A248. Les deux voies de l'Eglise primitive (5).
Par David A. Anderson. L'original peut être consulté en anglais à l'adresse suivante :
http://www.en.com/users/anders/chapter2.htmlReproduction de la traduction française autorisée, pourvu quelle soit intégrale, et que les sources soient indiquées. Publié originellement en anglais en 1997, revu et corrigé en 1999. Adresse de l'auteur : David A. Anderson, 924 Richmond Road, Lyndhurst, OHIO 44124 (USA). E-mail :
anders@en.comNous publions ici, sous forme d'une série d'articles, et avec l'accord de l'auteur, un livre écrit par David Anderson. Ce livre nous semble éclairer particulièrement bien le conflit qui existait au sein de l'Eglise primitive entre la loi et la grâce, les partisans de la loi étant conduits par Jacques, le frère du Seigneur, et ceux de la grâce par l'apôtre Paul. Ce livre est parfaitement d'actualité, car le même conflit peut toujours être observé dans l'Eglise aujourd'hui. Il continue d'opposer ceux qui marchent selon la chair et ceux qui marchent selon l'esprit. La publication complète de cet ouvrage s'étalera sur plusieurs semaines, d'autres articles pouvant aussi être publiés en même temps.
Chapitre 4 : Des problèmes au sein de l'Eglise de Jérusalem.
"Pierre lui dit : Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cur, au point que tu mentes au Saint-Esprit, et que tu aies retenu une partie du prix du champ ? En ce temps-là, le nombre des disciples augmentant, les Hellénistes murmurèrent contre les Hébreux, parce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution qui se faisait chaque jour" (Actes 5 :3 ; 6 :1).
La première mention que quelque chose n'allait pas dans l'Eglise se trouve au chapitre 5 des Actes. Nous ne savons pas exactement à quel moment précis est survenu cet événement. Il s'est probablement passé au cours des cinq premières années de l'Eglise, peut-être vers le milieu de cette période, en l'an 33.
De toute manière, il a dû s'écouler une certaine période entre l'emprisonnement de Pierre et de Jean dans Actes 4, et l'emprisonnement de tous les apôtres dans Actes 5. Pendant cette période, nous constatons "une grande puissance et une grande grâce" (Actes 4 :33, la vente des terres et des maisons (Actes 4 :34), "beaucoup de signes et de prodiges" (Actes 5 :14, et la guérison de tous les malades que l'on emmenait dans les rues de Jérusalem (Actes 5 :16).
Il a fallu un certain temps pour que tout cela se produise. Cinq années se sont écoulées entre de début de l'Eglise jusqu'à la lapidation d'Etienne et la conversion de Saul de Tarse. Je ne cherche pas à déterminer avec précision les dates des événements des Actes. Ces dates diffèrent d'ailleurs selon les commentateurs. Il existe pourtant des dates reconnues par tous, qui permettent de situer la période du Livre des Actes. La mort de Jésus se situe ainsi en l'an 30, la mort d'Hérode Agrippa I en 44 (cette mort est décrite dans Actes 12 :23), et la destruction du Temple par Titus en 70. Ces trois dates sont bien acceptées. Tous les événements des Actes se situent dans le cadre de ces trois dates.
Beaucoup de confusions sont dues au fait que l'on ne réalise pas que tout le Livre des Actes se déroule à l'intérieur de cette période de quarante ans. Le récit des Actes est chronologique, même si certains ne sont pas encore d'accord sur la date précise de tel ou tel événement particulier. Tout le Livre des Actes se situe entre le jour de la Pentecôte, début de l'Eglise, et le moment du premier emprisonnement de Paul à Rome, ce qui représente environ 33 ans. Bien que le récit de Luc soit court, il est complet et atteint son objectif. Il est sans doute clair que l'auteur a voulu sélectionner, dans la masse des faits, ceux qui étaient les plus significatifs. A part cela, beaucoup d'historiens reconnaissent la remarquable qualité de ce récit, comparé à tous les autres récits historiques datant de cette époque, quand on les compare en utilisant les mêmes critères d'évaluation.
Si l'on oublie que les événements rapportés par les Actes se déroulent sur une période assez grande, on perd de vue l'objectif de l'auteur des Actes. Son objectif n'était pas de nous décrire une suite aléatoire de miracles, propre à alimenter les spéculations mystiques. Un tel objectif serait plutôt celui d'un roman et non d'un récit historique. Les Ecritures nous disent clairement que notre foi ne doit pas s'appuyer sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu (1 Cor. 2 :5). La manifestation de cette puissance, au cours des 33 premières années de l'Eglise, n'est pas du domaine du roman. On peut voir les conséquences de la manifestation de cette puissance divine dans l'étude de l'empire romain et de tous les autres empires de l'Histoire, à toutes les époques. Si l'on ne comprend pas cela, nous faisons preuve d'un aveuglement causé davantage par un refus de constater les faits, plutôt que par l'obscurité de ces faits.
Le Livre des Actes décrit donc la réalité de l'effusion du Saint-Esprit sur une période assez longue, ainsi que les conséquences de cette effusion. Il montre de quelle manière les Chrétiens vivaient et agissaient après avoir reçu le Saint-Esprit. Le Livre des Actes est le fondement du Christianisme, un fondement ferme et non précaire. Si l'on accepte une période de 15 années entre Actes 1 et Actes 12, et une période de 25 ans entre Actes 13 de la destruction du Temple de Jérusalem, nous comprenons bien mieux de multiples facettes de l'Eglise du premier siècle.
Le problème d'Ananias et de Saphira.
Au moment du second emprisonnement des apôtres, dans Actes 5, les autorités s'efforçaient désespérément de mettre un terme à la popularité des apôtres, due à la grande quantité des guérisons et des miracles qu'ils avaient opérés. Dieu avait effectivement exaucé la prière d'Actes 4 :29-30 ! Le Seigneur avait étendu Sa main pour guérir, et la Parole de Dieu était proclamée avec une pleine hardiesse.
Si nous estimons que deux ans se sont écoulés entre la Pentecôte et le premier emprisonnement de Pierre et Jean, et deux autres années entre le premier et le deuxième emprisonnement, nous pouvons comprendre à quel point cette effusion du Saint-Esprit était puissante et prolongée. Il ne s'agissait pas d'une effusion de quelques jours ou de quelques semaines. Ses effets ne concernaient pas simplement les milieux humbles, mais s'étendaient aussi aux couches les plus élevées de la société. Après ces quatre années, nous devons encore ajouter une année pour parvenir au moment de la lapidation d'Etienne.
L'épisode d'Ananias et de Saphira s'est donc passée entre les deux emprisonnements des apôtres. Ce récit représente une tache bien sombre au milieu de tous ces événements glorieux. Quand nous lisons Actes 4 et 5, nous pouvons nous demander pourquoi Luc inclut cette histoire dans son récit. Nous n'aurions aimé lire que des bonnes et grandes choses ! Avec Ananias et Saphira, l'Eglise passe par une tragédie. Luc lance un grand signal d'alarme, au milieu du tableau glorieux qu'il est en train de dépeindre. Tout n'allait pas si bien dans l'Eglise de Jérusalem.
Ananias, et sa femme Saphira, avaient vendu un bien qu'ils possédaient, et avaient apporté une partie de l'argent aux apôtres. En lui-même, cet acte n'était pas différent de tout ce qui se pratiquait alors dans l'Eglise. Mais il y avait une différence importante : Ananias et Saphira ont fait croire que leur don correspondait à la totalité de la somme qu'ils avaient reçue pour la vente de leur bien.
Pourquoi ont-ils fait cela ? Il n'est pas difficile d'invoquer l'influence de "l'ancienne nature" ! Il semble normal que des païens pratiquent le mensonge et la tromperie. Mais une telle action est impossible de la part de ceux qui marchent dans leur "nouvelle nature" ! Quand Pierre s'adresse à Ananias et à Saphira, il semble incrédule, quand il leur demande pourquoi ils ont agi ainsi.
Il leur rappelle qu'ils n'avaient déjà pas besoin de vendre l'un de leurs biens. Ensuite, une fois le bien vendu, ils n'avaient aucune obligation de donner la totalité de son prix. Pierre leur dit alors que ce n'est pas à des hommes qu'ils ont menti, mais à Dieu. Ananias et Saphira ont payé de leur vie leur mensonge et, sans doute aussi, leur crainte et leur honte d'être découverts.
Pourquoi ce récit a-t-il été inclus dans le Livre des Actes ? Certes, beaucoup de prédicateurs ont utilisé cet épisode pour dire qu'il ne fallait pas "magouiller" avec Dieu. D'autres ont utilisé cette histoire pour extorquer de l'argent aux Chrétiens. Mais Dieu n'a certainement pas inspiré à Luc d'inclure cette histoire dans son récit pour de telles raisons ! Le Seigneur devait certainement avoir Ses raisons pour inclure ce récit dans Sa Parole.
