A249. Les deux voies de l'Eglise primitive (6).
Par David A. Anderson. L'original peut être consulté en anglais à l'adresse suivante :
http://www.en.com/users/anders/chapter2.htmlReproduction de la traduction française autorisée, pourvu quelle soit intégrale, et que les sources soient indiquées. Publié originellement en anglais en 1997, revu et corrigé en 1999. Adresse de l'auteur : David A. Anderson, 924 Richmond Road, Lyndhurst, OHIO 44124 (USA). E-mail :
anders@en.comNous publions ici, sous forme d'une série d'articles, et avec l'accord de l'auteur, un livre écrit par David Anderson. Ce livre nous semble éclairer particulièrement bien le conflit qui existait au sein de l'Eglise primitive entre la loi et la grâce, les partisans de la loi étant conduits par Jacques, le frère du Seigneur, et ceux de la grâce par l'apôtre Paul. Ce livre est parfaitement d'actualité, car le même conflit peut toujours être observé dans l'Eglise aujourd'hui. Il continue d'opposer ceux qui marchent selon la chair et ceux qui marchent selon l'esprit. La publication complète de cet ouvrage s'étalera sur plusieurs semaines, d'autres articles pouvant aussi être publiés en même temps.
Chapitre 5 : L'apôtre Paul et les Gentils.
"Mais le Seigneur lui dit : Va, car cet homme est un instrument que j'ai choisi, pour porter mon nom devant les nations, devant les rois, et devant les fils d'Israël" (Actes 9 :15).
Après Sa résurrection, Jésus-Christ a dit : "Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre" (Matthieu 28 :18). Le Livre des Actes nous montre, du moins en partie, comment Jésus-Christ a choisi d'exercer ce pouvoir. Les sept premiers chapitres des Actes indiquent que le règne de Jésus-Christ a commencé d'une manière beaucoup plus puissante qu'on le pense généralement. Trois mille personnes se sont converties dès le premier jour de l'Eglise. Cinq mille hommes ont ensuite cru, après la guérison miraculeuse du boiteux. Constamment, des multitudes se convertissaient, une grande foule de sacrificateurs également. Nous pouvons nous rendre compte du développement considérable de l'Eglise en très peu de temps.
Luc, l'auteur des Actes, poursuit donc le récit qu'il avait entrepris dans son évangile, qui se termine sur la promesse faite par Jésus à Ses disciples, qu'ils recevraient une puissance venant d'en haut (Luc 24 :9-33, 49). Jésus-Christ précise dans Luc 24 :47 pour quelle raison Il allait envoyer cette puissance d'en haut : "La repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem". Les sept premiers chapitres des Actes racontent des événements qui se passent exclusivement à Jérusalem, et concernent une période d'environ six années. Par la suite, la "repentance et le pardon des péchés" ont bien été prêchés à toutes les nations, au nom de Jésus-Christ. Il est cependant difficile d'imaginer qu'un tel message ait pu rester contenu aussi longtemps à Jérusalem.
La plupart des Juifs et des prosélytes rassemblés à Jérusalem pour la Fête de Pentecôte, le premier jour de la création de l'Eglise, retournèrent chez eux après la fête. Nous pouvons en conclure que beaucoup d'entre eux ont dû prêcher la "repentance et la rémission des péchés", au nom de Jésus, aussi bien tout au long de leur voyage que dans leur pays d'origine.
Les trois grandes fêtes Juives de la Pâque, de la Pentecôte et des Tabernacles étaient certainement le moyen idéal pour répandre la "bonne nouvelle", car tous les Juifs âgés de plus de treize ans devaient assister à ces fêtes. Il est certain que le monde n'a jamais connu de rassemblements religieux réguliers aussi considérables, depuis que le Temple a été détruit par Titus en 70 après Jésus-Christ. Certes, il est arrivé que de grandes foules se soient parfois réunies en divers endroits du monde, mais ces immenses rassemblements de Juifs ont été systématiquement organisés à Jérusalem trois fois par an, chaque année, entre les années 30 et 70, c'est-à-dire pendant les 40 premières années de l'Eglise.
Même aujourd'hui, à notre époque où les ordinateurs, les téléphones, la radio et la télévision sont rois, je me demande si une telle vérité révolutionnaire aurait pu se répandre aussi vite qu'au premier siècle ! Il est indéniable que les meilleurs témoignages sont ceux que nous rendons personnellement à nos voisins et amis. Ils sont bien plus efficaces que l'action des livres ou des journaux. Tous ceux qui avaient été bouleversés et changés par le message révolutionnaire de l'Evangile, par la résurrection de Jésus-Christ, et par un libre accès à la repentance et au pardon des péchés, ne se sont pas privés de répandre ce message dans le monde entier.
Il semble impossible de surestimer les énormes effets d'un tel témoignage rendu à la vérité par des foules immenses. Nous ne pouvons pas ignorer que des centaines de milliers de Chrétiens, peut-être des millions, ont fait, trois fois par an pendant 40 ans, leur pèlerinage à Jérusalem, en traversant une multitude de contrées diverses. Le Livre des Actes n'est donc pas un simple récit de l'histoire de l'Eglise du premier siècle. Il aurait fallu pour cela un ouvrage bien plus imposant encore que celui de l'historien Josèphe dans son domaine. Le Livre des Actes a donc été écrit dans un but très précis. Tout mon livre s'efforce de déterminer quel était ce but.
Bien que je risque de ne pas faire justice à la rapidité de l'expansion de la "bonne nouvelle" tout au long du premier siècle, permettez-moi de faire une comparaison avec ce qui s'est passé en Amérique à la fin des années 60 et au début des années 70. Des situations similaires ont pu être observées au cours des deux derniers millénaires, mais je n'en ai pas connaissance. Alors qu'en Amérique, j'étais un jeune homme à la fin des années 60, et j'ai participé à la "révolution de Jésus". Les jeunes de cette époque étaient profondément insatisfaits, comme on le voit chez les opposants à la guerre du Vietnam et dans le mouvement "Hippie". C'est surtout dans ces milieux, ainsi que dans certains milieux de la population dite "normale", que l'on a commencé à comprendre que la Bible n'était pas un livre "comme les autres". C'était la Parole de Dieu. Ceux qui ont eu leur vie bouleversée par l'étude et la mise en pratique de la Bible étaient prêts à parcourir des milliers de kilomètres en très peu de temps, pour annoncer à leurs amis la "bonne nouvelle" qu'ils avaient entendue. D'un bout à l'autre de l'Amérique, les maisons s'ouvraient à l'étude de la Bible. Beaucoup de jeunes partaient sur les routes sans un sou en poche, mais avec un cur rempli d'amour pour le Seigneur.
