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Lorsqu'on examine la philosophie, ou plutôt l'idéologie, qui sous-tend la doctrine impériale du gouvernement américain, on décèle deux courants essentiels. Ce qui frappe d'abord, c'est l'empreinte du fondamentalisme religieux, voir du mysticisme, qui transparaît de tous les discours du président Bush et de son ministre de la Justice, John Ashcroft. C'est ainsi qu'il est question de « croisade du bien contre le mal », le bien étant incarné, bien entendu, par l'Amérique, et le mal par tout pays qui s'oppose à elle. D'autre part, on découvre une école politique « plus subtile », remontant à feu Leo Strauss, qui défend ouvertement l'impérialisme et la « loi du plus fort ».
Professeur de philosophie politique à l'université de Chicago de 1953 à 1973, Strauss a créé toute une génération d'idéologues et de politiciens qui, aujourd'hui, sont infiltrés dans le gouvernement américain et dans le milieu néo-conservateur.
Léo Strauss, né en 1899 .. en Allemagne, vécut aux Etats-Unis de 1938 jusqu'à sa mort, en 1973...
Est-ce un hasard si les livres de Strauss, en particulier les derniers, sont illisibles ? Non, je suis convaincu du contraire. Le but visé est qu'un grand nombre de lecteurs se lassent après n'y avoir trouvé que des choses assez banales, comme le conseil d'être moral, d'avoir un sens patriotique et de vivre dans la crainte de Dieu. Toutefois, quelques « jeunes garçons intelligents » (jamais des « femmes », ni des « gens »), intrigués par les « obiter dicto », ces remarques fragmentaires, presque toujours « hors propos », se demanderont « de quoi parle-t-il maintenant ? Je dois le savoir. » Ils sont alors pris à part et suivent un enseignement en privé, individuellement.
Ce soi-disant savoir secret que Strauss inculqua à Pangle, Bloom, Werner Dannhauser et bien d'autres, y compris le protégé de Bloom, Paul Wolfowitz, n'est en réalité que du Nietzsche pur et dur, seuls les noms étant changés. Le « surhomme » de Nietzsche devient « le philosophe »; chez Strauss.
C'est l'homme rare, capable de supporter la vérité. Cette vérité, c'est qu'il n'y pas de Dieu, que l'univers n'a que faire de l'homme et de l'espèce humaine et que l'entièreté de l'histoire humaine n'est qu'une minuscule poussière insignifiante sur la croûte de l'univers, dont la naissance coïncide quasiment avec la disparition. Il n'existe ni moralité, ni bien ni mal, et toute discussion sur l'au-delà n'est que commérage. D'ailleurs, dans un panégyrique, Strauss disait d'un collègue : « Je pense qu'il est mort comme un philosophe, sans crainte ni espoir. » Mais évidemment, l'immense majorité de la population est si incapable de faire face à la vérité qu'elle appartient quasiment à une autre race. Nietzsche l'appelle « le troupeau » ou encore « les esclaves ». Ils ont besoin d'un Dieu père fouettard, de la crainte d'une punition après la vie, et de la fiction du bien et du mal. Sans ces illusions, ils deviendraient fous et se révolteraient, ce qui empêcherait toute forme d'ordre social. Puisque la nature humaine est ainsi faite et ne changera jamais, selon Strauss, ce sera toujours comme ça.
C'est le surhomme/philosophe qui fournit au troupeau les croyances religieuses, morales et autres, dont il a besoin, mais dont il sait très bien, lui, qu'elles sont erronées. Nietzsche appelait ces surhommes les « prêtres athées », et Strauss affirme que ses mensonges sont des « mensonges nobles ». Ce qui ne veut pas dire qu'ils servent le bien ! Car le bien, la charité et la bienveillance sont méprisés par Nietzsche et Strauss, comme indignes des dieux et des hommes/dieux. En réalité, les « philosophes » n'utilisent ces manigances que pour plier la société à leurs propres intérêts.
Par ailleurs, les philosophes font appel à toutes sortes de gens utiles.. A la place des savoirs secrets ou « ésotériques », les futures « gentlemen » sont formatés dans les connaissances « exotériques » ou publiques. On les dresse à croire à la religion, à la moralité, au patriotisme et à la chose publique et certains deviennent hauts fonctionnaires. Bien sûr, en plus de ces vertus, ils croient aussi aux philosophes qui leur ont enseigné toutes ces bonnes choses. Ces « gentlemen », qui deviennent des politiques, continueront à écouter à vie les conseils des philosophes. La gouvernance du monde par l'intermédiaire de ces golems implantés dans les gouvernements est ce que Strauss appelle le « Royaume secret » et pour beaucoup de ses élèves, c'est la mission de leur vie.