Considérez certaines des raisons possibles :
Il y a certainement beaucoup d'autres raisons possibles, mais celles que j'indique sont suffisantes pour nous faire réfléchir. Ce récit ne nous est pas donné pour nous faire croire que la mort attend tous ceux qui mentent dans l'Eglise. Cela est évident pour tous ceux qui fréquentent les églises aujourd'hui, et qui voient les mêmes choses se passer ! Ce récit n'a pas non plus été inclus dans la Bible pour nous décrire la colère de Pierre. Ce n'est pas Pierre qui a tué Ananias et Saphira.
C'est le genre d'histoires qui nous oblige à bien comprendre les raisons de leur inclusion dans la Bible. C'est comme si nous cachions une grenade explosive au milieu d'une belle corbeille de fruits ! Nous ne pensons qu'à manger de beaux fruits appétissants, et nous sommes brutalement confrontés à une explosion ! C'est le cas du récit d'Actes 5. Il s'agit d'une terrible explosion, au milieu d'une quantité de choses merveilleuses. C'est la première tragédie rapportée au sein de l'Eglise. Elle nous oblige à réfléchir, à sonder les Ecritures, et à étudier de près ce qui s'est passé.
Nous pouvons peut-être penser à ces paroles de Paul dans Romains 7 :21 : "Je trouve donc en moi cette loi : quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi". De toute manière, l'Eglise de Jérusalem est en train de changer. Au milieu de toutes ces glorieuses délivrances, quelque chose d'horrible est en train de se manifester dans l'Eglise. Nous savons bien aujourd'hui, par expérience personnelle, que nous ne pouvons pas dire que tous les "bons" sont à l'intérieur de l'Eglise, et que tous les "méchants" sont en dehors de l'Eglise ! Nous commençons à comprendre qu'il en était de même dans l'Eglise primitive. Tous ne vivaient pas des existences parfaites et sans péché, même après avoir été sauvés !
Actes 5 :11-13 nous montre quelles ont été les conséquences de l'histoire d'Ananias et de Saphira sur l'Eglise : "Une grande crainte s'empara de toute l'assemblée et de tous ceux qui apprirent ces choses. Beaucoup de miracles et de prodiges se faisaient au milieu du peuple par les mains des apôtres. Ils se tenaient tous ensemble au portique de Salomon, et aucun des autres n'osait se joindre à eux ; mais le peuple les louait hautement". Tout le monde se rendit compte que l'affaire d'Ananias et de Saphira n'était pas fortuite. Par ailleurs, vous pouvez être certains que le Souverain Sacrificateur et ses sbires ont dû veiller très tard pour étudier comment ils pourraient tirer avantage de cet événement.
Nous aimerions peut-être dire que les seuls coupables étaient Ananias et Saphira. Mais il se peut que ces derniers aient cherché à impressionner certaines personnes dans l'Eglise. Sinon, ils n'auraient sans doute jamais pensé employer le mensonge. Ont-ils cherché à impressionner leurs voisins ? Leurs responsables religieux ? Les apôtres ? Nous ne le savons pas, mais Ananias et Saphira n'ont pas agi ainsi sans avoir un motif. Il est simplement clair que leur motif n'était pas pur. Les "bébés" de l'Eglise grandissaient, amis tous ne grandissaient pas bien !
Un tournant dans la vie de l'Eglise de Jérusalem.
Ce fut un tournant dans la vie de l'Eglise de Jérusalem, le commencement d'un déclin spirituel. En plein milieu de miracles et de délivrances sans précédent, nous voyons des problèmes sérieux apparaître. Il semble que la progression spirituelle de l'Eglise ait atteint un sommet. Bientôt, cette progression allait s'arrêter, et le déclin allait commencer pour l'Eglise de Jérusalem.
Au milieu d'Actes 5, il est significatif de remarquer la timidité du Sanhédrin. Lorsque l'ange de l'Eternel eut délivré les apôtres de leur prison, les autorités ne leur demandèrent pas de quelle manière ils étaient sortis de leur geôle. Les autorités sont restées silencieuses devant le peuple, et ne voulaient certainement pas entendre des témoignages concernant cette délivrance surnaturelle. La libération des apôtres de leur prison démontrait la puissance de Dieu. Le Sanhédrin se trouvait réellement sur un terrain glissant, et il le savait !
Les apôtres auraient très bien pu provoquer une insurrection contre le Sanhédrin, mais ils ont choisi de ne pas le faire. Leur hardiesse devant le Sanhédrin, comparée à la timidité et à la crainte de ce dernier, montre quel était le degré de popularité des apôtres, et la puissance de la communauté chrétienne à Jérusalem. Il semble que l'on ne pourra jamais exagérer le prestige dont bénéficiaient les apôtres à cette époque.
Les apôtres furent cependant jugés. Cette fois, les membres du Sanhédrin avaient au moins un motif d'accusation, car les apôtres avaient désobéi à leurs ordres. Ils ont donc condamné les apôtres à être battus de verges. Ils auraient voulu les tuer, mais ils n'ont pas osé le faire, parce qu'ils craignaient pour leur propre vie.
La honte subie par les apôtres lors de leur flagellation ne les arrêta nullement. Ils "se retirèrent de devant le Sanhédrin, joyeux d'avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le nom de Jésus" (Actes 5 :41). Bien que le Sanhédrin leur eût ordonné expressément de ne plus enseigner au nom de Jésus, le verset 42 nous dit qu'ils ont continué à lui désobéir. Non seulement ils enseignaient dans les maisons, mais ils le faisaient jusque dans le Temple.
Le peuple se trouvait confronté à un choix.
Le peuple se trouvait confronté à un dilemme. Il ne pouvait pas continuer à honorer à la fois le Sanhédrin et les apôtres. Il fallait que décline soit le prestige du Sanhédrin, soit celui des apôtres. Il n'était pas possible que Jérusalem continue à vivre avec un tel conflit en son sein ! Il fallait ou bien que le Sanhédrin soit renversé ou, tout au moins, obligé d'admettre qu'il avait donné un ordre impie aux apôtres, ou bien que les apôtres soient déclarés dans l'illégalité complète. Le peuple de Jérusalem était confronté à un choix très difficile.
Dans Actes 6 :1, nous voyons que le nombre des disciples continuait à se multiplier à Jérusalem, malgré le dilemme dont nous venons de parler. Nous ne savons pas combien de temps s'est ainsi écoulé, quelques mois, ou une ou deux années. D'après le contexte, l'insubordination des apôtres n'a pas duré que quelques jours, mais il est probable que cette période n'a pas non plus excédé deux années.
Après quelques mois, tout au plus une année, Actes 6 :1 nous révèle une nouvelle tragédie au sein de l'Eglise de Jérusalem. Celle-ci ne concernait pas seulement des individus, mais des groupes ou des factions. Les Hellénistes se mirent à murmurer contre les Hébreux, parce que leurs veuves étaient négligées dans les distributions quotidiennes de nourriture. Le dilemme de Jérusalem commençait à peser sur les nerfs du peuple !
La résistance ouverte des apôtres aux ordres du Sanhédrin obligeait non seulement les Juifs non convertis à prendre parti, mais aussi les Chrétiens eux-mêmes. En plein milieu des signes, des prodiges, des miracles et de la manifestation de Dieu, tout le peuple se demandait comment allait être réglé ce dilemme : qui devait exercer l'autorité à Jérusalem ?
Nous pouvons peut-être nous souvenir de ce qu'écrivaient les Pères Fondateurs de l'Amérique. Voici ce qu'ils ont inscrit dans leur "Déclaration d'Indépendance" : "Tout au long de l'Histoire, les peuples ont montré qu'ils étaient prêts à souffrir, autant qu'ils le pouvaient, plutôt que de se faire eux-mêmes justice en abolissant les formes de gouvernement auxquelles ils étaient habitués. Mais, confrontés à une longue suite d'abus et d'usurpations, manifestement destinés à les réduire à la merci d'un despotisme absolu, il est de leur droit, et même de leur devoir, de renverser de tels gouvernements, et de se doter de nouvelles dispositions pour assurer leur sécurité future".
Beaucoup de femmes et d'hommes pieux ont certainement pensé à ces choses, tout au long de cette époque d'incertitude. Certains d'entre eux attendaient certainement le retour imminent du Seigneur pour instaurer Son Royaume, mais Jésus-Christ Lui-même avait dit aux apôtres que ce n'était pas à eux de connaître les temps et les saisons que le Père avait fixés de Sa propre autorité, et qu'Il ne leur avait pas révélés (Actes 1 :7).
Cinq années s'étaient peut-être écoulées depuis la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts. Tous les disciples espéraient Son retour imminent, mais ils savaient aussi qu'il pouvait encore s'écouler cinq années, ou davantage, avant ce retour. Il n'était pas possible de supporter aussi longtemps ce combat entre le Sanhédrin et les apôtres. Le défi d'un côté, et la haine de l'autre, ne pouvaient pas continuer à coexister longtemps.