Je faisais partie d'un groupe engagé dans cette "révolution de Jésus". A cette époque, le magazine Life avait fait paraître un article de fond intitulé : "Ces Chrétiens épatants de Rye, à New York". Cet article était accompagné de photos montrant des jeunes gens aux cheveux longs assis dans un salon, en train d'étudier leur Bible. L'article rapportait les commentaires de certains parents, qui disaient qu'ils savaient ce qu'était la drogue, mais qu'ils trouvaient ce mouvement plutôt bizarre. Tout le monde semblait s'intéresser à la Bible. J'ai parcouru tout le pays, enseignant la Bible dans un coin d'un bowling de Long Island, dans la cave d'un monastère catholique de Cleveland, dans les maisons des riches et des pauvres. Pour moi, ce fut une époque enthousiasmante, de grandes découvertes et de contacts amicaux avec des milliers de Chrétiens dans toute l'Amérique. Seul le Seigneur sait combien d'autres jeunes faisaient à l'époque le même travail que moi !
C'était il y a trente ans, mais les effets de cette "révolution de Jésus" sont toujours perceptibles aujourd'hui. Jésus-Christ est plus populaire que jamais. On parle toujours régulièrement en langues. Le développement des écoles et établissements d'enseignement chrétiens se poursuit, plaçant dans la société une multitude de "bombes à retardement", à mesure que leurs élèves entrent dans la vie active et dans le monde des adultes. Même la "Majorité Morale", à prédominance Protestante, ou le mouvement "Droit à la Vie", essentiellement Catholique, mènent des combats communs pour lutter contre l'avortement et l'immoralité en général. Les "Beatles" ont prétendu être plus populaires que Jésus-Christ, à leurs débuts. C'était peut-être vrai, mais ils ne l'étaient plus à la fin de leur carrière. Aujourd'hui, même Bob Dylan chante des chansons chrétiennes !
Personne ne peut s'attribuer le mérite de cette action profonde et puissante de l'Esprit de Dieu, au cours des trente dernières années. Les Chrétiens doivent en conclure qu'il s'agit de l'uvre de Jésus-Christ, touchant toutes les parties du Corps de Christ d'une manière miraculeuse. Toutefois, en comparaison de la "révolution de Jésus" qu'a connu le monde, au cours des 40 premières années de l'Eglise, la "révolution de Jésus" des années 60 et 70 aux Etats-Unis ne représente que bien peu de chose. Si certaines personnalités nommées dans le Nouveau Testament ont pu avoir un ministère puissant, c'est bien peu de chose également, par rapport à l'uvre immense accomplie par Jésus-Christ au travers de millions de Chrétiens à cette époque. Des nations ont été bouleversées, et la civilisation occidentale a établi ses fondements sur Jésus-Christ. Je ne veux en aucune façon diminuer l'uvre de l'apôtre Paul, en disant qu'il y a certainement eu de nombreux "apôtres Paul" dans le monde, qui ont accompli des choses aussi étonnantes que celles qui ont été accomplies par le grand apôtre. Si le Christianisme a été autant influencé par l'apôtre Paul, c'est uniquement parce que Jésus-Christ était le Maître de Paul. Cette réalité n'enlève rien au ministère de l'apôtre. Elle permet de mieux comprendre la prééminence de Jésus-Christ.
Nous avons vu, dans Actes 8 :1, que les Chrétiens de Jérusalem furent "tous dispersés" après la mort d'Etienne. Bien qu'il me soit inconcevable que, malgré Son pouvoir absolu, affirmé dans Matthieu 28 :18, Jésus-Christ ait pu permettre que Ses disciples soient ainsi dispersés, c'est un fait qu'Il l'a permis. Etienne vit Jésus-Christ debout à la droite de Dieu (Actes 7 :55). Le Seigneur aurait certainement pu empêcher cette dispersion des Chrétiens, mais Il ne l'a pas fait. Le récit des Actes se centre ensuite sur le ministère de ceux qui ont été dispersés (Actes 8). Puis il se focalise sur l'un des responsables de cette dispersion, Paul, auquel Jésus-Christ apparaît personnellement sur le chemin de Damas.
C'est la première fois que le Livre des Actes mentionne une apparition de Jésus-Christ après Son ascension. Comme toujours dans le cas de "premières", cet événement est chargé de significations. Cela ne signifie pas que Jésus-Christ ne soit jamais apparu auparavant. Mais c'est la première fois que Luc mentionne une apparition de Jésus sur la terre, après Son ascension. Luc ne présente pas Jésus-Christ apparaissant au milieu du Temple pour prendre Ses fonctions de Souverain Sacrificateur, comme beaucoup s'y attendaient. Le Seigneur préfère apparaître sur le chemin de Damas, et choisit d'apparaître à un Juif qui persécutait violemment l'Eglise. Comme si Jésus-Christ S'était laissé Lui-même disperser avec Ses disciples, voulant démontrer qu'Il pouvait continuer à uvrer tout aussi efficacement, malgré la persécution partie de Jérusalem. L'homme auquel Jésus apparaît se nomme Saul en Hébreu, Paul en Grec.
Quelques renseignements sur Paul.
En la personne de Paul, Jésus-Christ appelle un homme qui semblait être le moins qualifié pour ce ministère. Paul persécutait l'Eglise et faisait mettre à mort les Chrétiens. Il avait approuvé la lapidation d'Etienne. Il devait très probablement être l'un de ceux qui avaient décidé la mise à mort d'Etienne. Certains prétendent qu'il était membre du Sanhédrin. Il est très peu probable que cela ait été le cas. Car Actes 7 :58 dit que Paul était un "jeune homme". Les membres du Sanhédrin étaient en général des gens âgés et riches, originaires des douze tribus d'Israël.
Ce qui prouve le mieux le fait que Paul n'était pas membre du Sanhédrin, c'est la liste des qualificatifs que s'attribue Paul dans Philippiens 8 :5-6. S'il avait été membre du Sanhédrin, Paul n'aurait certainement pas omis de le signaler sur la liste des choses dont il pouvait se glorifier dans la chair. En outre, les membres du Sanhédrin ne faisaient pas en général ce que Paul faisait : aller dans les maisons et les synagogues pour en arracher les Chrétiens et les jeter en prison (Actes 8 :3, 22 :19). Un membre du Sanhédrin aurait probablement eu sous ses ordres des gens chargés de ce genre de besogne.
