Des créationnistes en France

Dans les médias francophones, on voit de plus en plus d'étonnement, voire d'incrédulité à l'égard de la remise en question de fond de la théorie de l'Evolution dans la population aux États-Unis. Voici une nation à la fine pointe de la technologie, dont les élites gagnent régulièrement des prix Nobel en sciences et dont une tranche très importante de la population rejette catégoriquement la théorie de l'évolution. Voici quelques articles de Charlie Hebdo et du Nouvel Obs concernant les créationnistes.

Il faut d'abord s'entendre sur les mots: créationnistes, normalement, tous les croyants le sont. Ceux dont on parle ici, ce sont les puristes, qui prennent les textes religieux à la lettre. De ces créationnistes pur jus, on en trouve chez les catholiques, les protestants et les musulmans. Mais, de loin, ce sont les protestants évangéliques les plus actifs. Ce soir, dans la salle d'un temple protestant grenoblois, une bonne trentaine de personnes assistent à un séminaire sur les origines du monde. Hommes et femmes, de tous âges, la plupart habitués du lieu, dont un grand nombre de scientifiques, car nous ne sommes pas pour rien dans une capitale de la technologie. Première surprise: les créationnistes ne forment pas un bloc monolithique de bigots obtus, comme on a souvent tendance à le croire. Ils sont traversés par des courants, des tendances, et ça discute ferme. Tout le monde prend la Bible au sérieux, mais avec des nuances. D'un côté, les défenseurs d'une interprétation roo % littérale, de l'autre, les modérés, ouverts aux métaphores. Parmi les seconds, il y a François-Jean, docteur en biologie, qui« ne rend pas la compréhension de la Bible esclave de la science ». En face, l'auteur créationniste Henri Bryant « préfère avoir tort par rapport à la science que par rapport à la parole de Dieu ». Le pasteur Reynald Kozycki, lui, est un peu entre les deux, car « dans une même phrase de la Bible, on peut avoir une partie littérale et une autre métaphorique ». Je ne sais pas si tous les protestants sont comme ça, mais c'est plutôt agréable de les voir débattre et échanger leurs arguments: ça change du dogme catho qui s'avale (ou non) sans broncher... Même quand on aborde l'évolution des espèces, ça n'est pas aussi tranché qu'on pourrait le croire. La preuve, tout le monde reconnaît la « micro-évolution » : oui, les formes du vivant se modifient sous l'effet de la sélection naturelle. C'est le passage d'une espèce à l'autre qui ne passe pas. Qu'une mouche acquiert des ailes plus ou moins colorées, certes, mais elle ne donnera jamais un hippopotame. Quant à l'homme, qu'il descende d'un néandertalien, à la limite, pourquoi pas, mais d'un babouin, sûrement pas.

Dur, dur, de descendre du singe Là où tout le monde tombe d'accord, c'est sur la« perfection» du monde. Le vieux coup du « c'est tellement beau qu'il faut un horloger » est remis au goût du jour par une notion prétendument scientifique: l'« irréductible complexité » du vivant. « La selection naturelle doit produire tout à la fois, ou pas du tout », nous explique Henri. Comprenez qu'un organe comme l'œil est tellement complexe qu'il ne peut pas, contrairement à ce qu'affirment les darwinistes, s'être développé à partir de mutations successives d'un œil moins perfectionné.

En miroir de cette « perfection » du vivant, il y aurait l'« imperfection » de la science. « Les théories scientifiques changent », rappelle Stéphane, le prof de philo. Et « ce n'est pas forcément la voix du plus grand nombre qui a raison », renchérit Reynald. La remise en cause permanente des résultats de la science (ce qui en est la force pour les chercheurs) est ici transformé en faiblesse: c'est limite fair-play.

Finalement, je comprends qu'être créationniste n'est pas de tout repos. Quelle torture de s'acharner à vouloir concilier des approches aussi incompatibles que la Bible et les travaux scientifiques! Moi qui croyais que la religion apaisait l'esprit, je suis aujourd'hui persuadé que c'est bien plus reposant d'être athée.

