment de ce concile, il était le chef incontesté de l'Eglise de Jérusalem, parce que c'est lui qui prend la parole de dernier, et parce que c'est lui qui, au verset 19, énonce le verdict final. Près de 19 ans après la Pentecôte, Jacques, le frère de Jésus-Christ, occupait manifestement la position d'autorité suprême dans l'Eglise de Jérusalem. Un auteur très connu a même été jusqu'à dire : "Jacques émerge de ce concile comme le chef incontesté de l'Eglise de Jérusalem. Peut-être même était-il devenu le chef du Sanhédrin du nouvel Israël".
Que dit donc Jacques ? Met-il l'accent sur la grâce de Dieu, comme Pierre ? Non. Met-il l'accent sur les miracles et les prodiges, comme Paul et Barnabas ? Non. Il cite le prophète Amos, qui annonce le relèvement de la tente de David, et le choix d'Israël parmi toutes les nations, en ajoutant que le Seigneur "connaissait ces choses de toute éternité". La déclaration de Jacques paraît vraiment incongrue, à la fin d'un débat aussi essentiel pour le Christianisme. Pour ma part, je me suis dit, en lisant ce que Jacques dit : "Quel discours creux !"
Ce que dit Jacques n'est pas faux. Dieu connaît certainement toutes choses depuis la fondation du monde. Mais tous les membres du concile le savaient ! Ce n'étaient pas des néophytes ni des nouveaux convertis ! C'étaient les apôtres et les anciens de l'Eglise. C'étaient des hommes qui connaissaient bien l'Ancien Testament. Tous devaient forcément être d'accord sur les évidences énoncées par Jacques. Jacques, chef de l'Eglise de Jérusalem, allait donner son verdict concernant ce sujet vital de la circoncision éventuelle des Gentils, et voilà qu'il dit des platitudes sur l'omniscience de Dieu ! Plus je réfléchis à ces paroles, et plus je me pose des questions sur la compétence spirituelle de Jacques : "Pouvait-il réellement avoir de dernier mot sur un problème aussi important ?"
En fait, Jacques n'évoque même pas le problème qui avait nécessité la réunion du concile. Il fait allusion aux paroles de Pierre et admet qu'elles sont en accord avec les paroles des prophètes. Pourtant, Jacques parle de "Simon", au lieu d'employer le nom que Jésus a donné à Pierre. Jacques ne fait aucune allusion à Paul, ni à ce que Paul a dit. Mon malaise n'a donc fait que grandir vis-à-vis de Jacques. Il a été confirmé par ce que Paul écrit dans l'épître aux Galates : "Ceux qui sont les plus considérés - quels qu'ils aient été jadis, cela ne m'importe pas : Dieu ne fait point acception de personnes, - ceux qui sont les plus considérés ne m'imposèrent rien" (Galates 2 :6).
Le verdict de Jacques.
A la fin de son exposé, Jacques dit : "C'est pourquoi je suis d'avis qu'on ne crée pas des difficultés à ceux des païens qui se convertissent à Dieu" (verset 19). "Ne leur créez pas des difficultés !" Quelles difficultés ? Tout l'objet du concile était de prendre une décision au sujet de ce que les envoyés de l'Eglise de Jérusalem avaient prêché aux Chrétiens d'Antioche ! L'Eglise d'Antioche avait déjà été bien troublée par ces hommes ! Le concile n'avait pas été convoqué par des gens tranquilles ! C'étaient les hommes que Jacques avait envoyés de Jérusalem qui avait causé du trouble, trouble que même Paul et Barnabas n'avaient pu apaiser à Antioche ! En outre, on ne peut pas dire que Paul et les représentants de l'Eglise d'Antioche avaient été cordialement reçus à Jérusalem, quand ils sont venus pour tenter de résoudre le problème. J'ai donc envie de poser à Jacques cette question : "Jacques, est-ce que Jésus-Christ a bien sauvé les Gentils, ou ne sont-ils pas sauvés, parce qu'ils ne sont pas circoncis ?"