En revanche, il est très probable que Paul était membre de la synagogue où se réunissaient les Juifs de Cilicie (Actes 6 :9), puisque sa ville natale était Tarse de Cilicie. Etant donné qu'il avait obtenu des lettres du Souverain Sacrificateur (Actes 9 :2), et qu'il avait étudié aux pieds de Gamaliel (Actes 22 :3), il était sans doute considéré par le Sanhédrin comme un "jeune homme prometteur". Paul mentionne dans Actes 22 :5 que le Souverain Sacrificateur et "tout le collège des anciens" lui en étaient témoins, ce qui indique une certaine familiarité entre eux et Paul.
Selon les propres termes de Paul, dans Actes 22 :3, quand il s'adresse aux Juifs de Jérusalem, vingt ans plus tard, il avait été instruit "dans la connaissance exacte de la loi de nos pères, étant plein de zèle pour Dieu, comme vous l'êtes tous aujourd'hui". Nous pouvons constater ce zèle dévoyé dans la vie de Paul, avant sa conversion, comme nous pouvons constater ce même zèle dévoyé, toujours présent à Jérusalem, vingt années plus tard. Après la conversion de Paul, dans Actes 9, le Livre des Actes nous montre que Jésus-Christ avait pour Paul un plan complètement différent. Il ne s'agissait plus de persécuter les Chrétiens !
Il faut aussi remarquer qu'en 63 avant Jésus-Christ, Pompée avait emmené avec lui à Rome un grand nombre de Juifs prisonniers. Quand ils furent libérés, beaucoup d'entre eux retournèrent en Judée, et formèrent la synagogue des Affranchis. Il semble, d'après la liste d'Actes 6 :9, que les synagogues regroupaient les Juifs en fonction de leur origine géographique. Les Affranchis étaient sans doute liés aux Juifs de Rome. La synagogue de Cilicie regroupait les Juifs de Tarse, etc Il est probable par ailleurs que chaque synagogue réunissait des Juifs de toutes tendances, Sadducéens, Pharisiens, Hébreux, Hellénistes, etc C'est aussi ce que nous constatons dans la plupart de nos églises aujourd'hui.
Il y avait des centaines de synagogues à Jérusalem à cette époque. Mais les quatre synagogues citées dans Actes 6 :9 sont mentionnées parce que leurs membres ne pouvaient pas résister à la sagesse d'Etienne et à l'esprit par lequel il parlait. Cette "sagesse" et cet "esprit" constituaient une menace pour les chefs de ces synagogues. Ils risquaient de perdre le contrôle de leurs membres. C'est pour cela qu'Etienne fut faussement accusé, jugé, et lapidé avant même la fin de son procès.
Il est certain que Paul faisait partie des chefs de la synagogue des Ciliciens. Dans Galates 1 :14, il dit de lui-même : "J'étais plus avancé dans le judaïsme que beaucoup de ceux de mon âge et de ma nation, étant animé d'un zèle excessif pour les traditions de mes pères". Dans Actes 26 :5, nous apprenons que Paul avait passé sa jeunesse à Jérusalem, et qu'il avait vécu en "pharisien, selon la secte la plus rigide" de la religion juive. Mais il était né à Tarse.
D'après la description que Paul fait de lui-même avant sa conversion, il est clair que la "sagesse et l'esprit" d'Etienne étaient effectivement très puissants. Si Paul était bien l'un des chefs de la synagogue des Ciliciens, lui non plus n'a pu résister au témoignage d'Etienne, et il n'a pu qu'en constater la puissance.
Cela devait sans doute faire longtemps, au moins six ans, que Paul, et d'autres comme lui, devaient travailler à mettre au point leur système défensif, et à réunir des arguments contre Jésus-Christ. Pourtant, le fait qu'ils ne pouvaient prévaloir dans ce combat nous permet de conclure qu'ils devaient se trouver en minorité à Jérusalem, à l'époque de la mort d'Etienne. Ou alors, s'ils formaient la majorité, cette majorité devait être maintenue par le mensonge et la manipulation, plutôt que par l'emploi d'arguments raisonnables. Le message de Jésus-Christ était sans doute accepté comme plus raisonnable par la population. Un Pharisien comme Paul n'aurait sans doute pas été incliné à utiliser le mensonge et la manipulation pour vaincre le Christianisme, mais il n'hésitait pas à recourir à la haine et au meurtre. Une telle attitude est compréhensible de la part de Paul et de ses semblables, car c'étaient tout leur système de pensée, toute leur formation et toute leur culture qui étaient menacés. Je laisse donc le lecteur décider si le tableau que je trace de ces chefs religieux est raisonnable ou non.
Dans Philippiens 3 :4-6, Paul écrit : "Moi aussi, cependant, j'aurais sujet de mettre ma confiance en la chair. Si quelque autre croit pouvoir se confier en la chair, je le puis bien davantage, moi, circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu né d'Hébreux ; quant à la loi, pharisien ; quant au zèle, persécuteur de l'Eglise ; irréprochable, à l'égard de la justice de la loi".
Mais toutes ces choses, son éducation, son héritage, ses talents, il les considère comme une perte, lorsqu'il a trouvé Christ, ou, plutôt, lorsque Christ l'a trouvé. Après sa conversion, Paul fut sans doute l'avocat le plus ardent de la nouvelle nature, celle qui fait confiance à Dieu, celle qui n'a "plus aucune condamnation en Jésus-Christ" (Romains 8 :1-39). Paul est sans doute aussi celui qui a le mieux parlé de l'inutilité absolue de la "vieille nature", celle qui fait la guerre à l'esprit, et qui mène les hommes et les femmes à l'esclavage (voir Romains 10 :1-4).
En la personne de Paul, Dieu appellait un homme au caractère complètement différent de celui de Pierre. Pierre était un pêcheur de la campagne. Paul était un citadin lettré et instruit. Pierre était né et avait été élevé en Israël. Sa langue maternelle était sans doute l'Araméen. Paul était né et avait été élevé en Cilicie, et sa langue maternelle était sans doute le Grec, quoiqu'elle aurait aussi pu être l'Araméen, puisqu'il était Pharisien. Ces deux hommes ont manifesté la puissance de Dieu d'une manière différente. A la force et à la détermination de Pierre correspond la ténacité de Paul. Beaucoup de gens se sont de tout temps moqué de Paul comme de Pierre. Mais ni l'un ni l'autre ne méritent le tableau inexact que l'on a trop souvent tracé d'eux.
