A251. Les deux voies de l'Eglise primitive (8).
Par David A. Anderson. L'original peut être consulté en anglais à l'adresse suivante :
http://www.en.com/users/anders/chapter2.htmlReproduction de la traduction française autorisée, pourvu quelle soit intégrale, et que les sources soient indiquées. Publié originellement en anglais en 1997, revu et corrigé en 1999. Adresse de l'auteur : David A. Anderson, 924 Richmond Road, Lyndhurst, OHIO 44124 (USA). E-mail :
anders@en.comNous publions ici, sous forme d'une série d'articles, et avec l'accord de l'auteur, un livre écrit par David Anderson. Ce livre nous semble éclairer particulièrement bien le conflit qui existait au sein de l'Eglise primitive entre la loi et la grâce, les partisans de la loi étant conduits par Jacques, le frère du Seigneur, et ceux de la grâce par l'apôtre Paul. Ce livre est parfaitement d'actualité, car le même conflit peut toujours être observé dans l'Eglise aujourd'hui. Il continue d'opposer ceux qui marchent selon la chair et ceux qui marchent selon l'esprit. La publication complète de cet ouvrage s'étalera sur plusieurs semaines, d'autres articles pouvant aussi être publiés en même temps.
Chapitre 7 : La délivrance est apportée aux nations.
"Sachez donc, hommes frères, que c'est par lui que le pardon des péchés vous est annoncé, et que quiconque croit est justifié par lui de toutes les choses dont vous ne pouviez être justifiés par la loi de Moïse Car ainsi nous l'a ordonné le Seigneur : Je t'ai établi pour être la lumière des nations, Pour porter le salut jusqu'aux extrémités de la terre. Les païens se réjouissaient en entendant cela, ils glorifiaient la parole du Seigneur, et tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle crurent" (Actes 13 :38-39, 47-48).
Luc commence Actes 13 en racontant comment le message de la grâce s'est répandu parmi les nations, par le ministère de l'apôtre Paul. Nous sommes alors aux environs de l'an 46, 16 ans après le jour de la Pentecôte. C'est par la bouche de Juifs convertis que les Gentils reçoivent le privilège d'entendre l'Evangile. Mais ces hommes ont été choisis par Dieu. Ils n'ont pas été choisis ni sanctionnés par les autorités religieuses humaines de Jérusalem. En fait, l'Evangile a atteint les Gentils malgré l'opposition des autorités humaines de Jérusalem.
Quelques observations sur l'antisémitisme.
Aujourd'hui, dans la plupart des milieux chrétiens, on nous demande de prendre position pour ou contre Israël. D'un côté se regroupent tous ceux qui honorent Israël en tant que nation, et qui croient que nous serons bénis si nous bénissons la nation d'Israël. Cette croyance vient de l'Ancien Testament. Mais les Ecritures de l'Ancien Testament ont été transcendées par la venue de Jésus-Christ. Les Chrétiens doivent vivre dans la connaissance du caractère inconditionnel de la grâce de Dieu. Elle ne dépend pas de notre attitude "correcte" envers une nation quelconque.
De l'autre côté, il y a tous ceux qui haïssent Israël en tant que nation, et qui attribuent tous les problèmes du monde à Israël. Pour eux, Israël est le bouc émissaire, et le responsable de tous les maux de notre planète. Un tel antisémitisme est très répandu et très profond.
Ni l'antisémitisme, ni son contraire, un attachement excessif à Israël, ne constituent la juste attitude. Ces deux positions relèvent des raisonnements de l'homme naturel. Les efforts des deux camps ne sont pas orientés dans la bonne direction, malgré la sincérité des protagonistes. Depuis la venue de Jésus-Christ, le problème est centré sur l'acceptation ou le rejet du Seigneur, auquel Dieu a donné "toute autorité dans le ciel et sur la terre".
Pour des Chrétiens, qui ont accepté l'autorité suprême de Jésus-Christ, le fait d'être pour ou contre la nation d'Israël les distrait de leur véritable mission, qui est de réconcilier tous les hommes avec Dieu. Ceux qui ont accepté Jésus-Christ comme leur Seigneur devraient se consacrer à Le servir, au lieu de se disputer sur le fait de savoir si Israël est supérieur aux autres nations ou non. De telles discussions ne font que révéler l'incrédulité de ceux qui s'y engagent. Ceux-ci ne se sont pas réellement soumis à l'autorité de Jésus-Christ. Ni les uns ni les autres ne connaissent assez Jésus-Christ pour comprendre la futilité de telles discussions. Jésus-Christ n'est pas venu pour sauver des nations, ni pour les condamner. Il n'est pas venu non plus sauver des groupes ou des factions. Il est venu pour sauver des êtres humains, tous les êtres humains. Dieu "veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (2 Tim. 2 :4).
L'argument essentiel de l'antisémitisme "chrétien" est qu'Israël, en tant que nation, a été responsable de la crucifixion de Jésus-Christ. Je me suis efforcé de montrer que l'acceptation de Jésus-Christ par Israël, après la résurrection, a été bien plus étendue qu'on le croit généralement. Si ce tableau est correct, l'argument invoqué contre Israël n'est plus justifié, puisque de très nombreux Juifs ont manifestement reçu le pardon de Dieu à cette époque. Il est très possible que même ceux qui avaient crié : "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants" se soient convertis et aient accepté Jésus-Christ comme leur Sauveur et Seigneur. Je crois aussi qu'aucune autre nation ne peut se glorifier d'avoir eu autant de convertis à Jésus-Christ que la nation d'Israël du premier siècle. Par ailleurs, il est également vrai qu'aucune autre nation du monde n'a eu la nuque aussi raide que la nation d'Israël. Bref, quels que soient nos critères d'évaluation, on ne peut dire que la nation d'Israël soit très sensiblement différente des autres nations, quant à la qualité de sa relation avec Dieu. Ceux qui ont accepté l'uvre parfaite accomplie par Jésus-Christ peuvent marcher en nouveauté de vie. Les autres restent encore enfoncés dans leur ancienne vie, qui ne leur apporte pas grand-chose.
En vérité, le bien et le mal existent en Israël tout comme dans n'importe quelle autre nation du monde. Les hommes et les femmes de toutes les nations sont appelés à prendre position vis-à-vis de Jésus-Christ, et à accepter Son autorité suprême. Les Chrétiens ne devraient donc pas s'occuper de la question futile de savoir si la nation d'Israël est supérieure aux autres ou non. Quand le Seigneur Jésus rassemblera Son Eglise, Il soumettra toutes les nations à Son autorité. D'ici là, il est peu probable qu'une nation quelconque accepte de se soumettre à l'autorité suprême de Jésus-Christ. Si Jésus-Christ S'est souvent retenu d'exercer Son autorité, cela ne signifie pas qu'Il manque d'autorité. Tôt ou tard, les hommes découvriront la réalité de Son autorité ! Le Seigneur intervient parfois "en force" dans les affaires des hommes. Mais, pour des raisons qui Lui sont propres, Il accorde à toutes les nations le privilège de faire des erreurs, et de manifester de l'arrogance envers Son autorité.