Jacques se garde bien de répondre à cette question. Mais il ajoute : "Qu'on leur écrive de s'abstenir des souillures des idoles, de l'impudicité, des animaux étouffés et du sang" (verset 20). Puis il précise quelle est la raison profonde de sa décision : "Car, depuis bien des générations, Moïse a dans chaque ville des gens qui le prêchent, puisqu'on le lit tous les jours de sabbat dans les synagogues" (verset 21). En d'autres termes, il affirme que les Gentils auront l'assurance de pouvoir entendre la loi de Moïse dans les synagogues, une fois qu'ils seront convertis ! Bref, Jacques demande de leur écrire une lettre qui leur causera quand même quelques problèmes. Sans doute ces problèmes seront-ils moins graves que si on leur demandait d'être circoncis. Mais c'est quand même une façon claire d'affirmer que les Juifs restent supérieurs aux Gentils.
La lettre proposée par Jacques ne dit pas clairement que les Gentils n'ont absolument pas besoin d'être circoncis après leur conversion. C'est ce qui peut troubler le plus les Gentils. Et cela les troublera certainement, car Jacques, au verset 24, ne désavoue pas nettement les hommes de Jérusalem qui sont venus prêcher à Antioche. Il se contente de dire qu'il ne "leur avait donné aucun ordre". Jacques n'affirme pas non plus clairement, comme Pierre l'avait fait, que "Dieu n'a fait aucune différence entre les Juifs et les Gentils".
Il est vrai que Jacques reconnaît qu'on ne doit pas forcer les Gentils convertis à être circoncis. Mais il cherche à s'attirer les bonnes grâces des Pharisiens membres du concile, en disant : "Car, depuis bien des générations, Moïse a dans chaque ville des gens qui le prêchent, puisqu'on le lit tous les jours de sabbat dans les synagogues". Les Pharisiens ne pouvaient qu'approuver chaleureusement cette déclaration. Ils devaient se dire : "Je vois où Jacques veut en venir. Nous finirons par faire accepter notre autorité par les Gentils, d'une manière ou d'une autre". Bref, Jacques a parfaitement joué le rôle de celui qui apaise la tempête. Il dit bien : "Ne leur créez pas des difficultés ! Dieu connaît toutes choses ! Nous avons la garantie de Moïse !"
Des questions concernant Jacques.
Quand j'ai commencé à étudier le concile de Jérusalem, je me suis posé un certain nombre de questions : "Qui est ce Jacques ?" "Est-ce un vrai Chrétien, ou un Chrétien dans la vie duquel il y a du mélange spirituel ?" "La décision du concile traduit-elle bien la pensée et la Parole de Seigneur ?" J'ai lu l'épître de Jacques. Il y mentionne deux fois le nom de Jésus, mais il ne parle pas du tout de la résurrection. Il proclame que "la foi sans les uvres est morte". Pourtant, Paul enseigne "qu'un homme est justifié par la foi, sans les uvres de la loi" (Romains 3 :28). Autrement dit, la foi sans les uvres est vivante !
Il y a dix ans, toutes ces questions ont commencé à se presser dans mon esprit, et je n'ai pas encore trouvé de réponse satisfaisante pour toutes. Toutefois, ma conviction que Jacques n'était pas un Chrétien vraiment spirituel m'a permis de répondre à un bon nombre de questions. J'espère que le présent livre aura commencé à déblayer le terrain.
D'autres ont peut-être écrit sur ce sujet, mais je n'ai pas pu le vérifier. Tout au moins n'ai-je pas pu découvrir comment Jacques avait pu se hisser à la tête de l'Eglise de Jérusalem. Tous les auteurs que j'ai consultés s'accordaient pour dire que Jacques était bien le chef de l'Eglise de Jérusalem au moment d'Actes 15, mais aucun d'entre eux n'a pu expliquer de quelle manière il l'est devenu. Hégésippe est le premier à avoir établi une liste des différents évêques de l'Eglise de Jérusalem, vers l'an 150. Il affirme que Jacques fut le premier évêque de Jérusalem. Mais il n'explique pas de quelle manière Jacques s'est hissé à cette position. Réaliser que Jacques a pu se retrouver au-dessus de Pierre dans l'Eglise de Jérusalem doit nous faire poser des questions, compte tenu des faits dévoilés par le Livre des Actes. Comment cela a-t-il pu arriver ? L'un de ceux qui a donné les meilleures explications est sans doute Marcion, au second siècle. Mais aucun de ses écrits n'a apparemment survécu. Ceux qui ont étudié la formation du Canon de l'Ecriture ne disposent que des commentaires critiques des ennemis de Marcion.