Beaucoup de Chrétiens, quand ils évoquent Pierre, pensent à ses doutes quand il marchait sur l'eau, à son reniement de Jésus, ou au fait qu'il logeait chez Simon le corroyeur à Joppé. Dans le premier cas, il est dépeint comme faible dans la foi, parce qu'il a commencé à couler. En fait, il ne faut pas oublier qu'il a sans doute été le seul homme qui ait jamais marché sur l'eau à part Jésus-Christ ! Une telle force de caractère et une telle confiance en Jésus-Christ ne doivent pas être déconsidérées, parce qu'il a commencé à couler. En outre, Jésus-Christ l'a secouru.
Dans le deuxième cas, Pierre est représenté comme un homme rempli de crainte. Mais il ne faut pas oublier qu'au début de cette même soirée, Pierre n'avait pas hésité à défendre Jésus en coupant l'oreille de l'un de ceux qui étaient venus arrêter le Seigneur (Jean 18 :10). Compte tenu des risques qu'il courait, il s'était donc comporté avec courage. Aucun disciple n'avait osé suivre Jésus jusque dans la cour du Souverain Sacrificateur. Pierre s'était donc comporté en homme courageux et pas en lâche. Le fait qu'il ait fini par renier le Seigneur ne doit pas nous faire complètement discréditer Pierre. Cela montre simplement que les hommes les meilleurs peuvent atteindre leurs limites.
Dans le troisième cas, on prétend que Pierre se cachait à Joppé et n'accomplissait pas son ministère. Rien n'est plus loin de la vérité. Rien n'indique que Pierre n'était pas là où Dieu le voulait. En fait, grâce à Pierre, toute la nation d'Israël a été forcée de reconnaître que les Gentils avaient reçu le même don du Saint-Esprit que celui qu'ils avaient reçu au début. Pierre s'était fait accompagner de six témoins, et a raconté à la nombreuse communauté chrétienne de Jérusalem comment Corneille et sa maison avaient tous parlé en langues.
Il en est de même pour Paul. Aujourd'hui, il y a des Chrétiens qui pensent que Paul était à moitié aveugle, ou qu'il avait une très mauvaise vue. D'autres disent qu'il était très laid. Certains pensent qu'il était homosexuel. Nous verrons que des milliers de Juifs convertis de Jérusalem voulaient le tuer. Mais toutes ces déformations de la vérité et toutes ces accusations haineuses contre Paul ne peuvent pas tenir, quand on sait que Jésus-Christ lui est apparu sur le chemin de Damas, et qu'Il a décidé que Paul serait pour Lui un instrument de choix. Jésus aurait pu choisir un homme parmi des millions d'autres, mais Il a choisi Paul. Ce seul fait doit permettre de placer Paul au-dessus de toute critique.
Nous le verrons, Paul n'était pas la personnalité la plus populaire à Jérusalem après sa conversion, que ce soit dans l'Eglise, ou au-dehors. Dans Actes 3 :27, nous voyons Barnabas, le Lévite mentionné dans Actes 4 :36, présenter Paul aux apôtres à Jérusalem. Plus tard, dans Actes 9 :29, nous voyons Paul en contestation avec les Hellénistes.
Paul et les Hellénistes.
Le terme "d'Hellénistes" n'est employé que trois fois par Luc dans le Livre des Actes. On peut raisonnablement en conclure qu'il fait à chaque fois référence au même groupe. Dans Actes 6 :1, les Hellénistes murmurèrent contre les Hébreux, à propos des distributions faites aux veuves. Nous nous sommes efforcés de montrer que ce problème a abouti au meurtre d'Etienne. Dans Actes 9 :29, nous voyons que les Hellénistes projettent de tuer Paul. S'il s'agit bien du même groupe que celui d'Actes 6 :1, cela comporte des implications très sérieuses. Cela conduit à la conclusion qu'un certain nombre de personnes, au sein de l'Eglise de Jérusalem, cherchaient à mettre Paul à mort.
Nous l'avons vu, la Jérusalem des six premiers chapitres des Actes n'a pas hésité à accepter la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts. Il semble clair que le problème dont Paul débattait avec les Hellénistes, dans Actes 9 :29, ne concernait pas le fait de la résurrection de Jésus-Christ, mais plutôt les implications de cette résurrection. Cette contestation se passait environ trois ans après la mort d'Etienne, et près de huit ans après la création de l'Eglise. Tout le peuple de Jérusalem connaissait certainement déjà Jésus-Christ et Sa puissance. Ceux qui n'avaient pas cru en Lui étaient ceux qui avaient refusé de croire. Ce n'étaient pas ceux qui n'avaient jamais entendu l'Evangile. Il semble donc clair que le débat, à Jérusalem, au moment d'Actes 9 :29, était celui de la sainteté de la Loi de Moïse.
Huit ans après la Pentecôte, les temps avaient bien changé. Ce n'était plus la même Jérusalem que celle qui nous est décrite dans Actes 6 :1, trois années auparavant. Les Hellénistes ne se contentaient plus de murmurer contre les Hébreux. A présent, ils voulaient tuer Paul ! Certains diront qu'il ne s'agissait certainement pas du même groupe que celui qui est mentionné dans Actes 6 :1. Je n'en sais rien. Mais Luc emploie le même terme pour les décrire. Je crois qu'il l'a fait pour nous montrer qu'il y avait un lien entre le groupe d'Actes 9 :29 et celui d'Actes 6 :1.
Si l'on dit que ces Hellénistes étaient simplement des "Juifs qui parlaient le Grec", cela n'est pas entièrement satisfaisant. Il y avait sans doute peu de Juifs qui ne parlaient pas le Grec. Paul parlait le Grec, tout en disant qu'il était "Hébreu, né d'Hébreux" (Philippiens 3 :5). On peut dire aussi que ces Hellénistes étaient des "Juifs qui suivaient les coutumes et les traditions des Grecs, au lieu d'adhérer strictement aux coutumes et aux traditions de Moïse". Mais cela non plus n'est pas entièrement satisfaisant. Cette explication est trop large et trop ambiguë pour décrire la situation de tous les Juifs qui parlaient le Grec, depuis les Sadducéens qui disaient qu'il n'y a pas de résurrection, jusqu'aux Pharisiens, dont certains n'observaient pas la Loi d'une manière aussi stricte que Paul.