Les Hellénistes murmurent contre les Hébreux.
Il est difficile de dire à quel point l'autorité des apôtres avait remplacé l'autorité du Temple. La distribution de nourriture aux veuves a toujours été clairement du ressort du Temple, tout au long de sa longue histoire. Nous voyons ici cette fonction exercée par l'Eglise (Actes 2 :44 et 4 :35). Pour la première fois, ce n'est plus le Temple qui l'exerce. Mais nous ne savons pas exactement si les Hellénistes et les Hébreux mentionnés dans Actes 6 :1 sont exclusivement des Chrétiens, ou des Chrétiens mêlés à des non-Chrétiens. Le verset d'Actes ne le précise pas.
Les Hellénistes d'Actes 6 :1 étaient des Juifs de culture grecque, qui n'étaient pas toujours bien acceptés par les Juifs de culture hébraïque, qui refusaient l'intrusion des coutumes et de la philosophie grecques dans la culture d'Israël. La dissension entre ces deux groupes se focalise ici sur des questions d'argent. Il est clair ici que les Hébreux manquaient d'égards envers les Hellénistes.
Il semble raisonnable de conclure que les revenus du Temple avaient sérieusement diminué, à mesure que les Chrétiens donnaient leur argent directement à ceux qui avaient des besoins, ou aux apôtres. Le Temple était donc privé de ces revenus, et les distributions contrôlées par le Sanhédrin et le Souverain Sacrificateur devaient en souffrir. Cela résultait logiquement du dilemme dont nous venons de parler. Ceux qui suivaient les apôtres devaient certainement donner leur argent à l'Eglise, plutôt qu'au Temple.
Il faut souligner que les Juifs du premier siècle pratiquaient largement les dîmes et les offrandes. Les lois et les coutumes d'Israël insistaient sur ces pratiques, qui faisaient partie de la manière normale de vivre des Juifs. Ils ne se contentaient pas de payer les dîmes requises, mais ils n'hésitaient pas à donner les prémices de leurs récoltes et de leur bétail, et à pratiquer les aumônes et toutes sortes de dons. En fait, ils payaient, en plus de leur dîme principale, une "seconde dîme" qui devait être dépensée à Jérusalem, pendant les fêtes. Lors de ces fêtes, non seulement près de deux millions de personnes venaient à Jérusalem, mais ils apportaient avec eux près de 20 % de leurs revenus.
Les historiens nous disent que les impôts que les Israélites devaient verser à Rome, ajoutés à ceux qu'ils devaient verser au Temple, représentaient près de 40 % de leurs revenus, ce qui était un fardeau intolérable. Aucun système ne se préoccupait de l'autre, ce qui provoquait de nombreux troubles et une résistance considérable. Il est probable que de nombreux Juifs ne pouvaient pas supporter un tel fardeau, et que les famines que connut Israël sont sans doute liées au niveau d'imposition. Le montant des impôts modernes permet de comprendre le lien entre la famine et le poids des impôts, surtout dans les pays communistes, où les famines sont fréquentes et l'initiative privée quasi-inexistante, en raison de la mainmise de l'Etat sur l'économie. Même en Amérique, surtout au cours des vingt dernières années, un excès d'impôts est en train de provoquer des résultats désastreux. Le nombre de SDF aujourd'hui est très important et n'a rien à voir avec la situation d'il y a vingt ans. On reconnaît en général que le poids total des divers impôts excède 40 % des revenus, si l'on ajoute toutes les taxes directes, indirectes, locales et fédérales, sans mentionner le poids de l'inflation. Il est certain que notre nation se portait mieux quand les particuliers payaient directement les églises, les entreprises ou les organisations qui leur fournissaient les divers services d'éducation, de santé ou de prévoyance dont ils avaient besoin, au lieu de payer au gouvernement les taxes qu'il réclame pour fournir les mêmes services.
Le but de cette "parenthèse financière" est de vous montrer que la situation à Jérusalem au cours des six premières années de l'Eglise était tout à fait semblable à notre situation moderne. L'Eglise offrait une espérance qui transcendait le système du monde. Malgré le budget "serré" de la plus grande partie de la population, et les exigences du Temple et du gouvernement romain, les Chrétiens prospéraient.
Lorsque de nombreux Juifs de Jérusalem devinrent Chrétiens, ils n'ont pas utilisé l'excuse qu'ils n'étaient plus sous la Loi pour cesser de faire des dons. Au contraire, il est très probable que le montant de leurs dons a continué à augmenter. Il est clair que, pour des Chrétiens, le système des dîmes et des offrandes a été aboli par le sacrifice de Jésus-Christ. Toutefois, l'Eglise primitive a prouvé qu'elle savait donner, souvent dans des proportions encore plus grandes que ne l'exigeait l'Ancien Testament. Les Chrétiens donnaient avec un cur reconnaissant, et non par obligation. Il est écrit dans 2 Cor. 9 :7 que "Dieu aime celui qui donne avec joie".
Il peut nous sembler difficile d'évaluer le montant exact des sommes manipulées par le Temple ou par l'Eglise. Nous ne pouvons pas nous servir de l'exemple des églises modernes. Ce qui pourrait nous aider, c'est d'imaginer ce qui se passerait dans l'une de nos grandes villes, si les gens décidaient de donner directement leur argent à ceux qui en ont besoin, au lieu de le donner à leur percepteur ! Cela causerait certainement une révolution dans l'économie de cette ville, et dans le bien-être de ses citoyens ! Sur le plan financier, Jérusalem devait se trouver confrontée à une situation révolutionnaire de cet ordre, à l'époque d'Actes 6 :1. Il semble que les murmures des Hellénistes soient plutôt le symptôme d'un problème beaucoup plus profond de finances publiques au niveau du Temple et de la ville.
De même, il est difficile de savoir qui étaient exactement ces Hellénistes et ces Hébreux mentionnés dans Actes 6 :1. Nous ne savons pas si tous ceux qui murmuraient étaient des Chrétiens. Mais nous pouvons le penser, car les apôtres ont convoqué la multitude des disciples pour parler du problème. Mais ce n'est qu'une supposition. Beaucoup de non-convertis ont pu faire partie de ces mécontents. Les disciples choisirent sept diacres, qui semblent avoir pris des fonctions nouvelles. Cela peut confirmer le fait que les distributions faites aux veuves étaient jusque-là à la charge du Temple. A présent, il semble que les "veuves Chrétiennes", tout au moins, vont être prises en charge par l'Eglise, sous la direction des sept diacres.
D'après ce que nous connaissons de la situation à Jérusalem, il se peut très bien que les apôtres aient convoqué les disciples pour discuter d'un problème qui concernait en fait l'économie de l'ensemble de la ville. Car le problème aurait pu être provoqué par le Sanhédrin, qui aurait délibérément favorisé les Hébreux, au détriment des Hellénistes, dans le but de diviser le peuple. Ce faisant, ils auraient pu aussi déplacer le débat du terrain surnaturel, qui ne leur convenait pas, au terrain pratique de la réalité économique de tous les jours.
En d'autres termes, si le Souverain Sacrificateur et le Sanhédrin avaient volontairement voulu favoriser les Hébreux au détriment des Hellénistes, cela aurait pu s'expliquer par le fait que les Hébreux étaient plus "purs" à leurs yeux que les Hellénistes, qui avaient adopté beaucoup de pratiques des Gentils. Cela aurait pu être l'occasion idéale, pour le Sanhédrin, de diviser volontairement le peuple de Jérusalem.
Même si les Hellénistes et les Hébreux d'Actes 6 :1 étaient tous Chrétiens, et si c'était l'Eglise qui contrôlait les distributions de nourriture aux veuves, le fait de favoriser les Hébreux au détriment des Hellénistes aurait pu procéder du même raisonnement. Certains auraient pu penser que les Hébreux méritaient davantage, parce qu'ils étaient restés plus fidèles aux pratiques et à la religion d'Israël. Dans les deux cas, une telle attitude dénote donc un retour évident à l'esclavage de la Loi, ce qui était contraire à la liberté acquise par Jésus-Christ aux Chrétiens.
Que le responsable du problème soit le Temple ou l'Eglise, nous ne le savons pas clairement. En outre, le mot "église" employé par Luc na pas la même signification que celle que nous lui donnons aujourd'hui. Le mot grec est "ekklesia", ce qui signifie "groupe, rassemblement, ou foule". Littéralement, ce mot signifie : "appelé hors de". Il n'implique nullement l'existence d'une hiérarchie religieuse d'anciens, de prêtres ou de diacres, comme c'est souvent le cas aujourd'hui.
Les Hellénistes et les Hébreux.
A l'époque d'Actes 6 :1, l'atmosphère est donc très tendue à Jérusalem, pas seulement parce que les apôtres continuent à défier les autorités, qui leur ont interdit de prêcher au nom de Jésus, mais aussi parce que quelqu'un a délibérément décidé de favoriser les Hébreux, au détriment des Hellénistes.