En étudiant Marcion, on apprend comment nous avons pu obtenir notre Bible actuelle, et qui étaient ceux qui ont décidé de son contenu. Tous les livres et articles que j'ai pu lire sur Marcion l'appellent "Marcion l'hérétique", comme si ce terme "d'hérétique" faisait partie de son patronyme ! Dans ma curiosité, je découvris un jour une vieille encyclopédie, où il était écrit : "On peut raisonnablement affirmer qu'au second siècle, personne n'avait pris la peine d'étudier sérieusement Paul, à l'exception de Marcion. Mais il faut aussi ajouter que Marcion n'est pas parvenu à bien comprendre Paul". Ce fut une révélation pour moi. Etait-il possible qu'au second siècle personne n'ait pris la peine d'étudier sérieusement les merveilleux écrits de l'apôtre Paul ? Je n'arrivais pas à le comprendre. Aujourd'hui encore, je n'arrive pas à comprendre comment cela a pu être possible. Pourtant, je crois qu'il était parfaitement possible qu'au sein de l'Eglise du second siècle, à l'exception de Marcion, personne n'ait tenté d'enseigner et de vivre les splendides vérités contenues dans les épîtres de Paul.
Vers l'an 140, Marcion fut excommunié par l'Eglise Catholique, parce qu'il avait déclaré que les seuls Livres du Nouveau Testament qu'il acceptait comme divinement inspirés étaient les épîtres de Paul, l'Evangile de Luc, et le Livre des Actes, parce que Luc avait participé aux voyages de Paul. Le Canon de Marcion est le plus ancien Canon que nous connaissions. Nous savons aussi que les partisans de Marcion ont pu tenir tête avec succès à l'influence de l'Eglise Catholique, entre le second siècle et le cinquième siècle. Quelqu'un a pu dire que Marcion avait été jugé hérétique de la même manière que Luther avait été déclaré hérétique en son temps : Marcion à cause de son Canon, et Luther parce qu'il avait expurgé la Bible de tous les Livres Apocryphes considérés comme inspirés par l'Eglise Catholique.
Il faut ajouter que Luther a aussi relégué l'épître de Jacques à une position secondaire dans le Nouveau Testament. Il la considérait comme une "épître de paille". Il faut aussi savoir que l'épître de Jacques n'a été considérée comme canonique qu'au quatrième siècle après Jésus-Christ, plus de trois cents ans après les événements relatés dans le Livre des Actes. S'il est vrai que les écrits de Paul n'ont survécu que grâce aux efforts persévérants de Marcion, au second siècle, on peut imaginer dans quel état d'incrédulité devait se trouver "l'Eglise organisée" à cette époque, et jusqu'au quatrième siècle !
La lettre rédigée par le concile de Jérusalem.
Tout cela nous a conduit bien loin d'Actes 15 :21 ! La déclaration de Jacques, à la fin du concile de Jérusalem, et ce qui se passe à partir d'Actes 15 :22, nous conduit à un certain nombre de réflexions. Après le concile, il a plu aux apôtres et aux anciens de choisir certains hommes de Jérusalem, pour raccompagner Paul et ses amis à Antioche. Il leur a plu également d'écrire une lettre reprenant les instructions de Jacques. Actes 15 :23-29 nous donne le contenu de cette lettre, qui pose un certain nombre de problèmes évidents.
Tout d'abord, la lettre admet que des gens partis de Jérusalem pour se rendre à Antioche ont bien causé un problème. La lettre reconnaît explicitement que ces hommes faisaient bien partie de l'Eglise de Jérusalem. Ils véhiculaient donc une doctrine autorisée par cette Eglise. On ne peut interpréter autrement le début de la lettre : "Ayant appris que quelques hommes partis de chez nous" (verset 24). Certes, la lettre dit aussi : "et auxquels nous n'avions donné aucun ordre". Cela revient à dire : "Nous ne leur avions pas demandé de vous dire que vous deviez être circoncis pour être sauvés". Cette lettre révèle donc beaucoup de choses sur l'Eglise de Jérusalem, tant par ce qu'elle dit, que parce qu'elle ne dit pas.