Aujourd'hui, nous entendons beaucoup parler de la "tradition judéo-chrétienne". Si cette expression implique le fait que Jésus-Christ soit au centre de cette "tradition", le message est clair. Mais si elle implique que Jésus-Christ est absent, cette expression ne veut rien dire et ne mène à rien. Hélas, on emploie en général cette expression pour dire que Juifs et Chrétiens ont certaines choses en commun, mais que cela n'a rien à voir avec Jésus-Christ. Ni la tradition juive, ni la tradition chrétienne ne doivent nous intéresser, si Jésus-Christ n'est pas reconnu comme Celui qui a reçu "toute autorité dans le ciel et sur la terre".
En continuant à étudier le Livre des Actes, nous verrons que les principaux persécuteurs de l'Evangile étaient des Israélites. Mais les principaux défenseurs de l'Evangile ont aussi été des Israélites ! Les plus célèbres sont les apôtres Pierre et Paul et, bien sûr, Jésus-Christ Lui-même ! Bref, les bénédictions de Dieu ont atteint les nations grâce à Israël, mais aussi en dépit d'Israël.
Pierre, tout d'abord accepté, est ensuite rejeté.
Les douze premiers chapitres des Actes nous ont montré l'essor de l'Evangile à Jérusalem, puis son rejet. Le traitement infligé à Pierre ne fait que représenter le traitement qui a été réservé à Jésus-Christ : après avoir été avidement accepté, Il a fini par être rejeté. Tout le peuple de Jérusalem (à l'exception de ses chefs), a bénéficié avec joie des guérisons qui accompagnaient le ministère de Pierre, au point que les malades recherchaient même son ombre pour être guéris. Pourtant, les Juifs convertis n'ont pas apprécié que Pierre se rende dans la maison d'un Gentil (Actes 10).
Pierre était recherché pour les bénédictions qui l'accompagnaient. Mais il finit par être rejeté par ceux qui le maudissaient. Alors qu'il avait le soutien de tout le peuple, il finit par être arrêté, parce que le souverain pensait qu'il serait agréable au peuple d'emprisonner l'apôtre. Alors que c'était le peuple qui recevait le salut de Dieu par les mains de Pierre, c'est à présent Pierre qui a besoin d'être sauvé par Dieu des mains de ceux qui lui en voulaient ! Dans Actes 5, nous voyons qu'il n'y avait aucun indigent dans l'Eglise. Dans Actes 12, c'est la famine qui sévit.
Quel incroyable changement, en l'espace d'environ quinze ans ! A partir d'Actes 13, nous voyons que les nations reçoivent les bénédictions de Dieu en dépit d'Israël, au lieu de les recevoir grâce à Israël. Au début du livre des Actes, Israël, en tant que nation, était l'instrument de Dieu pour transmettre Ses bénédictions. A présent, la nation d'Israël agit plutôt pour restreindre les bénédictions de Dieu. Cette nation qui, dans le plan divin, devait être une nation de sacrificateurs, devient une nation de persécuteurs.
Barnabas et Paul sont envoyés en mission.
Actes 13 nous présente le premier voyage missionnaire de Paul. Près de onze ans se sont passés depuis la conversion de Paul, en 35. Nous ne savons pas grand-chose de ce que Paul a fait au cours de ces onze ans. Comme Jésus l'avait appelé à "porter Son nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d'Israël" (Actes 9 :15), nous pouvons raisonnablement supposer que c'est ce qu'il a fait pendant cette période. Nous n'avons aucune raison de croire qu'il ait été moins efficace pendant ces onze ans que par la suite.
On pense en général que le premier païen à se convertir a été le centenier Corneille. Mais il ne faut pas oublier que Paul s'était converti trois années auparavant, et qu'il commença aussitôt "à prêcher Christ" (Actes 9 :20). En outre, dès le premier jour de l'église, des multitudes se sont converties à Christ, et beaucoup de ces convertis se sont dispersés dans le monde entier. Il est inconcevable qu'aucun païen ne se soit converti avant la visite de Pierre à la maison de Corneille, près de huit années plus tard. Lors du concile de Jérusalem, Pierre avait déclaré : "Vous savez que dès longtemps (avant l'an 49) Dieu a fait un choix parmi vous, afin que, par ma bouche, les païens entendissent la parole de l'Evangile et qu'ils crussent" (Actes 15 :7). Pierre leur dit en fait que Dieu l'avait choisi, parmi tous les anciens de Jérusalem, pour se rendre dans la maison de Corneille. Mais cela n'implique pas qu'aucun autre Chrétien n'ait jamais évangélisé un païen, depuis le jour de la Pentecôte.
La conversion de Corneille est présentée au concile de Jérusalem comme une preuve indiscutable que Corneille avait parlé en langues sans être circoncis. Pierre et six autre témoins avaient pu le confirmer. Mais on ne peut déduire du cas de Corneille qu'aucun païen n'avait jamais été converti à Christ auparavant. Car cela aurait signifié que Dieu aurait attendu environ huit ans avant de permettre aux Gentils d'être sauvés. Une telle supposition ne ferait pas justice à la grâce de Dieu, car, depuis la résurrection, rien n'empêchait les païens de recevoir le salut en Jésus-Christ. Aucune condition supplémentaire ne devait être accomplie. Il n'était pas nécessaire d'attendre que les Juifs, dans leur ensemble, finissent par rejeter le message de l'Evangile, pour que des Gentils commencent à se convertir. Il est donc raisonnable de penser que certains Gentils se sont convertis au cours des huit premières années de l'Eglise, même si certains ont pu être poussés à devenir des prosélytes après leur conversion.
De toute manière, après la conversion de Paul sur le chemin de Damas, nous savons qu'il se rendit en Arabie. Puis il revint à Damas. Trois ans plus tard, il se rendit à Jérusalem pour voir Pierre. A cette occasion, il rencontra aussi Jacques, le frère de Jésus (Galates 1 :17-19). Puis il se rendit en Syrie et en Cilicie. Il demeura à Tarse, jusqu'à ce que Barnabas vienne le chercher pour le conduire à Antioche. Puis, accompagné de Barnabas, il revint en Judée pour apporter les dons des Chrétiens d'Antioche, pendant la famine. C'est à peu près tout ce que nous savons des onze premières années de son ministère.
Actes 13 nous dit que le ministère de Paul commença vers l'an 46. Le Livre des Actes se termine sur le récit du premier emprisonnement de Paul à Rome, vers l'an 62. Tout le Livre des Actes couvre une période d'environ 33 ans, dont la première moitié concerne l'Eglise de Jérusalem, et l'autre moitié le ministère de Paul au milieu des Gentils.