Par conséquent, pour bien savoir qui étaient ces Hellénistes dont parle le Livre des Actes, nous devons soigneusement examiner le contexte. Dans Actes 6 :1, il s'agit certainement de Juifs convertis à Jésus-Christ, tout au moins dans leur grande majorité. Dans Actes 9 :29, nous devons supposer qu'il s'agissait aussi de Juifs convertis, pour la plupart d'entre eux. Il est également logique de penser que le motif qui les poussait à vouloir tuer Paul était le même motif pour lequel Etienne avait été lapidé. Il y avait bien d'autres personnes qui auraient aimé tuer Paul, notamment le Souverain Sacrificateur et les membres du Sanhédrin, qui le considéraient comme un traître. Mais nous devons nous limiter aux Hellénistes, puisque ce sont eux qui sont mentionnés dans Actes 9 :29.
Considérons un instant quelles auraient pu être les motivations qui poussaient les Hellénistes à vouloir tuer Paul :
Si nous pensons que "tous les disciples" ont dû quitter Jérusalem dans Actes 8 :1, nous devons en conclure que tous les Hellénistes étaient des Juifs non convertis. Toutefois, si tous les disciples ont dû quitter Jérusalem, nous ne pouvons pas expliquer comment ils sont retournés à Jérusalem, dès Actes 9 :26. Ce même passage nous montre aussi que ces disciples étaient craintifs, puisqu'ils avaient peur de Paul. Cela semble suggérer qu'ils se souvenaient de la persécution survenue trois ans auparavant. Si ce sont les mêmes disciples qui étaient persécutés par Paul (Actes 8 :3), il nous faut expliquer pourquoi, et de quelle manière, ils ont pu revenir à Jérusalem trois ans plus tard.
Il semble donc probable que les disciples mentionnés dans Actes 9 :26 n'ont jamais quitté Jérusalem. Cela peut être confirmé, si nous pensons que la mort d'Etienne, et la persécution qui s'ensuivit, ont été causées par un conflit concernant la Loi, et non le salut. Les disciples qui étaient restés à Jérusalem avaient fini par croire, à tort, que l'on pouvait, dans l'ère de la grâce, mettre du "vin nouveau" dans de "vieilles outres" (Luc 5 :37). Quelqu'un a justement dit que "la maison des illusions est facile à construire, mais il n'est pas facile d'y vivre, car elle est ouverte à tout vent".
Les disciples de Jérusalem avaient peur de Paul au moment où il est venu à Jérusalem, malgré le fait qu'ils avaient assisté à de nombreux miracles, et qu'ils avaient sans doute entendu parler de tout ce que Paul avait déjà fait depuis sa conversion, trois ans auparavant. Malgré le fait que Paul "allait et venait avec les apôtres", les Hellénistes cherchaient à le tuer. Certains affirment qu'il est impossible que des "Chrétiens" puissent envisager une telle chose. Je dirais simplement que les Croisades ont entraîné le massacre de nombreux innocents. Certains Chrétiens peuvent très bien se laisser aller à des actes épouvantables, lorsqu'ils se sont laissé séduire. Dans Actes 21 :30-31, il est écrit : "Toute la ville fut émue, et le peuple accourut de toutes parts. Ils se saisirent de Paul, et le traînèrent hors du temple, dont les portes furent aussitôt fermées. Comme ils cherchaient à le tuer, le bruit vint au tribun de la cohorte que tout Jérusalem était en confusion". C'est bien "toute la ville" qui était émue, et "tout Jérusalem" qui était en confusion. C'est tout le peuple de Jérusalem qui voulait tuer Paul ! Il y avait encore pourtant, à cette époque, des milliers, ou des dizaines de milliers de "disciples zélés pour la Loi" à Jérusalem ! (Voir Actes 21 :20).
L'Eglise de Jérusalem avait perdu sa vitalité.
Entre Actes 1 et Actes 9 :29, à part les événements décrits d'Actes 8 :4 à 9 :25, tout se passe à Jérusalem. Des multitudes se joignaient à l'Eglise, et les disciples avaient la faveur de tout le peuple. Puis Etienne est mis à mort. Plus tard, quand Luc décrit à nouveau ce qui se passe à Jérusalem, c'est pour dire que les Hellénistes cherchent à tuer Paul. Jérusalem a donc changé au cours des huit années écoulées depuis la Pentecôte. Ceux qui voulaient tuer Paul le faisaient sans doute pour les mêmes raisons que celles qui avaient entraîné la mort d'Etienne. Celui-ci a été accusé de parler contre Moïse. Le problème n'était plus celui de la résurrection de Jésus-Christ. Le vrai problème était clair : c'était Jésus-Christ avec Moïse, ou Jésus-Christ sans Moïse ! Compte tenu du passé de Paul, qui était un défenseur acharné de la Loi, le fait qu'il proclame à présent l'inutilité absolue de la Loi faisait de lui une cible idéale pour les partisans de la Loi, bien plus que les apôtres, qui n'avaient pas beaucoup d'éducation, et qui étaient complètement inconnus à Jérusalem avant de devenir des disciples de Jésus-Christ. Gardons ceci à l'esprit, et nous comprendrons mieux pourquoi Jésus-Christ a appelé Paul sur le chemin de Damas, et pourquoi les Hellénistes voulaient le tuer à Jérusalem.
Quand on étudie le contraste fondamental entre la nouvelle nature en Christ et la vieille nature charnelle, on comprend très bien que cette vieille nature n'est absolument pas différente chez un païen ou chez un Chrétien charnel. C'est nous qui choisissons de quelle manière nous voulons vivre. Il en était de même avec les Chrétiens du premier siècle. Certains ont choisi de marcher selon la loi de l'esprit de vie en Jésus-Christ. D'autres ont choisi de marcher selon la loi du péché et de la mort, même après avoir accepté Jésus-Christ comme leur Seigneur.