Même si nous ne connaissons pas l'importance de ces communautés mentionnées dans Actes 6 :1, nous savons qui étaient ceux qui les composaient. Il y avait de nombreuses synagogues à Jérusalem. On admet généralement qu'il existait, à l'époque de Jésus, entre 460 et 480 synagogues à Jérusalem. On peut en discuter, mais leur nombre n'était pas de l'ordre de 20 ou 40, c'est certain. Jérusalem était une grande ville, et les synagogues étaient nombreuses.
Des siècles avant Jésus, lors de la captivité babylonienne, et par la suite, les Juifs ont été dispersés pendant des générations dans toutes les nations du monde. Ceux qui sont retournés à Jérusalem se sont donc naturellement regroupés en fonction de leur langue, de leur culture et de leur condition sociale. Le concept de "synagogue" date du temps des retours des diverses captivités.
Jérusalem était un véritable creuset, avec des Juifs provenant de toutes les parties du monde. C'était le centre du pouvoir en Israël. Les sacrificateurs et les Lévites vivaient à Jérusalem, ainsi que beaucoup de retraités, de gens aisés et d'étudiants de la Loi. Les différences culturelles et sociales étaient très grandes. Les Hellénistes d'Actes 6 :1 étaient des Juifs qui parlaient le grec. Ils avaient adopté les coutumes et la culture des Grecs. Ils étaient aussi membres du peuple d'Israël et vivaient à Jérusalem. Aujourd'hui, nous pourrions les appeler des "Juifs réformés", par opposition à ceux que nous appelons aujourd'hui des "Juifs Orthodoxes".
Ces "Juifs réformés" ont donc commencé à se plaindre que leurs veuves étaient négligées dans les distributions de nourriture. L'accusation était certainement vraie. S'il s'agissait d'une simple erreur involontaire, Luc ne l'aurait sans doute pas mentionnée dans son récit. Nous pouvons en conclure que le problème était légitime, car les apôtres l'ont pris en considération.
Mais les apôtres ont refusé de le résoudre eux-mêmes, et même de choisir les personnes qui le résoudraient. Manifestement, ils ne voulaient pas s'impliquer dans ce problème de nature financière, car cela les aurait distraits de leur tâche principale, qui était d'enseigner au nom de Jésus. Il est possible que le Souverain Sacrificateur et ses gens soient à l'origine de ce problème, qui pouvait être un piège dans lequel ils voulaient attirer les apôtres, donnant ainsi au Sanhédrin une occasion de les mettre à mort. Si cela était le cas, les apôtres se sont aperçus du piège.
Les effets de ces divisions dans l'Eglise.
Il est très significatif que des factions existent à présent au sein de l'Eglise de Jérusalem. Jusque-là, il n'est fait aucune mention de factions éventuelles. Les disciples avaient la faveur de tout le peuple, tous les malades de la ville et des environs étaient guéris, et les apôtres étaient tellement populaires que le Sanhédrin ne pouvait pas les faire mettre à mort, comme il le désirait.
Nous ne savons pas combien de temps la Parole de Dieu s'est ainsi répandue. Sans doute pendant au moins trois ou quatre ans. En tout cas, au moment d'Actes 6 :1, près de cinq ans se sont écoulés depuis la Pentecôte. A l'époque de la conversion de Paul, cinq ans après la création de l'Eglise, il y avait donc des conflits au sein de l'Eglise. Les murmures des Hellénistes contre les Hébreux en sont la preuve.
Les apôtres firent savoir aux disciples qu'il ne convenait pas qu'ils soient distraits de l'enseignement de la Parole de Dieu. Sept hommes remplis de l'Esprit et de sagesse furent donc choisis pour résoudre le problème. Remarquez que les noms de ces sept hommes sont tous des noms grecs. Il est donc probable qu'ils appartenaient à la faction des Hellénistes. Nous apprenons même que l'un de ces hommes n'était pas Juif. C'était un prosélyte d'Antioche nommé Nicolas. Les apôtres ne participèrent pas au choix de ces hommes.
Etienne était le personnage principal de ce groupe. Toutefois, bien qu'il accomplît de grands signes et de grands prodiges, certains membres du peuple de Jérusalem n'étaient pas satisfaits de lui, puisqu'ils eurent une controverse avec lui (Actes 6 :9). Nous ne savons pas si cette controverse eut lieu dans les synagogues mentionnées ou, plus probablement, dans les limites du Temple. Toutefois, nous pouvons déduire, d'après les noms de ces synagogues, qu'il s'agissait de synagogues d'Hellénistes. Dans Actes 22 :19, nous apprenons que Paul faisait mettre en prison et battre de verges dans les synagogues ceux qui croyaient en Jésus. Il est donc clair que tous les Chrétiens continuaient à cette époque à fréquenter les synagogues. Des Hellénistes et des Hébreux devaient donc se trouver dans toutes les synagogues, ainsi que les Pharisiens, des Sadducéens, des Esséniens, des scribes, etc Il est probable que tel ou tel groupe devait être dominant dans chaque synagogue. D'après les noms de ces synagogues, le critère essentiel de regroupement des Juifs dans les synagogues était leur origine géographique, et non telle ou telle doctrine ou pratique religieuse. Quoi qu'il en soit, ceux qui s'engagèrent dans la controverse avec Etienne ne purent pas résister à sa sagesse et à l'Esprit par lequel il parlait. Ils décidèrent donc de tramer un complot contre lui.
Nous lisons dans Actes 6 :11 qu'ils accusèrent faussement Etienne d'avoir proféré "des paroles blasphématoires contre Moïse et contre Dieu". On ne sait pas quelles étaient ces paroles "blasphématoires". Mais, à la lumière du discours d'Etienne devant le Sanhédrin, on peut penser que les opposants d'Etienne contestaient sans doute le salut par la foi en Jésus-Christ ou les implications de la résurrection du Seigneur. Il s'agit manifestement de questions touchant au problème du salut. Compte tenu de ce que nous savons sur la taille et l'étendue de l'Eglise, il nous semble probable que les accusateurs d'Etienne étaient plutôt des disciples. Ils ont tenté de s'opposer à la sagesse d'Etienne, sans y parvenir. Le débat ne portait donc pas sur le simple fait de la résurrection. Il est difficile de penser que des non-Chrétiens aient pu s'engager dans un débat avec Etienne sur le fait de la résurrection, cinq années après cet événement. Même le Sanhédrin n'avait pas pu empêcher les apôtres de parler au nom de Jésus, à cause des miracles, des signes et des prodiges qui étaient opérés devant tout le peuple.
Pour toutes ces raisons, il semble que le récit d'Actes 6 :9-14 concerne plutôt un conflit au sein de l'Eglise de Jérusalem, plutôt qu'une persécution venant de l'extérieur. La résurrection de Jésus-Christ était un fait bien établi à cette époque. Ceux qui auraient voulu contester ce fait n'auraient pas osé se mesurer avec Etienne, qui avait justement été choisi par la communauté des Chrétiens pour résoudre le conflit entre les Hellénistes et les Hébreux.
Pourquoi nous pensons plutôt à un conflit au sein de l'Eglise.
Il nous faut tout d'abord faire quelques commentaires sur le chapitre 6 des Actes. Certains prétendent que ce qui se passe à partir du verset 9 n'a aucun rapport avec les huit premiers versets. Si c'est le cas, le complot contre Etienne et sa mise à mort n'ont aucun rapport avec les "murmures" du verset 1. Etienne et les autres diacres auraient résolu le problème qui avait causé les murmures, puis Etienne serait passé à un autre ministère, accomplissant de grands prodiges et de grands miracles.
Mais, pour que tout cela soit vrai, il faut supposer que la cause des "murmures" a été résolue, ce qui n'est pas du tout évident. Le texte des Actes ne le confirme nullement. Puisque cette question des murmures se présente au milieu de tant d'événements extraordinaires, nous devons en conclure qu'il devait s'agir d'un problème particulièrement important. Si la cause de ces murmures avait été réglée, on aurait dû l'apprendre. Nous savons que sept hommes remplis de l'Esprit et de sagesse ont été choisis pour régler ce problème. Mais la sélection de ces hommes ne signifie pas que le problème ait été automatiquement réglé !
Si les Actes n'avaient plus jamais reparlé de ces sept hommes, on aurait pu croire que la question était résolue. Mais ce n'est pas le cas. Le récit nous apprend que le plus important des sept, Etienne, fut lapidé, et que l'Eglise fut dispersée par la suite. Nous avons donc toutes les raisons de penser que les "murmures" ont déclenché toute une série d'événements qui ont conduit à la mort d'Etienne. Cela peut surprendre beaucoup d'entre vous, mais j'espère que vous serez patient avec moi. Car, si mon raisonnement est exact, il peut provoquer chez vous une "relecture" sérieuse et approfondie du Livre des Actes. Je ne peux espérer mieux !