Dans Actes 13 :1-2, nous voyons que certains prophètes et docteurs d'Antioche reçurent par révélation (parole de sagesse ou de connaissance, selon 1 Cor. 12 :7-10) de mettre à part Barnabas et Saul pour l'uvre à laquelle Dieu les appelait. Il est important de comprendre que les instructions données à Paul ne venaient pas de l'Eglise de Jérusalem, ni des apôtres de Jérusalem, ni des anciens de Jérusalem. L'Eglise de Jérusalem n'avait rien à voir avec cette uvre. Elle ne l'avait pas initiée, ni approuvée, ni désapprouvée. Ce fut une uvre initiée par Dieu, et approuvée par les prophètes et les docteurs de l'Eglise d'Antioche.
Nous ne savons pas de quelle manière Dieu a révélé Sa volonté aux cinq hommes nommés au verset 1. Nous savons seulement que Dieu leur a révélé Sa volonté. Ces hommes servaient le Seigneur et jeûnaient, lorsque le Saint-Esprit a parlé. On ne nous dit pas s'ils ont entendu une voix, s'ils ont reçu une vision, ou s'ils ont été visités par un ange.
Mais il est important de réaliser qu'il ne s'agissait pas d'un consensus entre les cinq hommes, ni d'un vote à la majorité, ni même la volonté de ce groupe. Ce fut une révélation directe de Dieu. C'était la volonté de Dieu. Ces cinq hommes ont eu le privilège de recevoir la volonté spécifique de Dieu, qui avait prévu de mettre à part Barnabas et Paul pour l'uvre à laquelle Il les appelait.
On doit souligner le fait que l'Eglise d'Antioche n'a pas été le fruit du ministère de l'Eglise de Jérusalem. Les croyants de Jérusalem n'ont rien eu à voir avec la création et la croissance de l'Eglise d'Antioche. Dans Actes 11 :19, nous voyons qu'une persécution survint à Jérusalem après la mort d'Etienne. Nous ne savons pas ce qu'avait dit ou fait Etienne pour provoquer cette persécution. Etienne fut mis à mort, et sa mort fut immédiatement suivie de la dispersion des Chrétiens de Jérusalem.
La composition de l'Eglise d'Antioche.
Actes 11 :19 nous apprend que les Chrétiens qui avaient été chassés de Jérusalem sont allés en Phénicie, et jusqu'à Chypre et Antioche, "annonçant la parole seulement aux Juifs". Dans Actes 8 :1, ceux qui ont fui la persécution de Jérusalem ont été dispersés dans toute la Judée et la Samarie. Dans Actes 11 :19, environ quatre ans après, nous apprenons que certains sont allés bien plus loin encore. Phénix est un port situé au sud de la Crète. Il est mentionné aussi dans Actes 27 :12, lors du voyage de Paul à Rome. Ce port est à près de 1.000 kilomètres de Jérusalem. Chypre est à 400 kilomètres de Jérusalem. Antioche de Syrie est à près de 500 kilomètres de Jérusalem.
Nous voyons que les Juifs convertis voyageaient dans tout le monde connu de l'époque. Nous lisons dans Actes 11 :20 "qu'il y eut cependant parmi eux quelques hommes de Chypre et de Cyrène, qui, étant venus à Antioche, s'adressèrent aussi aux Grecs, et leur annoncèrent la bonne nouvelle du Seigneur Jésus". Cyrène se trouve sur la côte africaine de la Méditerranée, dans la Libye actuelle, à 1.300 kilomètres de Jérusalem. En citant tous ces endroits, Luc semble vouloir nous montrer à quel point le Christianisme s'est répandu au loin. Il précise aussi que ceux qui sont partis de Jérusalem n'ont prêché l'Evangile qu'à des Juifs.
Il faut savoir que les voyages, au premier siècle, n'étaient pas aussi difficiles que certains pourraient le penser. Les historiens nous disent que ce n'est qu'au douzième siècle que l'on a fait quelques progrès dans les techniques de transport. Les routes romaines étaient bonnes. L'empire romain assurait la sécurité des déplacements et des voyages, grâce à ses lois et à ses armées. La mer Méditerranée était en fait un lac intérieur pour l'empire romain. Les voyages en bateau étaient très fréquents et sûrs. On sait par exemple qu'un certain marchand a fait plus de cinquante voyages entre Rome et l'Asie au cours de sa vie.
Les "Grecs" d'Antioche.
Dans Actes 11 :20, nous voyons que quelques Chrétiens de Chypre et de Cyrène vinrent à Antioche et s'adressèrent aussi aux "Grecs". Ceux qui sont venus prêcher aux Grecs étaient, si l'on peut dire, des Chrétiens de la "seconde génération". Ils ne connaissaient pas l'Eglise de Jérusalem. En d'autres termes, les Grecs d'Antioche reçurent l'Evangile de la bouche de Juifs convertis qui ne venaient pas de Jérusalem. Cela nous suggère donc que certains Juifs convertis ont voulu se consacrer davantage à la prédication de l'Evangile, et ont préféré se rendre à Antioche plutôt qu'à Jérusalem. Nous savons que, 60 ans environ après le début de l'Eglise, Antioche était un centre chrétien très actif.
Actes 11 :20 parle de "Grecs". Le mot du texte original est "hellenistas" (qui devrait être traduit par "Hellénistes", et non par "Grecs". En grec, le mot "Grecs" se dit "hellenas"). C'est en outre la dernière fois que ce mot apparaît dans le Livre des Actes. Pour moi, il s'agit du verset le plus difficile de tout le Livre des Actes, et je ne suis pas le seul à être de cet avis. L'emploi du mot "hellenistas" dans ce verset a présenté un problème, au moins depuis l'époque de Jean Chrysostome (vers 375 après JC). Certains des manuscrits les plus anciens portent le mot grec "hellenas", et non "hellenistas", sans doute dans l'intention de résoudre ce problème, afin de suggérer que l'Evangile a été annoncé à des Grecs, et non à des Juifs ayant adopté la civilisation grecque. Même si certains manuscrits portent le mot "hellenas", on a de bonnes raisons de penser que les auteurs de ces manuscrits ont volontairement changé le mot choisi par Luc, qui est clairement "hellenistas", comme dans Actes 6 :1 et 9 :29, ainsi que le prouvent la plupart des manuscrits les plus anciens.
Reste à savoir ce que Luc a tenté de nous dire en employant le mot "hellenistas" dans Actes 11 :20. Le problème est d'autant plus grand que Luc est le seul auteur grec à employer le mot "hellenistas". Ce mot ne se rencontre nulle part ailleurs, ni dans la littérature grecque antérieure, ni dans la littérature Juive de langue grecque de cette époque. Nous sommes dans le cas classique où nous devons tenter de trouver la signification de ce mot en examinant le seul contexte de l'uvre de l'auteur.