Mais la lettre ne dénonce pas expressément comme faux l'enseignement de ces hommes, qui proclamaient qu'il fallait être circoncis pour être sauvé. Cela prouve déjà que cet enseignement devait être très répandu dans l'Eglise de Jérusalem. Notez aussi que la lettre ne s'adressa pas seulement aux Gentils convertis d'Antioche, mais aussi à tous les Gentils convertis de Syrie et de Cilicie (Actes 15 :23). L'évangélisation de ces Gentils avait été entreprise par Paul, avant même que les églises de Judée ne connaissent le visage de Paul (Galates 1 :21-22). Le fait que la lettre s'adresse aussi aux Gentils de Syrie et de Cilicie montre clairement que le conflit entre les églises représentées par Paul, et les églises représentées par Jacques, était un conflit majeur !
Nous pouvons affirmer sans crainte de nous tromper que ce conflit était majeur et généralisé, et non local. Il ne s'agissait pas d'une fausse doctrine enseignée par quelques imposteurs s'adressant à un petit groupe insignifiant de Chrétiens d'Antioche. Ce problème a entraîné de très vives discussions au sein de toute l'Eglise d'Antioche. Il a fallu pour cela convoquer un concile à Jérusalem, qui a jugé bon d'envoyer des lettres à toutes les églises de Syrie et de Cilicie. Il est donc très probable que de nombreux représentants de Jacques et de l'Eglise de Jérusalem devaient voyager partout dans le monde pour enseigner cette doctrine, et dire à tous les Gentils convertis : "Si vous n'êtes circoncis selon le rite de Moïse, vous ne pouvez être sauvés" (Actes 15 :1).
La lettre ne dit pas que les envoyés de Jacques enseignaient des mensonges. Elle dit simplement que Jacques ne leur avait pas ordonné de dire ce qu'ils ont dit aux Gentils d'Antioche. En outre, la lettre ne pose pas correctement le problème. Elle ne mentionne rien en ce qui concerne les conditions du salut. Elle ne dit pas expressément que les Gentils ne doivent en aucun cas être circoncis, ni qu'ils ne doivent absolument pas observer la loi. Elle minimise le problème causé par les envoyés de l'Eglise de Jérusalem. Elle tend à dire qu'il ne s'agissait que de paroles, et que l'Eglise de Jérusalem n'avait pas ordonné à ces hommes d'enseigner ce qu'ils avaient enseigné.
Dans Galates 2 :11-13, nous voyons clairement que le conflit concernait d'un côté Paul, et de l'autre Jacques. Pierre s'est retrouvé pris au milieu de ce conflit, mais il a clairement pris le parti de Paul lors du concile. Voici ce qu'écrit Paul : "Mais lorsque Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible. En effet, avant l'arrivée de quelques personnes envoyées par Jacques, il mangeait avec les païens ; et, quand elles furent venues, il s'esquiva et se tint à l'écart, par crainte des circoncis. Avec lui les autres Juifs usèrent aussi de dissimulation, en sorte que Barnabas même fut entraîné par leur hypocrisie" (Galates 2 :11-13). Jacques était le chef du parti de la circoncision. Il exerçait sa domination par la crainte. Paul, en revanche, défendait l'Eglise de la liberté, et voulait la préserver du poison répandu par l'Eglise de l'esclavage.
Il est significatif de noter que la lettre du concile ne rapporte même pas exactement ce que les envoyés de Jérusalem enseignaient. Ils avaient dit : "Si vous n'êtes circoncis selon le rite de Moïse, vous ne pouvez être sauvés" (Actes 15 :1). La lettre, en revanche, déclare simplement que ces hommes "vous ont troublés par leurs discours et ont ébranlé vos âmes", sans en préciser la raison exacte. On a l'impression que la lettre cherche à couvrir le problème, et non à le résoudre !
Actes 15 :28 est le passage le plus important de la lettre : "Car il a paru bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous imposer d'autre charge que ce qui est nécessaire". La lettre affirme que ce qui a été jugé "nécessaire" "a paru bon au Saint-Esprit".