Nous allons donc tenter de reconstituer cette série d'événements, qui ont commencé par les murmures d'Actes 6 :1. Il est possible que la sélection des sept diacres ait créé un précédent dans l'Eglise, qui a refusé de laisser le Temple s'occuper des distributions faites aux veuves, pour s'en occuper directement. Une partie du ministère des sept devait donc consister à enseigner aux Chrétiens pourquoi l'Eglise devait à présent faire ce travail. Ils devaient aussi expliquer pourquoi les Hébreux ne devaient pas être favorisés dans ces distributions.
Ce qui nous permet de penser que tout le chapitre 6 forme une continuité, c'est la taille très importante de l'Eglise de Jérusalem. Si l'Eglise n'avait représenté qu'une petite minorité du peuple, et si les Hellénistes et les Hébreux d'Actes 6 :1 étaient exclusivement des Chrétiens, les "murmures" n'auraient pas été jugés très importants par l'ensemble de la population. Mais, compte tenu du fait que la taille de l'Eglise était très importante, et que les Chrétiens formaient sans doute la majorité de la population de Jérusalem, les "murmures" devaient représenter un problème majeur dans la ville.
Nous avons déjà vu que l'Eglise était conquérante à Jérusalem, que des multitudes se convertissaient, ainsi qu'une grande foule de sacrificateurs. Il ne s'agissait pas d'une petite Eglise insignifiante. Le chapitre 6 des Actes nous présente le premier martyr de l'Eglise. Nous devons absolument comprendre pour quelle raison il a été mis à mort.
Rappelons que dans Actes 4, le Sanhédrin n'a rien pu faire pour punir Pierre et Jean. Dans Actes 5, il ne peut que les condamner à être battus de verges, alors qu'il voulait les mettre à mort. Mais, dans Actes 7, certains se sont suffisamment enhardis pour lapider Etienne, sans même prendre la peine d'achever son procès.
Tous les événements que je viens de rappeler se sont passés en l'espace d'à peine trois années. Les membres du Sanhédrin sont sans doute toujours les mêmes. Ainsi, d'une manière ou d'une autre, les "murmures" ont réussi à produire un premier clivage au sein de la communauté chrétienne, ce qui a permis aux partisans de l'impiété de s'imposer. Cette méthode n'est pas nouvelle. Satan a toujours utilisé les mêmes stratagèmes. "Diviser pour régner", cela a souvent permis à l'ennemi de s'imposer, quand il ne réussit pas à mener une attaque frontale. Cette fois, il a réussi, car nous voyons que l'Eglise a pu être persécutée et dispersée.
D'autres réflexions concernant Actes 6.
La déclaration faite par les apôtres au verset 2 est très importante : "Il n'est pas convenable que nous laissions la parole de Dieu pour servir aux tables". Cela peut nous faire croire que les sept diacres choisis devaient se cantonner à servir aux tables. Mais il est certain que les "murmures" ne se limitaient pas à un problème mineur de distribution de nourriture. Sinon, les Hellénistes n'auraient pas accusé spécifiquement les Hébreux.
Ce n'était donc pas simplement un problème de "manque de personnel de service". Nous savons que cela concernait aussi les distributions quotidiennes faites aux veuves. Mais les plaintes ne devaient certainement pas se limiter à des problèmes de distributions.
Le problème essentiel devait concerner ceux qui décidaient de faire ces distributions aux veuves. C'étaient eux qui choisissaient les veuves qui devaient être aidées, et la nature de l'aide à leur apporter. Le problème de fond était donc un problème d'argent et de contrôle de ressources financières. Le fait que les apôtres aient refusé de se mêler de ce problème peut expliquer pourquoi ils furent les seuls à pouvoir rester à Jérusalem lors de la persécution, après la mort d'Etienne. Cela peut encore vous étonner, mais j'espère que cela vous motivera à étudier davantage ce problème d'argent. Je suis certain que le fait que les apôtres aient refusé de se mêler de ce problème d'argent n'est pas rapporté par hasard dans le récit des Actes. Il semble au contraire hautement significatif, et doit être mis en relation avec Actes 8 :1, qui nous dit que les apôtres purent rester à Jérusalem pendant la persécution.
Il me semble donc évident que les événements d'Actes 6 ont été inclus par Luc dans son récit pour nous montrer qu'un changement majeur vient de se produire dans l'Eglise. Nous parvenons donc à une première conclusion : Bien que les chefs religieux n'aient rien pu faire pour empêcher la Parole de Dieu de se répandre à Jérusalem, des divisions provoquées par des problèmes de distribution de nourriture et d'argent ont donné au Sanhédrin l'occasion rêvée de "diviser pour régner".
Suite au choix des sept diacres et à leur reconnaissance par les apôtres, nous voyons que "la Parole de Dieu se répandait de plus en plus, le nombre des disciples augmentait beaucoup à Jérusalem, et une grande foule de sacrificateurs obéissaient à la foi" (verset 7). Actes 2, 4 et 5 parlent de 3.000 convertis, puis de 5.000, puis de "multitudes" "ajoutées chaque jour à l'Eglise". A présent, dans Actes 6, il est dit que "le nombre des disciples augmentait beaucoup". Il est clair que l'Eglise connaît à ce moment précis un accroissement encore plus fort qu'avant.
Non seulement cela, mais on nous dit qu'une "grande foule de sacrificateurs obéissaient à la foi". Il est clair que la classe des sacrificateurs était en train d'être bouleversée. Nous avons déjà dit qu'il y avait environ cinq mille sacrificateurs à Jérusalem à cette époque. La "grande foule de sacrificateurs" qui se sont convertis ne représentait certainement pas quelques dizaines d'entre eux, ni même quelques centaines. Il est même très probable que cette "grande foule" devait représenter trois ou quatre mille sacrificateurs, voire quatre mille neuf cents ! Je sais que ma remarque est assez radicale, mais, si elle est exacte, elle nous permet de comprendre qu'il est en train de se passer quelque chose d'absolument dramatique pour les autorités du Temple !
Le fait qu'une grande foule de sacrificateurs se soient convertis démontre que la population de Jérusalem se souciait beaucoup de tout ce qui touchait à la piété. Les sacrificateurs étaient très honorés et respectés par le peuple de Jérusalem. Ils exerçaient un ministère en faveur du peuple devant Dieu dans le Temple. On peut donc imaginer que si une "grande foule" de sacrificateurs se sont convertis, cela a dû inciter une autre "grande foule" de Juifs à croire en Jésus, parmi la population de Jérusalem.
Etienne est pris pour cible.
Nous devons bien réaliser que la menace était extrêmement sérieuse pour le Souverain Sacrificateur et le Sanhédrin. C'étaient leur prestige, leur mainmise sur la population, mais aussi leur argent qui étaient menacés ! Cette menace était non seulement réelle, mais imminente ! Le tableau est très clair ! J'espère être parvenu à vous le faire comprendre, par notre étude des six premiers chapitres des Actes. Jésus-Christ était Tout-Puissant à Jérusalem, d'une manière que l'on ne perçoit pas clairement en général. L'Esprit de Dieu était véritablement répandu à flots. Il ne s'agissait pas de quelques gouttes !
Dans Actes 6 :8, nous lisons qu'Etienne, "plein de grâce et de puissance, faisait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple". C'est la première fois, dans le Livre des Actes, qu'on mentionne quelqu'un d'autre que les apôtres accomplissant des prodiges et des miracles. Cela ne signifie pas que les apôtres aient été les seuls à accomplir des miracles, car Dieu ne fait pas acception de personnes (Actes 10 :34). Beaucoup d'autres Chrétiens devaient certainement en accomplir. Mais Etienne est mentionné spécialement, sans doute en raison de la grandeur des prodiges et des miracles qu'il accomplissait. En outre, il n'y a aucune raison de penser qu'il faisait autre chose que ce pourquoi il avait été choisi dans Actes 6 :3-6. Rien ne le laisse supposer.
Ceux qui disent qu'Etienne était passé à un autre ministère, après avoir "servi aux tables", n'apprécient pas la grandeur de la tâche pour laquelle il avait été choisi. La loi était en train d'être remplacée par la grâce, et Etienne était le porte-parole de la grâce. Il devait accomplir son ministère de diacre en expliquant qu'il n'y avait aucune différence entre les Hébreux et les Hellénistes, et Dieu confirmait les paroles d'Etienne par des prodiges et des miracles.