Si le Livre des Actes n'était pas aussi important pour notre compréhension du Christianisme, nous pourrions nous permettre de ne pas résoudre ce problème. Mais ce Livre est d'une importance capitale pour notre compréhension du Christianisme. Notre compréhension de l'Eglise du premier siècle nous permet de comprendre l'Eglise d'aujourd'hui, et nous permettra de conformer nos vies à un modèle spirituel. Nous pouvons aussi rejeter le Livre des Actes en le déclarant "défectueux". Certains ont tenté de le faire, mais ont échoué. Comme l'a déclaré récemment un spécialiste de l'Histoire Romaine : "Toute tentative de rejeter l'authenticité historique du Livre des Actes, même dans les plus petits détails, doit à présent être considérée comme absurde. Contrairement à beaucoup de théologiens, les spécialistes de l'Histoire Romaine ont, depuis longtemps, considéré cette authenticité comme acquise".
Mais le problème demeure. Luc est le seul à employer par trois fois le terme "hellenistas" (traduit deux fois par "Hellénistes", dans Actes 6 :1, 9 :29, et une fois par "Grecs", dans Actes 11 :20). On ne trouve ce mot nulle part ailleurs dans la littérature de l'époque. Il nous est donc vital de comprendre aussi exactement que possible ce que Luc a voulu nous dire en employant ce terme.
Si nous parvenons à comprendre ce que Luc a voulu nous dire en employant le terme "hellenistas", beaucoup de choses pourraient être expliquées. Soit Luc a "inventé" un néologisme, soit il a employé un mot vraiment unique, dans le but de relier trois passages de son Livre qui, sans cela, n'auraient eu aucun rapport entre eux. Sinon, nous ne parviendrons à aucune explication satisfaisante. Dire, comme certains le prétendent, que les "Hellénistes" d'Actes 6 :1 représentent des Chrétiens, que ceux d'Actes 9 :29 représentent des non-Chrétiens, et que ceux d'Actes 11 :20 font référence à des Grecs, revient à discréditer un auteur qui était instruit et qui était médecin. Le fait que Luc ait été un homme instruit doit nous faire penser qu'il utilisait un vocabulaire soigneusement choisi. Le fait qu'il ait été un médecin doit nous faire penser qu'il savait ce qu'étaient l'exactitude et la précision. Nous devons donc conclure qu'il a volontairement employé le terme "hellenistas", dans trois passages différents, en leur attribuant la même signification, quelle qu'elle soit. Luc, quand il écrivait, devait employer ses mots comme un médecin emploie son scalpel, avec un soin extrême et une précision absolue.
La suite de mon raisonnement devrait donc nous aider à résoudre ce problème, même partiellement. Luc écrit que les "Grecs" d'Antioche ont reçu l'Evangile par des Chrétiens qui ne provenaient pas de Jérusalem, et qui ne faisaient pas partie de l'Eglise de Jérusalem. Il est donc possible de suggérer que ces Grecs n'auraient peut-être pas accepté l'Evangile, s'il leur avait été annoncé par des Chrétiens de l'Eglise de Jérusalem. Ce que nous savons avec certitude, c'est que des Juifs convertis qui ne provenaient pas de Jérusalem ont prêché l'Evangile à des "Grecs" d'Antioche. Il nous faut à présent découvrit pour quelle raison cette information nous est donnée par Luc dans Actes 11 :19-21.
Comme Luc emploie ici le terme de "Grecs" (ou, plus exactement, "d'Hellénistes"), pour la troisième et dernière fois dans le livre des Actes, il paraît logique de comprendre pour quelle raison Luc a employé ce même terme aux deux occasions précédentes. Dans Actes 6 :1, ce terme est employé par opposition aux "Hébreux". Les Hellénistes et les Hébreux avaient une contestation à propos des distributions faites aux veuves. Nous en avons déjà parlé en détail.
La deuxième occasion où ce terme est employé se trouve dans Actes 9 :29. Les Hellénistes de Jérusalem tentent de tuer Paul. Nous en avons aussi parlé en détail. Nous avons admis que nous ne savions pas grand-chose sur ces "Hellénistes". J'espère qu'on en saura plus à l'avenir. Mais je suis persuadé que Luc a voulu désigner le même groupe de personnes dans Actes 6 :1, 9 :29 et 11 :20. Les deux premières fois que les Hellénistes sont mentionnés, ils se trouvent à Jérusalem, la troisième fois, à Antioche.
Nous ne savons pas quelle était l'importance de ce groupe d'Hellénistes. Nous ne savons pas non plus si Luc voulait faire allusion à tous les Hellénistes qui se trouvaient en Israël. Nous ne savons pas très bien quelle était leur organisation, leurs croyances et leurs pratiques. Toutefois, d'après le contexte des deux premiers passages, nous savons que ces Hellénistes faisaient partie de l'Eglise de Jérusalem, tout au moins en partie, et qu'ils ont "murmuré" à propos des distributions faites à leurs veuves. En outre, nous savons que des membres de ce groupe tentèrent de tuer Paul, dans Actes 9 :29.
Dans Actes 11 :20, nous voyons que ce groupe se trouve à Antioche, et reçoit l'Evangile par la bouche de Juifs convertis ne venant pas de Jérusalem. Il est peu probable que tous les Hellénistes qui vivaient à Jérusalem se soient ensuite retrouvés à Antioche, bien que cela soit possible. Luc dit que l'Evangile a été annoncé aux "Grecs" d'Antioche. S'agissait-il de tous les Grecs d'Antioche ? Sans doute pas. Luc emploie plutôt ce terme pour définir une population caractérisée par sa culture grecque. Ses coutumes, ses croyances, ses habitudes, son mode de vie leur conféraient un statut à part au milieu des Hébreux, et d'Israël dans son ensemble.
Les différences entre l'Eglise d'Antioche et l'Eglise de Jérusalem.
"Il y eut cependant parmi eux quelques hommes de Chypre et de Cyrène, qui, étant venus à Antioche, s'adressèrent aussi aux Grecs (en fait, aux Hellénistes), et leur annoncèrent la bonne nouvelle du Seigneur Jésus. La main du Seigneur était avec eux, et un grand nombre de personnes crurent et se convertirent au Seigneur" (Actes 11 :21-22).
Actes 11 :21 nous dit "qu'un grand nombre de personnes crurent et se convertirent au Seigneur". Ce "grand nombre de personnes" peut concerner les Grecs du verset 20, ou les habitants d'Antioche en général, selon le sens que l'on attribue au mot "eux" qui figure au début du verset 21 : "la main du Seigneur était avec eux". Si "eux" concerne les hommes de Chypre et de Cyrène qui prêchaient l'Evangile, alors "le grand nombre de personnes" qui se sont converties devaient être des Grecs. Par ailleurs, si "eux" concerne les Grecs, "le grand nombre de personnes" doit désigner les habitants d'Antioche en général, Juifs et Gentils. Comme ce mot "eux" peut concerner deux populations différentes, je vais examiner les deux interprétations possibles, afin de voir laquelle me semble la plus plausible.