Certes, les auteurs de la lettre n'essayent pas de faire croire qu'ils se sont réunis avec le Saint-esprit et qu'ils sont tombés d'accord avec Lui ! Au verset 19, il n'y a aucune mention du Saint-Esprit. Jacques présente ce qu'il propose comme sa décision propre. Le concile n'a entendu aucune voix venant du Ciel. Aucun prophète ne s'est levé au milieu du concile pour proclamer : "Ainsi parle l'Eternel !" La lettre ne dit donc pas : "Ainsi parle l'Eternel !" Elle dit simplement : "Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous "
Quand Pierre s'était adressé aux membres du concile, il les avait accusés de "tenter Dieu" (verset 10), en essayant d'imposer aux Gentils un joug que ni eux ni leurs pères n'avaient pu porter. Puis il avait ajouté avec force que les Juifs seraient sauvés de la même manière que les Gentils, et non ne contraire ! Il est donc clair que la lettre du concile allait mettre sur les épaules des Gentils un nouveau joug, qui n'était pas paru bon au Saint-Esprit ! Le mot traduit par "je suis d'avis", au verset 19, nous prouve que le verdict final du concile n'a pas été sanctionné par le Saint-Esprit. En grec, il s'agit du verbe "dokeo", qui signifie "donner une opinion personnelle, juger selon l'apparence". Ce verbe n'a rien à voir avec une révélation reçue de Dieu.
Comment Paul a considéré les décisions du concile de Jérusalem.
L'épître de Paul aux Galates, écrite peu après le concile de Jérusalem, nous décrit la version de Paul, concernant ce qui s'était passé. Au chapitre 1, en disant : "Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père" (verset 1), l'apôtre exprime clairement qu'il ne s'associe pas à l'Eglise de Jérusalem.
Galates 1 :19 est souvent utilisé par ceux qui veulent affirmer que Jacques, le frère du Seigneur, était aussi un apôtre : "Mais je ne vis aucun autre des apôtres, si ce n'est Jacques, le frère du Seigneur". Il s'agit là de la seule "preuve" invoquée pour affirmer que Jacques était un "bon" Chrétien. Toutefois, le mot grec traduit par "autre" nous éclaire. Il s'agit du mot "heteros", qui signifie "un élément d'une autre espèce, d'un autre genre", alors que le mot "allos" signifie "un autre élément du même groupe". Ce que Paul dit, en fait, est ceci : "Je n'ai vu personne d'une autre "espèce" que les apôtres, sauf Jacques, le frère du Seigneur". Si Paul voulait dire que Jacques était un apôtre, il a utilisé un terme montrant qu'il considérait Jacques comme ne faisant pas partie de la même "espèce" d'apôtres que Pierre et les autres apôtres. Si c'est bien le cas, Paul aurait donc considéré Jacques comme l'apôtre d'un autre Evangile, celui qu'il décrit dans Galates 1 :6-9. Concernant cet "autre Evangile", Paul ne peut pas être plus sévère dans sa dénonciation. Au verset 8 comme au verset 9, il dit, à propos de ceux qui annoncent cet "autre Evangile" : "Qu'ils soient anathèmes (c'est-à-dire maudits) !"
A partir de ce fait, et de tout ce que nous avons vu jusqu'ici, il est difficile d'imaginer que Paul ait pu considérer Jacques comme un véritable apôtre. Il semble même que Paul serait le dernier à appeler Jacques "apôtre", surtout quand nous lisons Galates 1. Paul cherche clairement à prendre ses distances par rapport à l'Eglise de Jérusalem. D'ailleurs, Jacques ne se considère pas lui-même comme un apôtre dans son épître. Tandis que Pierre et Paul affirment sans ambiguïté leur apostolat dans leurs épîtres. Si Jacques avait été un apôtre, il n'aurait sans doute pas manqué de le signaler dans son épître.
Nous avons déjà souligné le fait que Jésus-Christ n'avait pas choisi son frère Jacques pour être apôtre. Nous avons attiré votre attention sur le fait que Jacques n'a pas été choisi non plus pour remplacer Judas, dans Actes 1. Si Paul avait voulu dire, dans Galates 1 :19, que Jacques était un véritable apôtre, nous devrions nous demander par qui, et quand, Jacques a-t-il été nommé à cette fonction. Après tout, quand Paul écrivait aux Galates, plus de 20 ans s'étaient écoulés depuis le début de l'Eglise. Dans 1 Cor. 15 :8-9, Paul écrit : "Après eux tous, il m'est aussi apparu à moi, comme à l'avorton ; car je suis le moindre des apôtres, je ne suis pas digne d'être appelé apôtre, parce que j'ai persécuté l'Église de Dieu". Certains ont pu écrire que Paul se considérait comme un "avorton d'apôtre". Si Paul considérait son propre ministère comme étant celui d'un "avorton d'apôtre", il est difficile de concevoir qu'il ait considéré Jacques comme un apôtre, au plein sens du terme !