Aux versets 9 et 10, nous voyons que des membres de diverses synagogues n'appréciaient pas tout ce que faisait Etienne. Il ne nous est pas dit qu'Etienne discutait avec eux dans leurs synagogues. Ces discussions devaient probablement se passer dans le Temple. Comme une "grande foule de sacrificateurs" s'étaient convertis, le Temple était sans doute le principal centre de rencontre des Chrétiens. Le verset 10 dit que les contradicteurs d'Etienne ne pouvaient résister à sa sagesse et à l'Esprit par lequel il parlait. Cette remarque confirme que la piété était une attitude prédominante à Jérusalem à cette époque. Certains voulaient résister à Etienne, mais ne purent y parvenir. Cela signifie que les paroles d'Etienne devaient être acceptées par ceux à qui il s'adressait en général, et que ses détracteurs ne pouvaient pas prévaloir.
Ils ont donc monté une machination contre Etienne, et ont suborné de faux témoins. Nous ne savons pas exactement qui étaient les contradicteurs d'Etienne, s'ils étaient Chrétiens ou non, Hébreux ou Hellénistes. Tout ce que nous pouvons dire c'est qu'ils avaient quelque chose à gagner en accusant faussement Etienne. Leur motif n'était pas pur. Peut-être voulaient-ils gagner la faveur du Souverain Sacrificateur et du Sanhédrin. Peut-être voulaient-ils étendre leur pouvoir à Jérusalem. Peut-être étaient-ils motivés par l'appât du gain.
Quelles que soient leurs motivations, ils accusèrent Etienne d'avoir "proféré des paroles blasphématoires contre Moïse et contre Dieu". Etienne fut donc traduit devant le Sanhédrin. Il ne put achever son témoignage, et fut mis à mort.
Le discours d'Etienne.
Pendant des années, je me suis demandé pourquoi le discours d'Etienne avait été inclus dans le Livre des Actes. Je le lisais sans cesse, dans l'espoir de comprendre pourquoi Dieu l'avait inclus à cet endroit. C'est, de loin, le plus long discours rapporté par les Actes. Luc devait le considérer comme particulièrement important pour consacrer près de 6 % du Livre des Actes au discours d'Etienne et aux événements qui s'y rapportent. Il n'est pas déraisonnable de dire que les chapitres 6 et 7 des Actes doivent être considérés comme une entité unique. Par ailleurs, nous devons noter le fait que près de la moitié du Livre des Actes est consacrée par Luc au récit des événements qui concernent la mort d'Etienne, ceux qui concernent la conversion de Corneille, et ceux qui concernent le dernier voyage de Paul à Jérusalem. Ces trois séries d'événements font tous état de conflits au sein de l'Eglise. C'est ce qui me permet de penser que l'un des objectifs essentiels de Luc, dans le Livre des Actes, est de présenter les différents conflits rencontrés par l'Eglise. Il ne s'agit donc pas d'un thème mineur.
Les sept diacres ont été clairement choisis pour régler un conflit. Etienne devait certainement être en train de résoudre ce conflit quand il a fait l'objet de cette machination fatale. On peut donc raisonnablement conclure que le discours d'Etienne était une ultime tentative de sa part pour régler un conflit.
Si l'on étudie le discours d'Etienne en parallèle avec les instructions données par Paul aux Galates, dans les chapitres 3 et 4 de cette épître, nous verrons que ces deux passages s'éclairent mutuellement. Cela nous fait mieux comprendre pourquoi les veuves des Hellénistes étaient négligées par les Hébreux dans les distributions quotidiennes. Ceux qui géraient les fonds et qui faisaient les distributions devaient marcher selon la "veille nature", et pas selon la nouvelle ! C'est déjà une indication, même minime, que le légalisme commençait à s'infiltrer dans l'Eglise de Jérusalem.
Notez aussi qu'Etienne n'a pas été traduit devant le Sanhédrin parce qu'il croyait en Jésus et en la résurrection. Une telle accusation n'aurait rien apporté à ses ennemis. A cette époque, la plupart des habitants de Jérusalem étaient persuadés de la réalité de la résurrection.
Etienne a été accusé de proférer des paroles blasphématoires contre le Temple et contre la Loi. Il devait certainement y avoir une partie de vérité dans ces accusations, sinon le peuple se serait opposé à son arrestation. Pour tous les sacrificateurs convertis, l'accusation était donc sérieuse. Il doit en être de même aujourd'hui pour les Chrétiens qui commencent à étudier sérieusement l'épître de Paul aux Romains. Ils y voient écrit que la loi est "sans force" (Romains 8 :3), ou qu'une "nouvelle loi a remplacé l'ancienne" (Romains 8 :2). Quand ils entendent dire : "Nous ne sommes plus sous la loi !", ils risquent de penser que cela va encourager la licence, le vol et le meurtre, ou la désobéissance aux Dix Commandements ! Ce n'est certainement pas ce que Paul veut dire ! Il dit au contraire : " Que dirons-nous donc ? Demeurerions-nous dans le péché, afin que la grâce abonde ? Loin de là ! Nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore dans le péché ?" (Romains 6 :1-2). Ceux qui entendent : "Nous ne sommes plus sous la loi !", sans donner à celui qui prononce cette phrase une occasion de s'expliquer, peuvent le considérer comme un hérétique. Cette une expérience très commune dans l'Eglise aujourd'hui, surtout quand on parle de "ne plus être sous la loi" !
Supposez qu'un homme ait une très vieille voiture, et qu'il décide de la remplacer. Il dira sans doute : "Ma vieille voiture ne valait rien, mais ma nouvelle voiture est formidable !" Il pourrait offenser quelqu'un qui possède une voiture de la même marque et de la même année que celle qu'il possédait. Il faut qu'il prenne le temps d'expliquer dans quel état se trouvait son ancienne voiture, et d'expliquer les avantages de la nouvelle. Sinon il provoquera certainement l'antagonisme de son auditeur ! Si celui-ci est d'une nature querelleuse et haineuse, il déversera sa haine sur le nouveau propriétaire et répandra toutes sortes de mensonges sur lui !
Il en est un peu de même pour les accusations portées contre Etienne. On l'accusait de proférer des paroles blasphématoires contre le Temple et contre la Dieu. Pas seulement contre Dieu, mais aussi contre la Loi de Moïse et contre Dieu. Le problème central était celui de la Loi. Les accusateurs tentaient de faire passer Etienne pour un impie et un blasphémateur. Les puissances qui manipulaient ses accusateurs ne pouvaient pas résister à la sagesse et à l'Esprit par lequel il parlait. Mais ils ne pouvaient pas nier la foi et la puissance d'Etienne, ni les grands prodiges et miracles qu'il accomplissait parmi le peuple.
Dans Actes 6 :14, les faux témoins déclarèrent : "Nous l'avons entendu dire que Jésus, ce Nazaréen, détruira ce lieu, et changera les coutumes que Moïse nous a données". Ces faux témoins n'ont pas entendu Etienne prononcer les paroles dont ils l'accusaient. Certaines personnes leur avaient suggéré de prononcer ces fausses accusations, dans le but de se débarrasser d'Etienne. On peut dire que les "murmures" concernant les distributions aux veuves ont facilité l'acceptation de ces faux témoignages. Si les Hellénistes avaient pris le parti d'Etienne, les Hébreux devaient certainement lui être opposés. Si les Hébreux représentaient la Loi, et les Hellénistes la grâce, il est clair que la Loi l'a emporté, et que la grâce a perdu la partie. Etienne a été mis à mort. On peut comprendre comment des gens bien intentionnés ont pu être séduits au point de commettre cet acte infâme, selon l'adage : "les ennemis de mes ennemis sont mes amis" ! Il en a été de même tout au long de l'Histoire.
Etienne commença sa défense en citant Abraham et la promesse divine faite à Abraham, que toutes les nations de la terre seraient bénies en sa postérité. Paul l'a dit dans Galates 3 :17 : "Voici ce que j'entends : une disposition, que Dieu a confirmée antérieurement, ne peut pas être annulée, et ainsi la promesse rendue vaine, par la loi survenue quatre cent trente ans plus tard". Le peuple de Jérusalem était en train de voir l'accomplissement de la promesse, par l'effusion de l'Esprit sur les multitudes. Le problème de la Loi ne pouvait pas changer cette réalité.
En bref, Etienne s'est efforcé d'élever le problème. Il voulait dépasser la question de la Loi de Moïse, pour insister sur la promesse faite par Dieu à Abraham : en Jésus-Christ, toutes les nations de la terre seraient bénies. Moïse, la Loi et le Temple sont venus longtemps après la promesse faite par Dieu à Abraham. Paul dit dans Galates 3 :19 que la Loi "a été donnée ensuite à cause des transgressions, jusqu'à ce que vînt la postérité à qui la promesse avait été faite". Jésus-Christ était cette postérité. L'administration de la grâce, sous l'autorité de Jésus-Christ, avait remplacé l'administration de la Loi, sous l'autorité du Temple.
Toutefois, les accusations portées contre Etienne ont touché une corde sensible au milieu du peuple de Jérusalem. Les factions des Hébreux et des Hellénistes devaient être très actives. Et le peuple, en participant à la lapidation d'Etienne, montre qu'il s'est produit une fracture, à propos de la question de la Loi. Etienne avait tenté d'élever le débat pour les ramener à la promesse de Dieu, mais il n'y est pas parvenu.
