Eugénisme et programmes de stérilisations forcées
FMI, Banque Mondiale, ONU et Usaid

source: Article par Françoise Barthélemy du Monde Diplomatique de mai 2004 (pages 14 et 15)
http://www.monde-diplomatique.fr/2004/05/BARTHELEMY/11190

Au Pérou, le scandale majeur de l'administration de l’ancien président Alberto Fujimori demeure totalement occulté tant au Pérou qu’à l’étranger : une politique eugéniste qui a provoqué la stérilisation forcée de plus de 300 000 femmes.

Sous prétexte de les vacciner, on les met en salle d’opération. On les anesthésie. Elles ressortent, une par une, sonnées avec une opération du ventre. Plus tard, elles comprennent – choc terrible – qu’elles ont été stérilisées, qu’elles n’auront plus jamais d’enfants.

En juillet 2002, les enquêteurs nommés par le ministère de la santé Péruvien (Minsa) rendent public un « Rapport final » gros de 137 pages d’où il ressort que, entre 1995 et 2000, 331 600 femmes ont été stérilisées, tandis que 25 590 hommes subissaient une vasectomie. « Ces personnes ont été captées, souligne le rapport, soit à force de pressions, de chantages et de menaces, soit en se voyant offrir des aliments, sans qu’elles aient été dûment informées, ce qui les a empêchées de prendre leur décision en réelle connaissance de cause. »

Un an plus tard, ces données sont rassemblées dans un livre percutant, associé à un document vidéo, Nada personal (Rien de personnel). Il contient une révélation dramatique : ce qui apparaissait au début, de la part du gouvernement, comme des « objectifs à atteindre » en matière de stérilisations s’est vite transformé en « quotas à remplir », de manière obligatoire, par chaque professionnel et chaque établissement de santé. De bonnes performances entraînent des récompenses. Les mauvaises, des châtiments. Nada personal se réfère à une politique d’Etat froidement établie et vaudra à son auteur menaces et intimidations.

M. Juan Manuel Guillén a occupé la fonction de maire de la ville d'Arequipa jusqu’en 2003. Ses vigoureuses protestations ont obligé l’actuel président, M. Alejandro Toledo, à renoncer à privatiser deux sociétés d’électricité. « Il existe à mes yeux une relation étroite entre la politique néolibérale imposée au Pérou par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, et le plan de planification familiale manigancé par Fujimori, soutient-il. En échange de crédits et d’une renégociation de la dette, le FMI a exigé les privatisations – y compris dans le secteur de la santé – et l’ouverture au capital étranger, mais aussi un contrôle de la croissance démographique. Les secteurs pauvres, voire très pauvres, potentiellement "dangereux", sont visés. Cela a violé les droits individuels, les droits des familles, et plus largement les principes éthiques sur lesquels devrait reposer la société. »

Qui a financé ces projets ? L’Agence américaine pour le développement international (Usaid) sera la principale source d’assistance technique et financière, en apportant une contribution de 36 millions de dollars, sept fois plus importante que le second donateur, le Fonds de population des Nations unies (UNFPA). L’Usaid a reçu le feu vert du Congrès américain à majorité républicaine et théoriquement hostile aux programmes de contrôle des naissances. On relève aussi l’apport d’environ 2 millions de dollars de la Nippon Zaidan (Fondation Japon).

Diverses organisations non gouvernementales (ONG), telles que l’américaine Pathfinder, reçoivent de l’argent, ainsi que l’organisation féministe péruvienne Manuela Ramos.