Il faudrait donc plutôt traduire Galates 1 :19 de cette manière : "Mais, à part les apôtres, je n'ai vu personne, si ce n'est Jacques, le frère du Seigneur". Il semble donc clair que Paul ne considère pas Jacques comme un apôtre. Ce dernier n'est appelé "apôtre" nulle part ailleurs dans l'Ecriture.
Dans Galates 2, Paul raconte sa propre version du concile de Jérusalem. Il dit au verset 2 qu'il s'est rendu à Jérusalem "d'après une révélation". Dans Actes 15 :2, nous voyons que l'Eglise d'Antioche a décidé d'envoyer Paul, et quelques autres, à Jérusalem. Paul précise qu'il s'y est rendu après avoir reçu une révélation de Dieu. Cela signifie qu'il ne s'y serait pas rendu, même après avoir été choisi par l'Eglise d'Antioche, s'il n'avait pas reçu cette révélation.
Il ajoute, dans Galates 2 :2 : "Je leur exposai l'Evangile que je prêche parmi les païens, je l'exposai en particulier à ceux qui sont les plus considérés, afin de ne pas courir ou avoir couru en vain". Cette phrase nous prouve à quel point Paul était impopulaire à Jérusalem. Paul dit aussi au verset 6 : "Ceux qui sont les plus considérés ne m'imposèrent rien". Au verset 9, Paul dit que Jacques, Pierre et Jean lui ont conseillé d'aller évangéliser les païens, alors qu'eux-mêmes iraient vers les Juifs. Pourtant, quel était l'appel véritable que Dieu avait lancé à Paul ? Dans Actes 9 :15, le Seigneur dit Lui-même à Ananias, à propos de Paul : "Va, car cet homme est un instrument que j'ai choisi, pour porter mon nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d'Israël". Paul ne dit nulle part qu'il a scrupuleusement observé les recommandations de Jacques, de Pierre et de Jean ! A l'évidence, le Livre des Actes et les propres épîtres de Paul montrent qu'il n'a pas du tout respecté ces recommandations ! Après le concile de Jérusalem, Paul a exercé son ministère devant les rois, les Gentils, et les fils d'Israël !
Dans Galates 2 :10, Paul écrit : "Ils nous recommandèrent seulement de nous souvenir des pauvres, ce que j'ai bien eu soin de faire". Paul ne mentionne nullement la lettre du concile à l'Eglise d'Antioche, ni une intervention quelconque du Saint-Esprit pour approuver cette lettre. Au contraire, la suite de l'épître aux Galates nous montre que, quand Pierre s'est rendu à Antioche, Paul dut lui résister en face, car il s'était plié aux exigences du parti de la circoncision, dirigé par Jacques. Cela se passait après le concile de Jérusalem !
Galates 2 :12-13 nous raconte ce qui s'était passé : "En effet, avant l'arrivée de quelques personnes envoyées par Jacques, il (Pierre) mangeait avec les païens ; et, quand elles furent venues, il s'esquiva et se tint à l'écart, par crainte des circoncis. Avec lui les autres Juifs usèrent aussi de dissimulation, en sorte que Barnabas même fut entraîné par leur hypocrisie". Pierre mangeait librement avec les païens avant l'arrivée des représentants de Jacques. Mais, quand ils arrivèrent, Pierre se sépara des païens, par crainte des membres du parti de la circoncision ! Même Barnabas fut entraîné par leur hypocrisie ! L'un des "piliers" de l'Eglise (selon Galates 2 :9), c'est-à-dire Pierre, en est venu à avoir peur d'un autre "pilier", Jacques ! Peut-on dire, par conséquent, que la lettre écrite à la suite du concile de Jérusalem ait réglé tous les problèmes au sein de l'Eglise d'Antioche ? Non ! Cette lettre semble donc n'être qu'une simple tentative d'imposer l'autorité de l'Eglise de Jérusalem à celle d'Antioche, et à toutes les autres églises qu'avait créées Paul.