Etienne s'est efforcé de transcender la justice de la Loi en mettant l'accent sur la justice de Dieu en Jésus-Christ. Un auteur a fait remarquer que "le postulat selon lequel la foi est le seul moyen d'être justifié, repose sur des faits historiques bien antérieurs et supérieurs à la Loi. Abraham crut à Dieu, et cela lui fut "imputé à justice". Le fait que cela lui ait été "imputé à justice" ne signifie pas que cela a "remplacé la justice". Dieu ne nous dit pas que la foi "remplace la justice". Il dit plutôt que c'est la foi qui nous permet de recevoir Sa justice.
Le même auteur poursuit en faisant une distinction entre l'exigence de la Loi, et la méthode de la Loi. La loi exige la justice. Mais la méthode de la Loi (toute l'ancienne alliance) ne permettait pas de satisfaire cette exigence. Jésus-Christ a séparé l'exigence de la Loi, c'est-à-dire la justice, de la lettre morte des préceptes de la Loi et des cérémonies formelles. Il l'a fait en condensant toute la Loi dans deux commandements : aime Dieu et aime ton prochain. Jésus-Christ a séparé l'exigence de la Loi de la forme de la Loi. Ce faisant, Il nous permet d'être justifié par la foi. Une telle justice ne peut pas s'obtenir en revenant à la Loi. Elle ne s'obtient qu'en regardant à Jésus-Christ. Le Seigneur nous attire à Lui, alors que la Loi poussait les Juifs vers Dieu. La justice de la Loi était fondée sur la crainte. La justice qui s'obtient par la foi est fondée sur l'amour. Loi et foi sont donc diamétralement opposées.
Le meurtre d'Etienne et l'apparition de Paul.
Les accusateurs d'Etienne se sont appuyés sur la forme et la lettre de la Loi pour faire mettre Etienne à mort. Celui-ci, dans son dernier soupir, a démontré la justice qu'il avait reçue par la foi, quand il a dit : "Seigneur, ne leur impute pas ce péché !" En Christ, on ne résiste pas au mal par une simple opposition extérieure, mais par une répulsion intérieure. Etienne n'a pas prié pour que ceux qui le lapidaient soient punis. Il a prié pour qu'ils soient délivrés de leur péché !
Est-ce que cela a fait cesser les murmures des Hellénistes contre les Hébreux ? Est-ce que les discriminations des Hellénistes par les Hébreux ont cessé ? Les Actes ne le disent pas. Que sont devenus les autres diacres ? Nous savons seulement que Philippe a quitté Jérusalem un peu plus tard. Il est possible que le "groupe des sept" a éclaté, et qu'ils n'ont pas pu continuer leur ministère à Jérusalem.
Le récit du discours d'Etienne et de sa mort nous permet aussi de voir l'apparition de Paul dans le Livre des Actes. A cette époque, il n'était pas encore apôtre, ni même converti ! Il nous est présenté comme faisant partie de ceux qui ont approuvé le meurtre d'Etienne. A-t-il fait partie des faux témoins qui ont déposé contre Etienne, ou plus probablement de ceux qui les ont soudoyés ? En tout cas, il avait certains liens avec eux, car ils déposèrent leurs habits à ses pieds (Actes 7 :58). Les faux témoins participèrent à la lapidation d'Etienne, et Paul a approuvé la mise à mort d'Etienne.
Cette mort était bien un meurtre et un assassinat. Il est clair qu'Etienne n'a pas bénéficié d'un procès équitable. Il a été mis à mort avant même la fin de son procès. Le Sanhédrin avait obtenu ce qu'il voulait. Il pouvait invoquer l'excuse que la foule avait échappé à son contrôle avant la décision officielle des juges. Ils n'auraient sans doute pas eu la liberté de faire mettre à mort Etienne s'ils l'avaient condamné à cette peine. Le fait que la lapidation soit intervenue avant même la fin du procès a peut-être permis au Sanhédrin de donner l'ordre d'expulser tous les Chrétiens de Jérusalem, sous prétexte d'éviter à l'avenir de telles émeutes. Mais ils ne purent expulser les apôtres, ni les tuer. Toutefois, ils ont pu s'en prendre à tous les Chrétiens qui avaient pris le parti d'Etienne.
La description que Paul donne de lui-même avant sa conversion, dans Philippiens 3 :5-6 nous donne un aperçu des mentalités qui inspirèrent le meurtre d'Etienne. Le verset 6 est tout spécialement révélateur : "quant au zèle, persécuteur de l'Eglise ; irréprochable, à l'égard de la justice de la loi". C'était bien la justice de la Loi, la propre justice, qui a causé la mort d'Etienne. A cette occasion, beaucoup de personnes ont pris alors le parti du Souverain Sacrificateur et du Sanhédrin. Tous ceux qui ont continué à soutenir Etienne et les apôtres ont été persécutés et dispersés.
Quant à Paul, la suite du Livre des Actes nous montre qu'il a été arrêté dans sa folie meurtrière par Jésus-Christ Lui-même. Il allait ensuite devenir l'homme le plus haï de Jérusalem, au cours de 25 années qui allaient suivre. Dans Actes 23, nous voyons qu'il fallut une escorte de 470 soldats romains pour accompagner Paul de Jérusalem à Césarée, pour empêcher qu'il soit mis à mort par ceux qui en voulaient à sa vie. Malgré toute la haine accumulée contre lui, Paul devait être celui à qui Dieu révéla pleinement la grâce. C'est Paul qui a si bien expliqué le contraste entre la Loi et la grâce, afin qu'aucun insensé ne continue à errer sous le joug de la Loi.
La dispersion de l'Eglise.
Dans Actes 8 :1, nous voyons que l'Eglise de Jérusalem dut subir une grande persécution, après la mort d'Etienne, et qu'elle fut dispersée. Il est même écrit : "et tous, excepté les apôtres, se dispersèrent dans les contrées de la Judée et de la Samarie". C'est un changement dramatique. Une digue a cédé, et l'Eglise fut submergée par le flot de la persécution. Cela nous rappelle ce qui se passait au Far West, quand les citoyens d'une petite ville tranquille s'enflammaient brutalement, au point d'aller pendre des innocents. Il est difficile de comprendre le goût du sang qui peut parfois saisir les foules déchaînées. Les fausses accusations contre Etienne poussèrent le peuple au meurtre.
Est-il possible que Jérusalem ait perdu d'un coup sans doute plus de la moitié de sa population ? Est-ce que les "foules de sacrificateurs" qui avaient cru ont dû aussi quitter Jérusalem ? Nous devons nous rappeler que le Souverain Sacrificateur et le Sanhédrin n'avaient pas les pleins pouvoirs, car ils étaient soumis à l'autorité des Romains. Ceux-ci n'éprouvaient aucun intérêt pour les disputes doctrinales des Juifs, mais ils avaient grand intérêt à maintenir l'ordre à Jérusalem. La persécution des Chrétiens a donc sans doute été maintenue dans des limites que les Romains considéraient comme acceptables. En outre, les Juifs ou les Chrétiens qui étaient aussi des citoyens romains, comme Paul, ne pouvaient pas être chassés de Jérusalem aussi facilement. Or les autorités romaines ne semblent pas avoir participé à ces persécutions.
En outre, si tous les Chrétiens sans exception avaient quitté Jérusalem, les apôtres auraient eu du mal à rester seuls dans la ville. Le Sanhédrin voulait les mettre à mort, et il n'avait certainement pas changé d'avis. La seule chose qui arrêtait le Sanhédrin était la popularité des apôtres. Peut-être donc que Luc, en disant que "tous" ont été dispersés, a utilisé une figure de style hyperbolique pour souligner l'intensité de la persécution ? (NDT : Il est possible aussi que tous les Chrétiens aient été effectivement dispersés, mais pour une courte durée, et que beaucoup aient pu rapidement regagner Jérusalem).
Mais l'emploi du mot "tous" est néanmoins de la plus haute importance. Si tous les Chrétiens ont effectivement été chassés de Jérusalem, nous devons savoir pourquoi, et quand, les autorités les ont autorisés à revenir. Car le Livre des Actes nous montre qu'il y avait encore par la suite un nombre conséquent de Chrétiens à Jérusalem. Si les Chrétiens ont été autorisés à revenir à Jérusalem, ce n'était certainement pas parce que les autorités avaient été touchées dans leur cur !