Si le mot "eux" fait référence aux hommes de Chypre et de Cyrène, les personnes qui se sont converties en "grand nombre" sont des Grecs d'Antioche (des Hellénistes). Certaines versions traduisent même ce verset ainsi : "un grand nombre de personnes crurent et retournèrent au Seigneur". Si cette dernière interprétation était plus exacte, nous obtiendrions donc le tableau suivant : certains Hellénistes (Juifs de culture grecque) d'Antioche, qui auraient pu être des sympathisants de la doctrine chrétienne, ou qui auraient même pu se convertir précédemment, auraient été ramenés à l'Evangile par des Juifs convertis qui ne venaient pas de Jérusalem. Dans ce cas, certains de ces Hellénistes auraient même pu se convertir à Jérusalem, faire partie de ceux qui avaient "murmuré", et qui auraient quitté Jérusalem à la suite de ces murmures, pour aller s'établir à Antioche. Comme ils devaient être découragés, ils auraient été ramenés à l'Evangile par les hommes de Chypre et de Cyrène qui leur annonçaient le Seigneur Jésus.
L'autre possibilité, c'est que le mot "eux" d'Actes 11 :21 se rapporte aux "Grecs" mentionnés au verset précédent, et non aux hommes de Chypre et de Cyrène. Dans ce cas, le "grand nombre de personnes" qui "se convertirent au Seigneur" peut concerner des habitants d'Antioche en général, Juifs et Gentils. Si "la main du Seigneur" était avec les Grecs d'Antioche (des Juifs de culture grecque), et si "le grand nombre de personnes qui se sont converties" comprenait des Juifs et des Gentils, on peut en conclure que ces "Grecs" (Hellénistes) ont eux-mêmes accepté de prêcher l'Evangile à des Gentils, alors que les Juifs convertis venant de Jérusalem, et dispersés après la persécution, n'avaient prêché qu'à des Juifs.
Cette dernière possibilité, si elle était confirmée par des recherches complémentaires, nous permettrait de mieux comprendre pourquoi Luc a employé le terme "Hellénistes" dans les trois passages d'Actes que nous avons mentionnés. Cela confirmerait aussi mon hypothèse, selon laquelle la véritable raison profonde des "murmures" des Hellénistes à Jérusalem serait causée par un conflit entre les partisans de la Loi et ceux de la Grâce, les Hellénistes étant du côté de la Grâce, et les Hébreux du côté de la Loi.
Cela nous aiderait aussi à comprendre, au moins en partie, pourquoi les Hellénistes auraient pu soupçonner Paul, "Hébreu né d'Hébreux", partisan de la mort d'Etienne (dont le nom est grec), de faire partie de la faction des Hébreux au sein de l'Eglise de Jérusalem, après sa conversion. Si ce sont les Hellénistes d'Antioche qui ont annoncé l'Evangile à des Gentils, ce que leur avait prêché Etienne a donc porté du fruit, et sa mort n'a donc pas été vaine.
Il nous faut encore évoquer une autre possibilité. Nous avons mentionné l'apparition de Jacques, le frère de Jésus, dans le cours de la narration des Actes, en soulignant qu'il a sans doute été l'un des chefs de la faction des Hébreux à Jérusalem. Luc a peut-être employé le mot "Hellénistes", dans Actes 11 :20, pour mettre en contraste à cette époque l'Eglise d'Antioche et celle de Jérusalem. Il semble raisonnable de penser que cela devait être le cas, les Hébreux dominant à Jérusalem, et les Hellénistes (ou Grecs) dominant à Antioche.
Les cinq versets suivants tendent à confirmer que le terme "Hellénistes" employé par Luc relie en fait les trois passages d'Actes 6 :1, 9 :29 et 11 :20 : "Le bruit en parvint aux oreilles des membres de l'Eglise de Jérusalem, et ils envoyèrent Barnabas jusqu'à Antioche. Lorsqu'il fut arrivé, et qu'il eut vu la grâce de Dieu, il s'en réjouit, et il les exhorta tous à rester d'un cur ferme attachés au Seigneur. Car c'était un homme de bien, plein d'Esprit-Saint et de foi. Et une foule assez nombreuse se joignit au Seigneur. Barnabas se rendit ensuite à Tarse, pour chercher Saul ; et, l'ayant trouvé, il le conduisit à Antioche. Pendant toute une année, ils se réunirent aux assemblées de l'Eglise, et ils enseignèrent beaucoup de personnes. Ce fut à Antioche que, pour la première fois, les disciples furent appelés chrétiens" (versets 22-26).
Apparemment, Barnabas, envoyé par l'Eglise de Jérusalem pour voir ce qui se passait à Antioche, après avoir constaté la "grâce de Dieu", fait quelque chose qui n'a pas dû plaire à l'Eglise de Jérusalem : il se rend à Tarse pour aller chercher Paul, et le conduit à Antioche. Il a même désobéi aux ordres de l'Eglise de Jérusalem en faisant cela, car il n'avait été envoyé que "jusqu'à Antioche". Luc ajoute que c'est à Antioche que les disciples ont été appelés "Chrétiens" pour la première fois. A Jérusalem, les disciples étaient connus comme la "secte des Nazaréens" (Actes 24 :5). Quelle que soit la raison pour laquelle Luc emploie le terme "Hellénistes", il me semble évident qu'il met en contraste d'un côté Paul et l'Eglise d'Antioche, et, de l'autre côté, Jacques et l'Eglise de Jérusalem.
Plus nous en saurons sur ces Grecs, ou Hellénistes, et mieux nous comprendrons ce qui se passait à Jérusalem, en Israël et à Antioche, au cours des vingt premières années de l'Eglise. Le fait que des Juifs convertis, qui ne venaient pas de Jérusalem, aient annoncé l'Evangile aux "Grecs" d'Antioche nous montre que l'Eglise d'Antioche, loin d'être la "fille" de celle de Jérusalem, était plutôt en contradiction avec cette dernière.
L'Eglise d'Antioche décrite dans Actes 13 est bien différente de celle de Jérusalem, pas seulement pour des raisons géographiques. Elle est différente, parce que ceux qui ont été chassés de Jérusalem et qui sont venus à Antioche n'ont pas accepté de faire des compromis avec la vérité, contrairement à ceux qui sont restés à Jérusalem. Elle est différente, parce que ceux qui ont été chassés de Jérusalem par la persécution n'ont tout d'abord prêché l'Evangile qu'à des Juifs, mais que des Chrétiens de la "seconde génération" ont accepté de prêcher l'Evangile à des "Grecs" d'Antioche. Elle est différente, parce que Barnabas a choisi d'amener Paul à Antioche, au lieu d'aller chercher Jacques ou même Pierre à Jérusalem. Ensuite, elle est différente, parce que c'est à Antioche que les disciples ont été appelés "Chrétiens" pour la première fois. Finalement, elle est différente, par le fait que c'est à Antioche que le Saint-Esprit a parlé à des prophètes et des docteurs. Ce n'est pas l'Eglise d'Antioche qui a cherché l'approbation de l'Eglise de Jérusalem. Barnabas et Paul ont été envoyés par le Saint-Esprit (Actes 13 :4). L'autorité de Dieu était la seule autorité dont ils dépendaient. Ils n'ont eu besoin d'aucune autorité humaine, ni d'aucun consensus de groupe, ni d'aucune approbation officielle. Il s'agit du premier "voyage missionnaire" de Paul, le premier qui soit mentionné. Car Paul, qui était converti depuis environ onze ans, avait certainement dû faire déjà quelques voyages missionnaires.