Tout ce que Paul nous décrit dans Galates 2 nous prouve que l'Eglise de Jérusalem se considérait toujours comme supérieure aux Gentils. A la suite de cette division entre l'Eglise de Jérusalem et celle d'Antioche, Pierre lui-même en est venu à craindre Jacques ! Est-ce que l'on peut donc dire que la lettre du concile ait pu être considérée comme "bonne " par le Saint-Esprit ? Manifestement, cela n'était pas le cas ! Il nous semble également évident que toutes les mentions faites par Paul, dans ses épîtres, du "parti de la circoncision", ne concerne pas les Juifs non convertis de Jérusalem, mais plutôt les Juifs convertis de l'Eglise de Jérusalem, dirigés par Jacques, le frère de Jésus-Christ. Ces Juifs étaient restés les enfants de l'esclave.
Paul résume sa position dans Galates 2 :21 : "Je ne rejette pas la grâce de Dieu ; car si la justice s'obtient par la loi, Christ est donc mort en vain". Il se démarque clairement de l'Eglise de Jérusalem, qui rejetait la grâce de Dieu, mais sans l'admettre publiquement. Pourtant, par son comportement, elle laissait bien entendre que Jésus-Christ était mort en vain.
C'est la loi qui s'oppose à la grâce de Dieu. La lettre rédigée à l'issue du concile de Jérusalem est une tentative claire de s'opposer à la grâce de Dieu. Jacques dit dans son épître que celui qui doute "est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies" (Jacques 1 :8). Et "qu'un tel homme ne s'imagine pas qu'il recevra quelque chose du Seigneur" (verset 7). Jacques prétend fixer des limites à la capacité de Dieu ! Combien de Chrétiens se sont condamnés eux-mêmes en lisant ces versets, sachant qu'ils avaient des questions sans réponse au sujet des choses de Dieu, et se demandant donc s'ils étaient assez "bons" pour recevoir quoi que ce soit de Dieu ! Combien de telles paroles s'opposent à la grâce de Dieu ! Jean dit en revanche : "Si notre cur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cur, et il connaît toutes choses" (1 Jean 3 :20). Ces paroles nous encouragent à compter sur la grâce de Dieu.
Même lorsque nous sommes frustrés et troublés dans nos pensées, Dieu est désireux et capable de diriger nos pas et de nous donner la stabilité dont nous avons besoin. Celui qui a l'Esprit de Dieu n'est pas "inconstant dans toutes ses voies" ! Il peut penser à tort qu'il l'est. Mais tout ce qu'il doit faire est se reposer sur Son Seigneur, Jésus-Christ, qui le délivrera !
Paul dit dans Galates 3 :11 que le "juste vivra par sa foi". Mais cette foi s'appuie sur la fidélité de Dieu, et non sur la nôtre ! Ce sont des paroles d'encouragement merveilleuses ! Nous pouvons oublier tous les slogans subtils censés nous encourager, mais conçus en fait pour nous condamner, comme : "Aie plus de foi !" ou "Renouvelle ton intelligence !" Nous pouvons nous reposer dans la profonde paix de Dieu, dans l'assurance qu'Il nous délivrera, qu'Il pourvoira à nos besoins, qu'Il nous réconfortera, et qu'Il nous enseignera. Ce n'est pas nous qui devons porter le joug. Il a été placé sur les épaules de Jésus-Christ. C'est Lui qui a porté l'iniquité de nous tous (Esaïe 53 :5). Grâce à cela, nous pouvons "demeurer fermes", et ne pas nous laisser "mettre de nouveau sous le joug de la servitude" (Galates 5 :1). Car "c'est pour la liberté que Christ nous a affranchis".
Jacques contre Pierre, Paul et Barnabas.
Il serait sans doute bon de dire quelque chose concernant le comportement apparemment contradictoire de Pierre et de Barnabas. Il faut aussi leur adjoindre Paul, car, dans Actes 16 :3, il est écrit que Paul a circoncis Timothée, et, dans Actes 16 :4, qu'en "passant par les villes, ils recommandaient aux frères d'observer les décisions des apôtres et des anciens de Jérusalem". Il est certain que Paul faisait tout ce qu'il pouvait pour rester en harmonie avec l'Eglise de Jérusalem. Mais il comprit plus tard qu'il lui était impossible de le faire, comme on le voit dans ses épîtres. Il alla même jusqu'à vouloir se rendre à Jérusalem pour tenter de se réconcilier avec cette Eglise, malgré le fait que Dieu lui ait demandé de ne pas le faire (Actes 21 :4). Il considérait que ses efforts en vue d'une réconciliation étaient plus importants que sa propre vie (Actes 20 :24). Mais une telle réconciliation, avec des hommes orgueilleux et remplis de leur propre justice, n'était absolument pas possible. Toute réconciliation fondée sur autre chose que l'amour de Dieu et l'autorité de Jésus-Christ n'est que pure folie !