Nous lisons dans Actes 9 :30 que "les frères emmenèrent Paul à Césarée, et le firent partir pour Tarse". Puis, le verset suivant nous apprend que "l'Eglise était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie, s'édifiant et marchant dans la crainte du Seigneur, et elle s'accroissait par l'assistance du Saint-Esprit". Quand Paul partit pour Tarse, l'Eglise fut en repos. Tous les problèmes fondamentaux décrits par Paul dans toutes ses épîtres n'étaient plus évoqués sur la terre d'Israël. Il faut croire que l'on était parvenu à un certain compromis entre la Loi de Moïse et la foi en Jésus-Christ en Israël. Ce compromis a été de plus en plus accepté, et l'Eglise légaliste, fille de l'esclave, a pris le dessus en Israël. Certains sont donc poussés à dire que le fait d'éloigner Paul de la terre d'Israël a été une bonne chose pour le Christianisme, puisque les églises étaient en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie, et qu'elles se multipliaient. Mais Jésus-Christ avait appelé Paul à exercer son ministère non seulement auprès des Gentils, mais aussi auprès des enfants d'Israël. Le fait que Paul ait été forcé de quitter Jérusalem indique certainement l'existence d'un problème propre à Jérusalem, plutôt qu'un problème propre à Paul !
Nous commençons donc à voir clairement le tableau d'une Eglise qui continue à croître à Jérusalem et en Israël. Mais nous voyons apparaître certains signes montrant qu'elle est en train de perdre sa vitalité. Nous voyons que les apôtres ne purent empêcher les Hellénistes de réaliser leurs projets, et que Paul fut obligé de quitter Jérusalem. Cette perte continuelle de vitalité de l'Eglise de Jérusalem semble correspondre à son absorption progressive par le système charnel qui contrôlait la nation Juive. Les Chrétiens de Jérusalem ont fini par être désignés sous le terme de "secte des Nazaréens". Cette "secte" était toutefois considérée comme faisant partie du Judaïsme. On pourrait toujours la désigner aujourd'hui sous l'appellation de "secte". L'Eglise de Jérusalem était en train d'être absorbée par la nation Juive. Les Chrétiens avaient compromis leur liberté en Christ et avaient renoncé à leur caractère unique, dans l'espoir de préserver une unité charnelle. Au lieu de résister à un système religieux en pleine faillite morale, ils ont résisté aux vérités que leur exposait Paul, et ont perdu toute efficacité en tant que serviteurs de Jésus-Christ. Aujourd'hui encore, toute attitude semblable continue à produire la même inefficacité.
Les apôtres étaient toujours respectés à Jérusalem, mais nous verrons bientôt que Pierre ne bénéficie plus de la même considération, lorsqu'il retourne à Jérusalem rendre compte de ce qui s'est passé dans la maison de Corneille. Actes 11 :2-3 nous apprend ceci : "Et lorsque Pierre fut monté à Jérusalem, les fidèles circoncis lui adressèrent des reproches, en disant : Tu es entré chez des incirconcis, et tu as mangé avec eux".
Corneille et toute sa maison parlent en langues !
Actes 12 :21-23 nous relate la mort du Roi Hérode Agrippa Ier. Cela nous permet de dater les événements relatés dans le Livre des Actes, jusqu'à Actes 12 :20. Hérode Agrippa Ier était Roi d'Israël pendant le règne de l'empereur romain Caligula, et jusqu'à trois ans après l'assassinat de Caligula. Hérode Agrippa Ier mourut au cours de la troisième année du règne de l'empereur Claude, en l'an 45. Certains avancent la date de 44. Le premier voyage missionnaire de Paul, décrit dans Actes 13, commence vers la même époque, c'est-à-dire environ quinze ans après le début de l'ère de l'Eglise. Si nous comptons cinq ans entre le début de l'Eglise et la conversion de Paul, puis trois ans entre cette conversion et la visite de Paul à Jérusalem, dans Actes 9 (voir Galates 1 :17-18), la conversion de Corneille et de sa maison a dû intervenir entre les années 38 et 40.
Il est surprenant de voir l'importance accordée par Luc au récit de la conversion de Corneille dans le Livre des Actes : presque 7 % du total de son Livre. Les deux autres événements auxquels il consacre beaucoup de temps sont le récit de la mort d'Etienne (6 % de son Livre), et celui du dernier voyage de Paul à Jérusalem (près de 35 % de son Livre). L'importance accordée à ces trois événements semble révéler clairement quel était le propos de Luc en écrivant le Livre des Actes. Il n'a pas seulement voulu décrire la rapide croissance de l'Eglise primitive. Luc ne mentionne même pas l'expansion de l'Eglise en Egypte, en Babylonie, ou même en Galilée. Comme Jésus avait accompli la plus grande partie de Son ministère terrestre en Galilée, il est certain que l'Eglise devait être nombreuse et active dans cette région. Le silence de Luc à ce sujet démontre clairement que son objectif, en écrivant le Livre des Actes, n'était pas de décrire le développement harmonieux et graduel du Christianisme. Le soin qu'il apporte à décrire en détail la mort d'Etienne, la conversion de Corneille, et le dernier voyage de Paul à Jérusalem, semble confirmer le fait qu'il ait voulu mettre l'accent sur le conflit entre la Loi et la Grâce, au sein de l'Eglise primitive.
Certains théologiens ont voulu contraster le portrait de Paul dressé par Luc (Actes 16 :3, 4 et 21 :26) et le Paul des épîtres, tel qu'il apparaît par exemple dans Galates 1 :8 et 2 :3. Luc décrit Paul comme un homme assez flexible et raisonnable, prêt à renoncer à certains de ses principes pour des raisons de convenance. Certains ont même été prêts à mettre en doute l'authenticité des Actes, en raison de ces différences. Toutefois, si le but de Luc, en écrivant les Actes, était de montrer l'existence d'un conflit entre la Loi et la Grâce au sein de l'Eglise primitive, il n'est nullement besoin de remettre en doute l'authenticité des Actes, sous prétexte que Paul a bien essayé parfois d'adopter certains compromis, mais qu'il y a renoncé, parce qu'il se rendait bien compte qu'il ne pouvait pas à la fois proclamer la Grâce divine pour tous les hommes, et conserver la moindre disposition de la Loi ! La plupart des épîtres de Paul ont été écrites après les événements décrits dans le Livre des Actes, au moment où les positions des deux camps s'étaient figées, au-delà de toute possibilité de compromis.
Il faut aussi remarquer que le Livre des Actes n'a été intitulé "Actes des apôtres" qu'au cours du second siècle. Ce n'est pas Luc qui a choisi ce titre, qui ne résume pas bien le contenu du Livre. Les Actes ne parlent pas de la plupart des douze apôtres. Un meilleur titre aurait été : "Les Actes de Jésus-Christ", ou "Les Actes de l'Eglise de la Grâce et de l'Eglise de la Loi" ! Cela aurait mieux correspondu au message et à l'objectif de Luc.