Des problèmes avec Jean, surnommé Marc.
Actes 13 :5 nous apprend que Marc a accompagné Paul et Barnabas à Salamine. Si Luc parle ici de Marc, c'est que Dieu poursuit un objectif. Nous ne pourrons déterminer cet objectif qu'en étudiant tout ce que la Bible nous dit sur Marc.
Dans Colossiens 4 :10, Paul écrit : "Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin de Barnabas, au sujet duquel vous avez reçu des ordres (s'il va chez vous, accueillez-le)". En fait, Marc était le fils de la sur de Barnabas. L'épître aux Colossiens a été écrite près de quinze ans après le premier voyage missionnaire de Paul. Si Paul demande aux Colossiens de recevoir Marc, cela implique qu'ils ne l'auraient sans doute pas reçu si Paul ne le leur avait pas demandé.
La sur de Barnabas s'appelait Marie. C'était dans la maison de cette Marie que des membres de l'Eglise de Jérusalem s'étaient réunis pour prier pour Pierre, quand il a été emprisonné. C'est à eux que Pierre avait dit : "Annoncez-le à Jacques et aux frères" (Actes 12 :17). Nous savons aussi que Barnabas était un Lévite (Actes 4 :36), et que l'Eglise de Jérusalem lui avait demandé d'aller "jusqu'à Antioche" (Actes 11 :22), lorsqu'elle apprit qu'il y avait eu un grand nombre de conversions dans cette ville. Dans Actes 9 :27, nous voyons que Barnabas a trouvé Paul à Jérusalem, l'a conduit aux apôtres, et leur a témoigné de la conversion de Paul, et de ses prédications hardies à Damas.
Actes 11 :25 nous montre que Barnabas, qui avait reçu de l'Eglise d'Antioche la mission d'aller "jusqu'à Antioche", désobéit à ces instructions et se rendit à Tarse pour aller y chercher Paul, et l'amener à Antioche. Il accompagna ensuite Paul dans son premier voyage missionnaire, apparemment sans en référer à l'Eglise de Jérusalem.
Dans Actes 13 :5, nous voyons que Marc accompagnait et secondait Paul et Barnabas dans leur mission. A Paphos, de l'autre côté de l'île, ils ont l'occasion de conduire à la conversion le proconsul Sergius Paulus. Peu après, dans Actes 13 :13, nous apprenons que Jean Marc quitte Paul et Barnabas à Paphos, pour retourner à Jérusalem.
Nous savons, en lisant Actes 15 :38, que ce départ ne s'est pas effectué dans de bonnes conditions. Paul s'est opposé au départ de Jean Marc. C'est pour cette raison qu'il a, par la suite, refusé de prendre Jean Marc avec lui et Barnabas, quand il voulut retourner visiter les églises fondées au cours de leur voyage précédent.
Il ne s'agissait pas d'un désaccord mineur ! Actes 15 :39-40 nous dit ceci : "Ce dissentiment fut assez vif pour être cause qu'ils se séparèrent l'un de l'autre. Et Barnabas, prenant Marc avec lui, s'embarqua pour l'île de Chypre. Paul fit choix de Silas, et partit, recommandé par les frères à la grâce du Seigneur". Marc n'avait pas quitté Paul et Barnabas à Paphos parce qu'il avait simplement le "mal du pays", ou qu'il se sentait "sous pression". Si Jean Marc avait été un Chrétien un peu faible, Paul ne se serait pas opposé à Barnabas avec autant de véhémence, et la mention de Colossiens 4 :10 n'aurait eu aucune signification précise. Les Chrétiens de Colosses auraient sans doute accueilli sans hésitation un Chrétien "faible". Mais ils auraient pu refuser de recevoir un "Chrétien judaïsant" de Jérusalem ! Paul enseignait que nous devons supporter les faibles (Romains 15 :1). Il ne pouvait pas se contredire lui-même en ne mettant pas en pratique ses propres enseignements. Il écrit dans Romains 14 :1 : "Faites accueil à celui qui est faible dans la foi, et ne discutez pas sur les opinions". Il doit donc y avoir une raison importante permettant d'expliquer pourquoi Jean Marc a quitté Paul et Barnabas.
Je pose donc cette question : "Quelle pouvait être cette raison importante ?" Le seul élément qui nous permet d'expliquer le départ inopiné de Jean Marc est la conversion du Romain Sergius Paulus, juste auparavant. On peut en conclure que Jean Marc a voulu rentrer immédiatement à Jérusalem pour que l'Eglise de Jérusalem soit au courant de ce qui se passait à Paphos, et intervienne pour "contrôler" les événements. Après tout, c'est ce que l'Eglise de Jérusalem avait tenté de faire à Antioche.
Après la controverse entre Paul et Barnabas, ce dernier prit Jean Marc avec lui pour se rendre à Chypre, tandis que Paul fit le choix de Silas pour se rendre en Syrie et en Cilicie. La raison que j'invoque, pour expliquer le départ de Jean Marc, est la seule que je peux discerner dans le Livre des Actes. Jean Marc était très lié, par Marie sa mère, et par Barnabas son oncle, à l'Eglise de Jérusalem. Tandis que le ministère de Paul ne dépendait absolument pas de l'Eglise de Jérusalem.
Le voyage missionnaire de Paul et Barnabas.
Après le départ de Jean Marc pour Jérusalem, Paul et Barnabas se rendirent à Antioche en Pisidie. Ils annoncèrent l'Evangile tout d'abord aux Juifs, puis aux Gentils de la ville (Actes 13 :14-51). Antioche de Pisidie était située au milieu de ce que l'on appelle aujourd'hui l'Asie mineure, à environ 400 kilomètres d'Istanbul, à vol d'oiseau. A cette époque, Istanbul s'appelait Byzance. Plus tard, elle prit le nom de Constantinople. Antioche de Pisidie ne doit pas être confondue avec Antioche de Syrie, d'où Paul et Barnabas étaient partis. Antioche de Syrie est située à près de 500 kilomètres de Jérusalem. Antioche de Pisidie se trouvait à encore 500 kilomètres de là, plus au nord-est.
Actes 13 :15 nous apprend que "les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire : Hommes frères, si vous avez quelque exhortation à adresser au peuple, parlez". Cela se passait près de vingt ans après la crucifixion et la résurrection de Jésus-Christ. Actes 13 :16-41 nous rapporte les "paroles d'exhortation" de Paul. Elles ressemblent aux paroles de Pierre, le jour de la Pentecôte, lorsque trois mille personnes se sont converties. L'effet du discours de Paul est très semblable à celui du discours de Pierre : "Lorsqu'ils sortirent, on les pria de parler le sabbat suivant sur les mêmes choses ; et, à l'issue de l'assemblée, beaucoup de Juifs et de prosélytes pieux suivirent Paul et Barnabas, qui s'entretinrent avec eux, et les exhortèrent à rester attachés à la grâce de Dieu" (Actes 13 :42-43).