Il faut donc voir clairement que Pierre, Barnabas et même Paul, tout en étant des serviteurs de Dieu qui ont accompli des exploits par la puissance du Seigneur, ont aussi parfois commis des erreurs. Cela doit représenter un encouragement pour nous, pour que nous sachions que nous aussi, nous pouvons accomplir des exploits, par la puissance de Celui qui nous donne le vouloir et le faire. Même si nous faisons des erreurs, et même si nous nous condamnons nous-mêmes, Dieu ne nous condamne pas. La première épître de Jean attire constamment notre attention sur le fait que Dieu est plus grand que notre cur, même quand notre cur nous condamne.
Mais, en ce qui concerne Jacques, il s'agit d'autre chose. La Bible ne nous cite aucun exploit qu'il a pu accomplir. En fait, Jésus lui a même dit que le monde ne pouvait pas le haïr. Ce sont les épîtres de Paul qui nous font le mieux comprendre comment Jacques a pu devenir le chef de l'Eglise de Jérusalem. C'est parce que la majorité des Juifs convertis de Jérusalem avaient choisi de marcher par la chair, et non par l'esprit. C'est pour cette raison que nous voyons, en la personne de Jacques, le premier cas de népotisme mentionné dans l'Eglise.
Les Juifs convertis, membres du parti de la circoncision, ont très bien pu se dire : "En l'absence de Jésus-Christ, quel autre homme que Jacques, son propre frère, pourrait, mieux que lui, devenir le chef de l'Eglise ?" Apparemment, leur réponse était claire : "Personne !" Il est difficile d'imaginer comment Pierre ait pu en venir à craindre un homme comme Jacques. Peut-être a-t-il été motivé par son grand amour pour Israël, ou par la pensée qu'il pouvait faire plus de bien à ceux qui judaïsaient, en étant au milieu d'eux plutôt que contre eux ? C'est la raison qu'invoquent souvent aujourd'hui ceux qui veulent rester dans des groupes qui s'opposent de plus en plus au Seigneur. Il est certain que la crainte de Pierre n'était pas causée par la lâcheté ou la couardise. Pierre n'était pas un lâche. Comme Paul ,Pierre a fini par se démarquer de l'Eglise de Jérusalem. Quand nous lisons la fin de ses deux épîtres, il semble qu'il ait fini sa vie à Rome ou à Babylone, selon la signification que l'on donne à la "Babylone" dont il parle. De toute manière, nous ne pouvons pas sous-estimer l'uvre accomplie par Pierre.
En ce qui concerne Israël, en tant que nation, il s'agit d'une autre affaire. Comme l'a dit un auteur, "Israël s'est empressé d'accepter la grâce de Dieu, mais a refusé de persévérer dans cette grâce". Pierre, autrefois si considéré par les enfants d'Israël, en vient à se séparer des Gentils à Antioche, par crainte des circoncis. Il y a de quoi être profondément étonné, car je ne doute pas que la crainte de Pierre ait été bien réelle. Toutefois, ce que nous savons de lui nous permet de penser qu'il n'a pas agi par faiblesse. Il a plutôt dû penser aux conséquences de son comportement au sein de l'Eglise de Jérusalem, si celle-ci avait appris qu'il avait mangé avec des Gentils à Antioche ! Cela aurait peut-être provoqué une insurrection ! Nous n'en savons rien. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que Paul a dit publiquement à Pierre qu'il avait tort, même s'il n'était pas motivé par la lâcheté.
Galates 2 nous montre que la guerre entre les hommes charnels et les hommes spirituels est une guerre réelle. En tant que nation, Israël a perdu cette guerre. Toutefois, au regard de cette défaite, nous voyons, dans la suite du Livre des Actes, beaucoup de choses glorieuses. Il n'existe pas de meilleur récit de la délivrance et de la grâce de Dieu !