D'un autre côté, si certains Chrétiens ont pu rester à Jérusalem, ils n'ont pu le faire que parce qu'ils correspondaient à certains critères définis par les autorités. Nous avons vu que le procès d'Etienne ne concernait pas le problème de la résurrection de Jésus, mais plutôt celui du respect de la Loi. La suite du Livre des Actes nous montre que le problème central, à Jérusalem, n'était plus celui de l'acceptation de la résurrection, mais celui de l'adhésion à la Loi de Moïse, même après la conversion à Jésus. Or la loi n'avait été donnée que pour garder les hommes et les femmes sous une tutelle nécessaire, jusqu'à la venue de la grâce. Elle n'était plus destinée à les enchaîner, une fois qu'ils ont connu la grâce ! Cela nous permet peut-être de mieux comprendre qui étaient ces "tous" qui ont été dispersés. (NDT : Il pouvait donc s'agir de "tous" ceux qui avaient clairement dit qu'ils n'adhéraient plus à la Loi, alors que ceux qui avaient pris le parti de la Loi avaient été autorisés à rester à Jérusalem).
La Loi et la grâce de Dieu.
Avec Actes 8 :1 commencent donc réellement "les deux voies de l'Eglise primitive". Il s'agit de la voie de la Loi, et de la voie de la grâce. La suite des Actes nous montre qu'il y avait toujours une Eglise importante à Jérusalem, mais il ne s'agit plus de la même Eglise (Actes 12 :1-3). Les apôtres sont relativement marginalisés dans cette Eglise, qui va s'opposer à Paul, et véhiculer le légalisme et l'esprit de domination dans les églises des nations.
La suite des Actes nous permet de penser que ce sont les Chrétiens qui ont refusé tout compromis avec la Loi qui ont été obligés de quitter Jérusalem, alors que ceux qui avaient accepté ce compromis ont pu rester chez eux. Si les apôtres ont pu rester, ce n'est pas parce qu'ils s'étaient compromis, mais parce qu'ils étaient encore officiellement "intouchables". En outre, ils n'avaient pas été impliqués directement dans le choix des diacres et dans la résolution du problème causé par les "murmures". Ils n'avaient pas été impliqués dans le problème. Mais nous verrons qu'ils ne resteront pas longtemps "intouchables".
Les Chrétiens qui ont pu rester à Jérusalem ont donc dû accepter un compromis pour éviter la persécution. Paul reproche aux Galates, qui avaient commencé par l'esprit, de finir par la chair, et de vouloir rechercher la perfection dans la Loi (Gal. 3 :3). Le "parti de la circoncision" est nommé pour la première fois dans Actes 11 :2. Jacques, le frère de jésus, était le chef de ce parti (Galates 2 :12). On remarque aussi (y a-t-il un rapport ?), dans Actes 9 :31, que "l'Eglise était en paix dans toute la Judée", juste après le départ de Paul de Jérusalem !
Qu'était-il arrivé aux "enfants de Dieu" qui "jouaient" à Jérusalem, comme on le voit dans les six premiers chapitres des Actes ? Qu'est-ce qui avait rompu la digue de l'Esprit, pour que les forces du mal puissent ravager l'Eglise ? Qui sont ceux qui ont dû s'enfuir de Jérusalem ? Qu'est-il arrivé aux autres diacres choisis avec Etienne ? Est-ce que vraiment tous les disciples ont dû s'enfuir de Jérusalem ?
Il y a beaucoup de choses que nous ne savons pas. Mais le problème soulevé dans Actes 6 :1 était sans doute bien plus profond que celui d'une simple mauvaise distribution aux veuves des Hellénistes ! Quand il est écrit dans Actes 6 :9-10 que certains ont commencé à contester avec Etienne, et qu'ils n'ont pas pu résister à sa sagesse et à l'Esprit qui l'inspirait, nous sommes conduits à conclure que les paroles d'Etienne avaient un rapport avec la dispute entre les Hébreux et les Hellénistes. Sinon, il n'y a aucune continuité dans ce chapitre 6. Si les solutions proposées par Etienne déplaisaient tant à certains, au point qu'ils le firent mettre à mort, les "murmures" d'Actes 6 :1 traduisaient un mécontentement bien plus profond qu'il n'apparaît à première vue. Si ces "murmures" ont finalement abouti à la persécution et à la dispersion de l'Eglise, quels sont, d'après vous, ceux qui ont été obligés de quitter Jérusalem, les Hellénistes ou les Hébreux ? Il se peut aussi que beaucoup de membres appartenant à chaque groupe aient été obligés de partir (ceux qui n'avaient pas accepté de compromis).
Plus tard, dans le Livre des Actes, nous voyons que le parti de la circoncision s'est opposé à Pierre (Actes 11), et que les Pharisiens jouent un rôle très important lors du concile de Jérusalem. Nous ne savons pas si le parti de la circoncision était surtout composé d'Hébreux ou d'Hellénistes. Il en est de même pour les Pharisiens. Nous avons tendance à penser que ces deux groups étaient surtout composés d'Hébreux, mais nous n'en savons pas assez pour aboutir à une conclusion définitive. Tout n'est pas encore clair sur l'origine exacte des Hellénistes.
Voici ce que déclare Jacques dans Actes 21 :20 : "Tu vois, frère, combien de milliers de Juifs ont cru, et tous sont zélés pour la loi". Cela indique que ceux qui étaient restés à Jérusalem continuaient, au moins en partie, à se conformer à des lois et des coutumes qui n'avaient conduit les Juifs nulle part pendant des siècles. Bref, ceux qui étaient restés à Jérusalem étaient en train de revenir à leurs anciennes voies. Bien que nous ayons encore beaucoup de choses à découvrir sur l'origine des "murmures" d'Actes 6 :1, il nous suffit de dire que la réalité de la résurrection de Jésus ne posait plus aucun problème à Jérusalem. Personne ne pouvait nier ce fait. Les Sadducéens se gardaient bien d'en parler. Mais il semble que beaucoup de disciples aient eu encore du mal à accepter certaines vérités, et que beaucoup aient dû quitter Jérusalem.
Dans Actes 8 :5, nous apprenons que Philippe se rendit en Samarie pour y prêcher le Christ. Nous ne savons pas avec certitude s'il s'agissait de l'apôtre Philippe, ou du diacre Philippe, l'un des sept, qui avait quatre filles qui prophétisaient (Actes 21 :8). Il semble toutefois que ce soit plutôt le diacre Philippe.
Toutefois, dans Actes 8 :1, nous lisons que les apôtres restèrent à Jérusalem. Au verset 14, nous voyons que les apôtres, ayant entendu dire que des Samaritains s'étaient convertis, leur envoyèrent Pierre et Jean.
Dans Actes 8 :26, nous voyons que l'ange du Seigneur demanda à Philippe de se rendre en direction de Gaza. Au verset suivant, il rencontra un Ethiopien qui était ministre des finances de la reine d'Ethiopie. Il rentrait chez lui après être venu adorer à Jérusalem. Dieu avait envoyé Philippe pour lui parler, car il n'avait pas entendu l'Evangile à Jérusalem.
Que faisaient donc tous les Chrétiens Juifs qui se trouvaient à Jérusalem ? Où était la "grande foule de sacrificateurs qui avaient cru" ? Il est certain que tous devaient être intimidés, découragés, ou simplement repris par leur vieille nature, car aucun d'eux n'avait annoncé l'Evangile à l'Ethiopien, à Jérusalem. La ville avait bien changé en l'espace de deux ou trois ans, quand tous les malades étaient guéris dans les rues, et que les apôtres étaient si populaires que les membres du Sanhédrin craignaient pour leur vie ! Le fait de voir de quelle manière l'Ethiopien a fini par entendre l'Evangile n'est pas un bon point en faveur des habitants de Jérusalem, qui n'ont pas osé lui transmettre ce joyeux message de délivrance !
Actes 8 :40 nous dit que Philippe se rendit à Césarée, après avoir évangélisé Azot et toutes les villes par lesquelles il passait. Près de 20 ans plus tard, dans Actes 21 :8, nous voyons que le diacre Philippe vivait à Césarée. Tout nous permet donc de penser que ce Philippe était le même que le Philippe qui avait évangélisé l'eunuque Ethiopien.
Ainsi, les cinq premières années de l'Eglise à Jérusalem furent marquées par une croissance très rapide, par des miracles et des guérisons sans précédent et, vers la fin de cette période, par une persécution et la dispersion de l'Eglise. Paul apparaît au chapitre 9. Le reste des Actes montre que l'efficacité de l'Evangile diminue parmi les Juifs, tandis qu'il s'accroît parmi les Gentils et les diverses nations du monde.
Nous voyons aussi que Dieu a exaucé la dernière prière d'Etienne : "Seigneur, ne leur impute pas ce péché !" En effet, Dieu n'a pas imputé ce péché à Paul. Paul avait consenti à la mort d'Etienne, mais on peut dire qu'il a repris le ministère d'Etienne là où ce dernier l'avait laissé. Que Dieu soit loué pour Etienne, pour Philippe et pour les cinq autres diacres, qui avaient été choisis pour régler la contestation entre les Hellénistes et les Hébreux ! Ils ont effectivement trouvé la solution, même si ce n'était pas celle que Jérusalem voulait entendre. La solution, c'est la grâce et la promesse de Dieu, et non la loi et l'esclavage !