Après avoir entendu les fortes paroles de Paul, nous ne voyons aucun signe de résistance, ni de la part des dirigeants de la synagogue, ni de la part du peuple. C'est d'autant plus étonnant quand on étudie soigneusement le discours de Paul. Il ne mâche pas ses mots. Pourtant, il n'y a aucune résistance. Au contraire, ses paroles sont acceptées avec empressement. Nous n'avons pas l'impression que Paul et Barnabas aient fait des efforts pour persuader leurs auditeurs de "rester attachés à la grâce de Dieu". Apparemment ces auditeurs avaient déjà commencé à marcher dans la grâce de Dieu, et étaient simplement exhortés à "rester attachés" à cette grâce". (Voir aussi Galates 3 :1-9).
Dans son discours, Paul leur avait dit : "Sachez donc, hommes frères, que c'est par lui que le pardon des péchés vous est annoncé, et que quiconque croit est justifié par lui de toutes les choses dont vous ne pouviez être justifiés par la loi de Moïse" (versets 38-39). Et personne ne s'opposa à ces paroles ! Au contraire, beaucoup d'entre eux suivirent Paul hors de la synagogue et voulurent en savoir plus ! L'effusion du Saint-Esprit se poursuivait toujours, vingt ans plus tard, à près de mille kilomètres de Jérusalem ! Paul et Barnabas, chaque jour jusqu'au sabbat suivant, persuadèrent de nombreux auditeurs de rester attachés à la grâce de Dieu.
Avant de poursuivre, considérons ce qui s'était passé à Antioche de Pisidie. Beaucoup de ces Juifs s'étaient sans doute rendus à Jérusalem au cours des vingt années précédentes, certains plus souvent que d'autres. Certains ont même dû s'y rendre trois fois par an, comme l'exigeait la Loi juive, malgré la distance. Tous devaient parfaitement être au courant de tout ce qui s'était passé à Jérusalem pendant tout ce temps. Ils connaissaient aussi bien les événements que les principaux personnages dont nous avons déjà parlé dans cette étude. Ils n'avaient probablement jamais rencontré Paul, mais ils avaient certainement entendu parler de lui.
Il est donc inconcevable que l'on n'ait pas longuement discuté de Jésus-Christ à Antioche de Pisidie. Il n'est pas non plus concevable qu'il n'y ait eu aucun Chrétien à Antioche de Pisidie, avant la venue de Paul et de Barnabas. Le message de Paul n'était pas vraiment un "message d'évangélisation", quoique tous ceux qui n'avaient jamais entendu dire que Jésus-Christ était ressuscité des morts aient eu l'occasion de l'entendre de la bouche de Paul. Dans son message, Paul dépasse l'annonce du salut en Jésus-Christ, et insiste sur le fait que c'est Jésus qui "justifie", et non la Loi de Moïse. Et ce message a été bien reçu ! Pendant toute une semaine, la ville n'a cessé d'entendre le message de "la grâce de Dieu" ! C'est toujours le même message qui donne la vie aujourd'hui, aux personnes comme aux églises !
Au verset 44, nous lisons : "Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole de Dieu". Vingt ans après le début de l'Eglise, les gens étaient toujours avides d'entendre le message de délivrance apporté par l'Evangile. Mais, lors du second sabbat, quelque chose de différent se produisit.
"Les Juifs, voyant la foule, furent remplis de jalousie, et ils s'opposaient à ce que disait Paul, en le contredisant et en l'injuriant" (verset 45). Remarquez que ces Juifs n'étaient pas des Juifs qui n'avaient jamais entendu parler de l'Evangile. Ils l'avaient déjà entendu. Paul et Barnabas leur dirent avec assurance : "C'est à vous premièrement que la parole de Dieu devait être annoncé ; mais, puisque vous la repoussez, et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les païens" (verset 46). Cette déclaration n'impliquait pas que ces Juifs n'avaient jamais entendu l'Evangile auparavant. Mais Paul avait jugé nécessaire de parler d'abord aux Juifs, quand il est arrivé dans cette ville. C'était toujours sa méthode, partout où il allait : les Juifs d'abord, puis les Gentils.
Ceux qui ont "résisté" à Antioche de Pisidie.
Certains Juifs avaient entendu la Parole de Dieu, mais ils l'avaient repoussée. Ils commencèrent à contredire Paul, parce qu'ils étaient jaloux de tous les Gentils qui s'étaient convertis. Paul emploie un mot qui peut prêter à confusion. Il leur dit : "Puisque vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle " Cela semblerait impliquer que ces Juifs ne se considéraient pas assez bons pour recevoir la vie éternelle. Mais, en fait, c'est exactement le contraire, d'après le contexte, et d'après tous les événements que nous avons déjà étudiés dans le Livre des Actes.
D'où provenaient leur jalousie et leur envie ? Ces Juifs devaient en fait se poser les questions suivantes : "Pourquoi ces Gentils se croient-ils meilleurs que nous, et pourquoi auraient-ils quelque chose que nous n'aurions pas déjà ? Pourquoi devrions-nous avoir quelque chose de plus ? N'avons-nous pas travaillé assez dur pour l'obtenir ?" Quelle était la motivation de ces Juifs, pour contredire Paul, et injurier Paul et Barnabas ? Qu'est-ce qui les faisait s'opposer aux paroles de Paul ?
La réponse la plus simple est qu'ils devaient se sentir supérieurs aux Gentils, et pas inférieurs ! Ils ont rejeté les enseignements de Paul, parce qu'il avait l'audace de dire à des Gentils qu'ils pouvaient obtenir le même don que les Juifs ! Ces Juifs ne pouvaient tolérer l'idée que des Gentils puissent avoir le même statut qu'eux. Bref, ils étaient remplis de leur propre justice. Ils ne pouvaient pas accepter que la justice de Dieu annule ou remplace leur propre justice.
Ces Juifs ne se considéraient donc pas comme vraiment indignes de la vie éternelle. Mais, comme ils s'en considéraient dignes, de par leur propre justice, ils se jugeaient indignes d'accepter cette justice divine que Paul leur offrait, justice qui ne s'obtient que par la foi. Paul, en fait, leur disait qu'ils se considéraient dignes de recevoir la vie éternelle, mais par leur propre justice. Ils se croyaient trop "bons" pour obtenir ce que de simples Gentils pouvaient recevoir par la foi seule. Ils étaient persuadés qu'ils pouvaient obtenir de Dieu bien plus que ces Gentils. C'est pour cela qu'ils ont résisté aux paroles de Paul. Nous verrons d'ailleurs que ces Juifs se sont toujours opposés au ministère de Paul. Ils étaient certainement "nés de nouveau", mais ils refusèrent de "persévérer dans la grâce de Dieu".