De toute manière, Corneille, centurion d'une Légion romaine, était un semi-prosélyte craignant Dieu. Il était proche de la religion Juive, sans être un prosélyte, ce qui aurait exigé qu'il accepte toutes les pratiques Juives, y compris la circoncision. Il vivait en Israël, et se convertit à Jésus-Christ avec toute sa famille. Pierre avait quitté Jérusalem pour exercer son ministère dans les environs (Actes 9 :32-43). Il demeurait à Joppé quand un ange apparut à Corneille pour lui dire d'aller chercher Pierre à Joppé et de le conduire à Césarée, à une distance d'environ cinquante kilomètres de là.
Le récit d'Actes 10 nous montre comment Pierre reçut une vision, et partit avec les envoyés de Corneille. Le texte nous montre que Pierre était encore "zélé pour la Loi" à cette époque, et qu'il ne serait pas allé voir Corneille si Dieu ne lui avait pas donné cette vision. Il est toutefois intéressant de remarquer qu'il logeait chez un corroyeur, c'est-à-dire un tanneur, qui devait dépecer des animaux morts pour exercer son métier, et qui était donc assez méprisé par la population Juive. Tout contact avec un tanneur rendait un Juif impur, et il devait passer par une période de purification avant de pouvoir participer à nouveau aux activités du Temple.
Corneille avait réuni sa famille et ses amis. A son arrivée, Pierre dit : "Vous savez qu'il est défendu à un Juif de se lier avec un étranger ou d'entrer chez lui ; mais Dieu m'a appris à ne regarder aucun homme comme souillé et impur" (Actes 10 :28). En d'autres termes, Pierre était en train de dire à Corneille : "Tu sais que je suis en train de violer la Loi, n'est-ce pas ? Tu dois donc avoir quelque chose de très important à me dire pour m'avoir fait venir chez toi !"
Pierre savait qu'il était en train de désobéir à la Loi, mais c'était Dieu Lui-même qui le lui avait demandé ! Nous ne savons pas qui étaient les six témoins qui étaient avec lui. Mais, compte tenu de la réputation de Pierre, nous pouvons dire que c'étaient sûrement des hommes de la plus grande intégrité, qui devaient être respectés à Jérusalem. Il est significatif que Pierre ait voulu être accompagné de six témoins, plutôt que d'un ou de deux. Pierre savait certainement qu'il aurait des problèmes en rentrant à Jérusalem. Pierre et ses six témoins entendirent parler en langues tous ceux que Corneille avait réunis (Actes 10 :46). Pierre savait donc que les Gentils avaient bien reçu le même don que tous les Juifs qui avaient cru au Seigneur.
Notez, dans Actes 11 :2 et 3, que Pierre, le principal porte-parole des apôtres, a subi une forte opposition en rentrant à Jérusalem. Les membres de l'Eglise qui appartenaient au parti de la circoncision accusèrent Pierre et lui dirent : "Tu es entré chez des incirconcis, et tu as mangé avec eux !"
Ma première réaction, devant ces accusations, a été de dire : "Comment ont-ils osé parler ainsi à Pierre ?" C'est bien Pierre qui avait guéri le boiteux à la porte du Temple, qui avait accompli de grands miracles à Jérusalem, et qui avait même ressuscité une morte à Joppé (Actes 9 :36-42). A présent, dans Actes 11, nous voyons que des Juifs convertis, à Jérusalem, se sont assez enhardis pour accuser Pierre d'avoir mangé avec des païens ! Quelle audace ! Depuis le temps, ils avaient peut-être oublié ce qui était arrivé à Ananias et à Saphira, lorsque Pierre avait découvert leur mensonge. Les membres du parti de la circoncision à Jérusalem n'étaient pas du tout impressionnés par Pierre ! En fait, ils se croyaient même supérieurs à lui ! Quel changement, depuis ce qui s'était passé six ans auparavant, lorsque les malades étaient guéris dans les rues par l'ombre de Pierre !
Il est difficile de croire que ce soient les mêmes personnes, qui amenaient leurs malades dans les rues, et qui accusaient à présent Pierre ! Qui étaient donc ceux qui faisaient ces reproches infondés à Pierre ? Pourquoi n'avaient-ils pas été écartés de l'Eglise ? Dans quel triste état se trouvait donc l'Eglise de Jérusalem, au point que certains puissent à présent se mettre à juger Pierre, et avoir même le soutien de l'Eglise ? C'était bien une Jérusalem entièrement différente de celle que nous voyons décrite dans les cinq premiers chapitres des Actes !
Remarquez aussi que Pierre savait qu'il allait avoir des ennuis à Jérusalem. C'est pour cela qu'il s'était fait accompagner de six témoins. Au verset 15, Pierre dit que "le Saint-Esprit descendit sur eux, comme sur nous au commencement". Au verset 17, il ajoute : "Or, puisque Dieu leur a accordé le même don qu'à nous qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ, pouvais-je, moi, m'opposer à Dieu ?" Remarquez aussi la réponse des interlocuteurs de Pierre : "Dieu a donc accordé la repentance aussi aux païens, afin qu'ils aient la vie". Ils eurent tout de même du mal à admettre que les païens avaient reçu le même don qu'eux ! Certes, ils ont bien dû l'admettre, et glorifier Dieu, mais ce que Pierre et ses témoins avaient raconté aurait dû déclencher une réaction beaucoup plus enthousiaste !
Ces Juifs n'étaient pas débordants de joie à l'annonce fantastique que les païens avaient reçu le même don qu'eux ! Ils étaient toujours accrochés à leur "vieille nature" ! C'est leur vieille nature qui leur disait que des Gentils ne pourraient jamais égaler des Juifs ! Avaient-ils réellement compris que le salut qui leur avait été accordé ne résultait que de la pure grâce de Dieu, exactement comme dans le cas de ces païens ?
La réaction d'Actes 11 :2 doit nous inciter à nous poser un certain nombre de questions : "Comment donc l'Eglise de Jérusalem avait-elle pu laisser se lever en son sein le parti de la circoncision ? Comment ce parti avait-il pu devenir assez influent et puissant, au point d'obliger Pierre à se justifier devant lui ? Pourquoi Pierre, après avoir donné son témoignage, ne les avait-il pas contraints à confesser que les païens avaient bien reçu le même don qu'eux, celui du Saint-Esprit (ils ont simplement reconnu que les païens avaient reçu le repentance, pour avoir la vie) ? N'avait-il pas cédé à une pression politique ?" Après tout, ni Pierre ni les apôtres n'avaient pu faire changer d'avis les Hellénistes qui voulaient mettre Paul à mort !