ANTONIO FISCHETTI
Mercredi 13 mai 2009 CHARLIE HEBDO

André Eggen, un scientifique au service de la Bible

En France, le militant créationniste le plus actif s'appelle André Eggen. Il est l'un des rares à assumer cette étiquette pleinement et sans faux-semblants. Mais avec prudence toutefois, car s'il veut bien me rencontrer, c'est « à condition que ce ne soit pas pour casser du créationniste ». La journée, il est directeur de recherches en génétique animale à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) - où il vient d'ailleurs de contribuer au séquençage du génome de la vache -, et le week-end, il anime des conférences créationnistes. «À titre personnel », précise-t­il. Il est croyant, protestant évangélique, et fondateur d'« Au commencement », seule association française répertoriée dans le réseau créationniste mondial. Association qui ne compte qu'une trentaine de membres, « parce qu'on ne fait pas de publicité »...

Sur le fond, André Eggen incarne la frange la plus radicale des créationnistes, pour qui la création de la Terre date d'« entre 10000 et 200000 ans» et est d'une durée de « six jours de plus ou moins 24 heures ». Mais quid de la datation au carbone 14? « Ça ne marche pas, car pour pouvoir dater, il faut une référence; c'est comme une bougie allumée, il faut connaître la longueur; au début. » Et les dinosaures? «Je ne remets pas leur existence en question, mais on dit qu'ils datent de 65 millions d'années, et ce n'est pas possible qu'ils soient restés intacts tout ce temps. »

Pour dénoncer la théorie de l'évolution, André Eggen se base sur les erreurs que l'on peut commettre en extrapolant à partir d'observations. Regardez les tailles des êtres humains au cours de l'adolescence: « Si les extrapolations étaient valables, on mesurerait trois mètres à trente ans. » Dans la salle les gens approuvent.

Enfin, le gros morceau, ce sont les fossiles. « Darwin dit que si on ne trouve pas toutes les formes intermédiaires sa théorie est remise en cause »... Et pour André Eggen, les fameux fossiles sont absents au rendez-vous.

Des vagues à l'lNRA Toujours calme et affable, André Eggen n'est pas le genre d'excité à militer pour un enseignement du créationnisme à l'école. Au contraire, il est tranquillement convaincu qu'« il suffirait qu'on enseigne de façon encore plus sérieuse la méthode scientifique, pour que l'évolutionnisme tombe de lui-même ».

Suite à ses travaux sur le génome de la vache, une tribune intitulée « Un créationniste français à l'honneur» a été publiée dans Libération. André Eggen en est sincèrement peiné, car « ils font une association entre ma vie professionnelle et ma vie privée ». Ses collègues de l'INRA sont partagés. Certains s'inquiètent pour la crédibilité de leur institut, quand d'autres assurent André de leur soutien: «j'ai des collègues qui ne partagent pas mes convictions, mais je discute avec eux sans problèmes. » Du côté de l'INRA, rien d'officiel, mais une gêne silencieuse: « La hiérarchie souhaiterait que j'arrête mon activité parallèle, mais ils ne me le disent pas directement. » Aujourd'hui, si André Eggen s'est mis en disponibilité de l'organisme de recherche public pour travailler dans une entreprise privée, cela n'a rien à voir avec les récents remous, jure-t-il: « C'est juste que j'ai une opportunité ailleurs. »

Quant au paradoxe qu'il y aurait à décrypter le génome de la vache tout en étant persuadé qu'elle a été créée telle quelle par Dieu il y a six mille ans, le chercheur n'y voit pas la moindre contradiction: «Je me base sur ce qu'on observe aujourd'hui, et ce n'est pas la même chose que d'extrapoler dans le passé. »

Quoi que l'on pense des convictions bibliques d'André Eggen, il faut reconnaître qu'il a du cran pour résister aussi sereinement à la pression générale... A. F.
Mercredi 13 mai 2009 CHARLIE HEBDO

Des savants créationnistes?? Créationnisme: science ou religion?