Pourtant, de nombreux Juifs d'Antioche de Pisidie furent persuadés de "persévérer dans la grâce de Dieu" (Actes 13 :43). D'autres, qui avaient bien commencé à marcher dans la grâce de Dieu, en se convertissant à Jésus-Christ, ne se sont convertis que du bout des lèvres. Peut-être ont-ils admis avec réticence que Paul pouvait être leur "frère", mais ils se rangèrent du côté des Juifs non-convertis pour persécuter Paul et le contredire à toute occasion. Toutefois, rappelons-nous que c'est Dieu qui avait appelé Paul et Barnabas à s'engager dans ce voyage missionnaire. Trois autres prophètes et docteurs d'Antioche avaient été témoins de cet appel divin.
Ceux qui résistaient à Paul avaient pu accepter, avec réticence, les bénédictions, les délivrances et les guérisons de Dieu, mais ils refusèrent de se débarrasser de leur sentiment de supériorité, et d'admettre que le salut de Dieu n'était nullement mérité. Ils continuèrent à penser que ce salut leur était dû.
Ces Juifs croyaient qu'ils pouvaient enfermer Dieu dans un Temple qu'ils avaient bâti. Etienne avait été lapidé parce qu'il avait affirmé que Dieu n'habite pas dans un temple fait de mains d'hommes. Ces Juifs ont persécuté Paul, parce que ce dernier leur disait que Dieu n'était plus enfermé dans une boîte, et qu'Il pouvait faire ce qu'Il voulait, sans leur sanction ni leur approbation. Bref, non seulement beaucoup de Juifs ne purent accepter la grâce imméritée de Dieu, mais ils ne purent admettre que Dieu pouvait aussi déverser Sa grâce sur les Gentils de toutes les nations du monde.
Le combat de Paul.
En l'espace d'une petite semaine, les choses avaient bien changé à Antioche de Pisidie. Au début, tous étaient désireux d'écouter la Parole de Dieu. Quelques jours après, nous constatons que le message de Paul commença à rencontrer une vive résistance. On peut mieux comprendre cette résistance en lisant l'épître aux Galates.
Les Juifs d'Antioche de Pisidie se considéraient comme les enfants d'Abraham. Dans Galates 4 :23-31, Paul explique qu'Abraham avait eu deux fils, Ismaël et Isaac. Ismaël était né après qu'Abraham a reçu la promesse de Dieu, mais il fut conçu par Agar, la servante d'Abraham. Abraham avait cru qu'il pouvait aider Dieu à accomplir Sa promesse, en trouvant un moyen humain de surmonter le problème de la stérilité de Sara. La solution d'Abraham fut de concevoir un fils de sa servante Agar. C'était une solution parfaitement légale à l'époque, mais qui n'était pas fondée sur la foi en la promesse de Dieu. Dieu voulait qu'Abraham conçoive un fils de sa femme Sara, même si elle était trop âgée pour avoir des enfants. Elle avait 90 ans, et Abraham 100 ans, à la naissance d'Isaac.
Ismaël fut donc le fils de la servante, de l'esclave. Isaac fut le fils de la femme libre. Paul assimile Ismaël à l'ancienne alliance et à la Loi, et Isaac à la nouvelle alliance en Jésus-Christ. Dans Galates 4 :25-26, Paul écrit : "Car Agar, c'est le mont Sinaï en Arabie, et elle correspond à la Jérusalem actuelle, qui est dans la servitude avec ses enfants. Mais la Jérusalem d'en haut est libre, c'est notre mère". Ceci fut écrit en l'an 52 environ. Quelques versets plus loin, Paul écrit encore : "Chasse l'esclave et son fils, car le fils de l'esclave n'héritera pas avec le fils de la femme libre. C'est pourquoi, frères, nous ne sommes pas enfants de l'esclave, mais de la femme libre" (versets 30-31). Isaac est né en vertu de la promesse de Dieu. Ismaël est né parce qu'Abraham avait pensé qu'il pouvait aider Dieu en ayant un enfant avec Agar. Mais ce fut l'enfant des uvres et de la chair.
Ainsi, dans Actes 13, les Juifs avaient le choix entre être les enfants de la promesse, par la grâce, ou les enfants des uvres, par la Loi. Ils n'ont pas été assez humbles et contrits pour dire à Paul : "C'est un don trop grand pour nous, car nous ne sommes pas digne de la vie éternelle". Au contraire, ils ont dit à Paul : "Tu ne sais pas de quoi tu parles ! Nous avons nous-mêmes gagné le droit de recevoir la vie éternelle !"
Les Juifs qui ont accepté les enseignements de Paul étaient les enfants de la promesse. De même, les Gentils qui ont cru étaient les enfants de la promesse. Tandis que les enfants de l'esclave, qui se jugeaient supérieurs, ont repoussé le message de la grâce, l'Evangile que Paul leur annonçait. Ils l'ont jugé indigne de la valeur qu'ils avaient à leurs propres yeux. Paul leur dit : "C'est à vous premièrement que la parole de Dieu devait être annoncée ; mais, puisque vous la repoussez " Ils la repoussèrent, ils la mirent de côté.
Au verset 50, nous lisons que les Juifs remplis de leur propre justice "excitèrent les femmes dévotes de distinction et les principaux de la ville ; ils provoquèrent une persécution contre Paul et Barnabas, et ils les chassèrent de leur territoire". Ce n'est pas ainsi qu'agissent des gens humbles et contrits, qui ne se jugent réellement pas dignes de la grâce de Dieu ! C'est plutôt la réaction de gens arrogants, à la nuque raide, qui se jugent trop bons pour recevoir une telle grâce. Dieu avait envoyé Paul et Barnabas à Antioche pour faire Son uvre, mais ces Juifs eurent l'audace de chasser de leur ville ces envoyés de Dieu !
Il faut aussi noter que dans Actes 13 :2, c'est Barnabas qui est nommé le premier, puis Paul. Il en est de même au verset 7. Mais, au verset 13, qui mentionne le départ de Jean Marc pour Jérusalem, Paul est mentionné en premier : "Paul et ses compagnons " Par la suite, Paul est toujours nommé avant Barnabas : Actes 13, 43 et 46. Dans Actes 14 :12, le peuple proclame que Paul devait être Mercure, parce que c'était lui l'orateur principal. Au verset 19, c'est Paul qui est lapidé et non Barnabas. Il s'était clairement produit un changement dans les relations entre Paul et Barnabas, après le départ de Jean Marc.
Actes 13 et 14 relate la mission de Paul et de Barnabas à Antioche de Pisidie, à Icone, à Lystre et à Derbe. Puis ils retournèrent à Antioche pour raconter à l'Eglise tout ce que Dieu avait fait. Cela a dû provoquer une grande joie, même si cette joie était mêlée de tristesse, en raison des persécutions et des souffrances éprouvées par les deux apôtres.