L'Eglise devant laquelle Pierre fait son compte-rendu est la même Eglise par rapport à laquelle Paul prend ses distances. Dans ses épîtres, Paul met les Chrétiens en garde contre le légalisme de cette Eglise, reprend ceux qui retombent dans ce légalisme, et va même jusqu'à dire aux Galates : "Ceux qui sont les plus considérés - quels qu'ils aient été jadis, cela ne m'importe pas : Dieu ne fait point acception de personnes, - ceux qui sont les plus considérés ne m'imposèrent rien" (Galates 2 :6). Il est clair qu'à cette époque, l'Eglise de Jérusalem se drapait dans le vêtement orgueilleux de sa propre justice !
L'Eglise de Jérusalem étend son influence.
Actes 11 :19 nous ramène au moment de la dispersion de l'Eglise, après la mort d'Etienne (Actes 8 :4). A cette époque, les Juifs convertis n'avaient d'abord annoncé l'Evangile qu'à des Juifs. Le verset 21 nous apprend qu'un grand nombre de personnes (Juifs et païens) se convertirent au Seigneur.
Ainsi, Jérusalem apprend que l'Evangile se répand. L'Eglise de Jérusalem décide d'envoyer des représentants jusqu'à Antioche. Nous devons nous poser certaines questions. Est-ce que c'était l'Eglise de Jérusalem qui était responsable du succès de l'Evangile à Antioche ? Absolument pas ! Si l'on excepte l'intervention de Dieu, les vrais responsables de ce succès étaient les chefs religieux et politiques de Jérusalem, qui avaient provoqué la persécution ! Il est écrit au verset 22 : "Le bruit en parvint aux oreilles des membres de l'Eglise de Jérusalem, et ils envoyèrent Barnabas jusqu'à Antioche". Il est clair que l'Eglise de Jérusalem n'est intervenue "qu'après coup" !
Pourquoi était-il nécessaire que l'Eglise de Jérusalem envoie à Antioche un représentant officiel ? La réponse me paraît évidente : l'Eglise de Jérusalem était déjà devenue une puissance politique, et ne se contentait plus d'exercer un rôle spirituel. L'Eglise de Jérusalem voulait étendre son contrôle sur toutes les nouvelles églises. Notez aussi que Luc ne nous dit pas que ce sont les apôtres qui ont envoyé Barnabas à Antioche. Ce sont "les membres de l'Eglise de Jérusalem". Nous avons déjà vu que l'Eglise de Jérusalem avait bien changé depuis Actes 8 :1, au point que Pierre fasse l'objet de critiques pour être entré dans la maison de Corneille. Nous verrons que les apôtres n'étaient plus les membres les plus influents de l'Eglise de Jérusalem. C'était Jacques, le frère de Jésus, qui était devenu la personnalité la plus en vue dans cette Eglise. L'Eglise avait été affaiblie par la persécution et la dispersion des Chrétiens. Non seulement elle avait diminué en nombre, mais sa doctrine n'était plus la même. Il ne me semble pas que ce soit par coïncidence que l'un des sept diacres ait été un prosélyte d'Antioche. A présent, la Parole de Dieu agissait avec puissance à Antioche, après que les diacres, les six autres collègues d'Etienne, avaient sans doute été chassés de Jérusalem.
Dans Actes 11 :27, nous apprenons que des prophètes, venus de Jérusalem à Antioche, annoncent une prochaine famine dans le monde entier. Cette famine se produisit effectivement au cours du règne de l'empereur Claude à Rome.
Claude devint empereur en 42, après le meurtre de Caligula. Il régna jusqu'en 54. Il se produisit un certain nombre de famines au cours de son règne. Celle qui est mentionnée dans Actes 11 :28 s'est produite avant le concile de Jérusalem, réuni à Jérusalem en 45 (Actes 15). Il semble probable que cette famine ait duré de 45 à 47.
Pourquoi cette famine, après toutes les choses merveilleuses qui s'étaient produites à Jérusalem depuis la Pentecôte ? Il est écrit dans Proverbes 11 :11 : "La ville s'élève par la bénédiction des hommes droits, mais elle est renversée par la bouche des méchants". Jérusalem était sur une pente descendante. C'est certainement une indication que la vraie piété avait diminué à Jérusalem, même si la cité conservait encore une certaine "forme de piété".
Quinze ans après la mort et la résurrection de Jésus-Christ, Jérusalem recevait à présent une aide alimentaire de l'extérieur. C'en était fini de la glorieuse effusion de l'Esprit constatée au cours des cinq premières années de l'Eglise, effusion accompagnée de guérisons, de signes, de prodiges spectaculaires, d'une annonce hardie de l'Evangile, et de la conversion de multitudes. Jérusalem était sur son déclin, et la famine ravageait maintenant le pays. Rappelons-nous Actes 4 :34, où il est écrit "qu'il n'y avait au milieu d'eux aucun indigent". Arrivés à Actes 12, nous constatons que les indigents étaient nombreux !
Entre temps, il y avait eu les "murmures" des Hellénistes. Etienne avait été lapidé, et Pierre critiqué pour avoir mangé avec des païens. Les Hellénistes voulaient mettre Paul à mort. A peu près à la même époque que la famine, Hérode Agrippa Ier fit mettre à mort l'apôtre Jacques. Parce qu'il vit que cela plaisait au peuple, il fit arrêter Pierre, avec l'intention de le faire mettre à mort après la Pâque.
Au lieu de la bénédiction, c'était la famine dans le pays. Entre 30 et 45, en quinze courtes années, on était passé de la plus grande visitation divine qu'Israël ait pu connaître aux affres de la famine. Israël avait accepté avec empressement le pardon de Dieu, mais n'avait pas voulu marcher par l'esprit. Toutefois, ce déclin spirituel d'Israël fut accompagné d'une grande ouverture des païens à l'action de l'Esprit. Le message de la grâce de Dieu et de la délivrance du péché ne resta pas confiné aux limites de Jérusalem. Ce message allait continuer à se répandre jusqu'aux extrémités de la terre.