William Dembski est très actif dans le mouvement Intelligent Design. Il détient deux doctorats (mathématiques et philosophie) .. Dans son livre Intelligent Design: the Bridge Between Science and Theology, il propose un argument, fondé sur la théorie de l'information et l'analyse statistique, qui affirme que le niveau de complexité spécifié ("specified complexity") démontré par la vie ne pourrait survenir par hasard, mais doit son existence à l'intervention d'un agent intelligent, c'est-à-dire Dieu.

Fritz Schaefer est l'Inventeur de la chimie quantum computationnel (en anglais: "computational quantum chemistry"). Il a 900 publications scientifiques à son actif et a été considéré pour le prix Nobel à cinq reprises.

Peu de gens savent que l'inventeur du MRI (terme anglais pour un appareil utilisé pour la détection de cellules cancéreuses) a été inventé par un créationniste, le Dr. Raymond Damadian. Damadian est le détenteur de 56 brevets médicaux aux États-Unis. D'ailleurs il y a lieu de croire que le fait qu'il soit créationniste ait contribué au fait qu'il ait été refusé pour le prix Nobel de médecine en 2003, qui a pourtant été accordé à d'autres chercheurs qui ont travaillé sur son invention (et ce en dépit du fait que le prix Nobel soit généralement accordé aux inventeurs et non à ceux qui perfectionnent une invention).

Darwin taclé par un créationniste

Par Michel de Pracontal - Chroniques darwiniennes
http://bibliobs.nouvelobs.com/blog/darwin/20090402/11679/1869-darwin-tacle-par-un-creationniste

«J'ai pour Darwin toute l'estime qu'on doit avoir. [...] Mais je considère comme un devoir de persister dans l'opposition que j'ai toujours faite à la doctrine qui porte aujourd'hui son nom. Je regarde en effet cette doctrine comme contraire aux vraies méthodes dont l'Histoire naturelle doit s'inspirer, comme pernicieuse et fatale aux progrès de cette science. (1)»

Cette profession de foi anti-darwinienne est formulée en 1869 par le grand paléontologue Louis Agassiz, le fondateur de la glaciologie, l'homme que Stephen Jay Gould qualifie de «premier spécialiste mondial des poissons fossiles» et de «biologiste le plus important d'Amérique» (2).

Professeur à l'université Harvard jusqu'à sa mort en 1873, il fondera le Musée de zoologie comparée de Harvard, le plus grand du monde dans sa catégorie.

Agassiz se refuse à accepter l'idée que les espèces évoluent et descendent les unes des autres. Refus obstiné, persistant, argumenté: «Le Darwinisme exclut presque toute la masse des connaissances acquises, pour s'assimiler et faire ressortir exclusivement ce qui peut servir à la doctrine, écrit-il. Ce ne sont pas les faits qui déterminent pour les Darwinistes le caractère des généralisations, c'est le système qui prétend dicter l'ordre des choses.»

Pour Agassiz, Darwin n'a pas construit une théorie, mais une idéologie, une doctrine qu'il qualifie d'«erreur scientifique, inexacte quant aux faits, non scientifique par sa méthode et pernicieuse dans sa tendance». Agassiz ne considère pas la série animale comme le produit de l'évolution mais comme le fruit d'une succession d'actes divins. Il voit en chaque fait de Nature une proclamation du «Dieu unique, que l'on peut connaître, adorer et aimer». Pour Agassiz, l'Histoire naturelle est vouée à devenir «l'analyse des pensées du Créateur de l'Univers».

1. Louis Agassiz, «De l'espèce et de la classification en zoologie», Balliere, Paris, 1869
2. Selon Stephen Jay Gould, «Les Failles d'un monument victorien», in «Le Pouce du panda», Grasset, Paris, 1982